vendredi 29 juillet 2011

Ne rien faire… Vraiment ?

28°12.394N 14°01.604W
Gran Tarajal

Le temps passe à une vitesse lorsque l’on ne fait rien, c’est dingue… Nous sommes déjà vendredi et j’ai l’impression que la dernière fois que je vous ai donné des nouvelles c’était hier. Bon d’accord, c’était il y a trois jours. Mais quand même.

Je me disais que j’allais vous glisser quelques mots avant que la fin de la semana n’arrive, histoire de vous donner un peu de lectures.

Alors qu’ai-je fais depuis ces trois jours… Et bien j’ai fabriqué une nasse. Oui, moi tout seul avec mes blanches mains et mon cerveau que j’ai dedans la tête ! Et je dois dire que lorsque je la regarde, je suis plutôt fier de moi. Bon d’accord, ce n’est pas exactement une fabrication dans les règles de l’art, c’est fait avec les moyens du bord et un tout petit budget (8 € !), mais comme ça, de l’extérieur, je trouve qu’elle a de la gueule.

Alors pour vous mes lecteurs qui êtes bien tranquillement installé derrière votre écran, et qui je n’en doute pas aurez sûrement un jour besoin de vous en fabriquer une aussi (en tout cas je vous le souhaite), voici comment j’ai procédé.

J'ai vu grand quand même...
Il vous faut pour ce faire environ deux mètres d’un grillage quelconque dont les mailles de doivent pas être supérieures à 10 mm. L’idéal c’est un grillage plastifié du type manchon de protection pour les jeunes arbres. Un peu de fil de fer, également plastifié, de diamètre 2 mm pour faire l’armature et du petit fil de fer pour les liures.
Vous découpez votre grillage aux dimensions qui vous conviennent et vous formez un cylindre en rigidifiant les extrémités avec le gros fil de fer. Vous ligaturez ensuite bien l’ensemble.
Puis vous découpez deux demi-cercles qui vous serviront à faire les extrémités. Ces extrémités doivent être en forme d’entonnoir, c’est-à-dire en cône. Là, je vous avoue que je me suis un peu pris le choux à essayer de calculer avec des formules mathématiques qu’elles devaient être les dimensions exactes de ces demi-cercles. Finalement, les maths n’ont fait que compliquer les choses et j’y suis allé un petit peu au pif… Bref, vous fixez vos cônes, avec la partie la plus étroite à l’intérieur bien sûr, et vous découpez la pointe du cône de façon à laisser une ouverture qui ne doit pas dépasser 10 cm. Vous ligaturez toujours pour que l’ensemble reste bien solidaire.
Il ne vous reste plus qu’à ménager une ouverture sur le dessus que vous fixerez avec des élastiques (genre petits sandows), et à fixer deux petits boutes à chaque extrémités. Relier ensuite ces boutes avec une corde suffisamment longue pour tenir compte de l’amplitude la marée.
Pour finir vous allez chercher de l’autre côté de la route deux pierres pour lester la nasse. Vous garnissez celle-ci avec ce que vous voulez comme appât. Les viejas, une variété de poisson perroquet, affectionne tout particulièrement le pain rassis, mais on peut aussi suspendre un calamar fixé à un gros hameçon, au cas où une autre espèce de poisson passerait par là.
Il ne vous reste plus qu’à trouver un bon endroit pour mettre votre nasse à l’eau !

Petits-petits-petits ! ! !
Bon Ok, le mieux c’est de trouver un endroit prêt des rochers. Moi j’ai terminé la fabrication hier en fin de journée et je n’ai pu que la balancer au cul de mon bateau qui se trouve en bout de ponton, c’est-à-dire presque au milieu du port, et je n’ai pour l’instant rien attrapé… J’envisage donc de la déplacer vers un endroit plus propice, mais je ne sais pas encore comment je vais faire… Car, il faut quand même que je vous le dise, cet instrument est tout à fait illégal et je me vois mal me balader avec ma nasse à la main à la vue de tous !

Ben oui c’est illégal… Qu’est-ce que vous croyez ? Ça porte même un nom ce genre de délit, ça s’appelle du braconnage (Gwen la Braconne, ça sonne bien non ?). Mais bon, voilà bien un délit qui ne me pose absolument aucun problème de conscience. Ce que je pêche, c’est pour le manger, et non-pas pour en faire le commerce. Les super bateaux usines avec leurs filets de trois kilomètres font bien plus de dégâts que moi…

Sicaflex attend son petit-dèj
Et puis, même s’il m’arrive d’attraper des poissons vraiment trop petits, je les garde quand même pour m’en servir comme appâts, ou bien pour les offrir à Sicaflex, le chat du bateau voisin. On est dans la pêche vivrière là… pas dans l’exploitation mercantile des fonds marins. Et franchement, comme je vous l’ai dis, ça ne me pose aucun problème.

Voilà pour la nasse. Sinon il y a un truc dont je voulais vous parler… Un truc qui me rend aussi assez fier de moi, même si vous conviendrez peut-être que ce n’est pas grand-chose.
Il y a quelques jours, deux je crois, j’ai reçu un mail d’un dénommé Gérald (Salut Gérald !), qui disait en des mots très gentils tout le bien qu’il pensait de moi et de ce blog. Il me disait aussi que mes petites aventures (je suis ironique là, hein !) l’inspiraient et qu’il envisageait lui aussi d’acheter un bateau et de partir visiter le vaste monde. Il m’a posé plein de questions et j’ai eu grand plaisir à lui répondre…
C’est la troisième fois que je reçois un tel mail (Salut Benoit, Salut Chloé !), et à chaque fois je ressens un plaisir narcissique évident, mais aussi celui d’être un peu utile à quelque chose…
Tout ça pour dire que je suis vraiment ravi que ce voyage se fasse exactement comme je l’avais espéré, sous le signe du partage. Je sais bien que je vous l’ai déjà dit, mais c’est important pour moi de savoir que de l’autre côté de l’Ethernet il y a des gens qui profitent de mes petits plaisirs et de mes déboires. Tout ça, tout ce que je vis, n’aurait absolument aucun sens si je ne pouvais pas vous en faire profiter un peu…

La pêche d'hier, à la ligne
A ce propos, puisqu’on est dans la reconnaissance, je ne saurais trop conseiller à Chloé, Gérald et Benoît, plus tout ceux qui ne l’on pas encore fait, d’aller jeter un œil sur le blog du Monsieur qui m’a laissé un commentaire hier dans l’article précédent. Je veux parler de Captaingils. Plus qu’un œil d’ailleurs, car franchement ce qu’a fait ce Monsieur (avec un Grand M), et ce qu’écrit ce Monsieur, c’est de l’or en barre pour qui veut partir…
C’est bien simple, de toutes les lectures que j’ai pu avoir pendant l’année qu’il ma fallut pour mettre au point ce voyage, c’est celle qui m’a le plus donné envie de m’accrocher à mon rêve…

Et donc quand Monsieur Captaingils me dit de ne pas trop m’attarder aux Canaries, et bien moi j’ai plutôt envie de suivre son conseil… On va bien réfléchir à tout ça, et puis on va prendre une décision.

Voilà les amis, ce que je voulais vous dire (tien, ça me rappelle quelque chose…) en cette belle journée de vendredi qui s’annonce. Il va être sept heures du matin. Le ciel est en train de se dégager et la température extérieure ainsi que celle de l’eau sont de 23°C.

Passez tous un excellent weekend !

Finalement, pour quelqu’un qui est sensé ne rien faire, je trouve que j’ai quand même une vie bien remplie et beaucoup à en dire. Vous ne trouvez pas ?

PS : 09h40 : J’apprends à l’instant la disparition d’un collègue blogueur que vous connaissiez puisqu’il me faisait l’honneur de commenter chez moi. Il s’agit du Coucou de Claviers. Moi je le connaissais sous celui de Jean-Louis et nous avions correspondu par mail au moment de mon départ. Il me soutenait et me donnait des conseils… Du coup, la vie me parait beaucoup moins belle. Fait chier.

mardi 26 juillet 2011

Impressions de Fuerteventura

28°12.394N 14°01.604W
Gran Tarajal

Voilà maintenant presque une semaine que je suis sur cette île de Fuerteventura. Une semaine à ne rien faire… Ou presque.
Souvenez-vous, en arrivant à Gran Tarajal je vous disais que j’allais en profiter pour glander un peu… Et bien croyez-moi, c’est-ce que je fais. J’ajouterais que le faire aussi bien, c’est quasiment du boulot à plein temps qui mériterait satisfecit, si ce n’est carrément salaire.

Mes journées sont d’une platitude reposante qui confine à la paresse. Le matin je me lève tôt et je joue sur mon ordinateur, ou bien j’écris. Vers neuf heures je vais en ville boire un café, consulter mes mails et s’il est besoin, faire quelques courses. Je suis de retour vers treize heures, je déjeune et ensuite je fais la sieste. Tout dépend de l’heure à laquelle se finit mon repas mais je suis rarement réveillé avant quatre ou cinq heures de l’après midi !
En début de soirée je retourne en ville, ou bien au bar du port, mais la liaison wifi y est plutôt aléatoire, pour voir si quelqu’un ne trainerait pas par hasard sur FB et taper la discute. Et vers 20h00 je me rentre tranquillement pour dîner. Un petit film avant de me coucher et dodo.
Le lendemain, rebelote !

Comme vous le voyez, c’est carrément un emploi du temps de ministre en vacance.

Fin de la rue, fin de la ville...
Le port de Gran Tarajal est assez grand, mais quasiment vide. Le prix est extrêmement attractif (7,63 €/jour) avec l’eau et l’électricité. Seul bémol, les sanitaires sont hors-services depuis des mois, et personne n’a jugé bon d’y remédier.
Alors on pourrait se demander pourquoi un prix si peu élevé ? Oui, demandons-le nous… Et bien je n’en sais rien. Peut-être est-ce parce que Gran Tarajal ne dispose d’aucune infrastructure touristique digne de ce nom (pas d’hôtel, pas de site remarquable à visiter…), ou bien parce que les cailloux à la longue, ça lasse ? Mais le fait est que j’aime bien l’ambiance de cette ville. Certains diraient mortelle, mais je préfère dire tranquille.

Cela-dit, il m’arrive de varier les plaisirs et d’ajouter une activité non contractuelle à ces trépidantes journées. Comme aller à la pêche par exemple. Mais même ça, je trouve que c’est un peu trop fatigant pour moi… Si au bout d’une heure je n’ai rien attrapé, je laisse tomber ! 

Un cabrilla, un !
J’ai cependant pu attraper un poisson nommé Cabrilla (Serran commun ou Serranus cabrilla) qui se révélât délicieux. Une chaire fine et parfumée… Miam ! Un régal !
D’ailleurs comme la patience n’est pas mon fort (en règle générale et pour la pêche en particulier) j’ai décidé, à l’image de Patrick un de mes voisin de port, de me lancer dans la construction d’une nasse. Subrepticement déposée à un endroit stratégique et vérifiée deux fois par jours à marée basse, celle-ci devrait pouvoir me fournir en poissons pour la semaine sans que je n’aie à me fatiguer à arpenter le brise-lame au risque de me rompre le cou !
Enfin, c’est le but… Après pour l’efficacité on verra.



C'est joiliii...
J’ai également passé un peu de temps à faire quelques retouches de vernis sur la Boiteuse ici ou là… Ça m’a bien occupé pendant une heure et ensuite j’ai passé le reste de la journée à regarder le vernis sécher ! C’est joliiii…

Sinon hier je suis allé à la capitale de Fuerteventura qui se nomme Puerto del Rosario. J’y avais des papiers à faire faire et j’ai donc profité du trajet en bus pour avoir un aperçu de l’île. Un trajet assez long mené à un train d’enfer par des chauffeurs totalement inconscients qui roulent à tombeau ouvert, entre-nous soit dit. Des chauffeurs espagnols en fait...




Là, une oasis ! Ah bon ?
 Je vous le confirme, Fuerteventura est un désert. Un désert qui ressemble un peu à ceux que l’on peut voir dans les westerns. Avec ces buissons épars et ces arroyos caillouteux. De temps en temps, dans le fond d’une dépression on peut remarquer quelques maigres cultures complètement desséchées qu’on a peine à identifier comme telles. Ce sont de petites parcelles qui épousent la forme du relief, soigneusement délimitées par une butte en terre ou bien par un petit muret de pierres sèches. Ces buttes et ces murets sont là pour retenir à la fois l’eau et la terre, car lorsqu’il pleut sur ces îles (c’est rare mais ça arrive : 147 mm/an), ça tombe dru et ça emporte tout sur son passage.
D’ailleurs c’est bien simple sur le drapeau de Tuineje, la municipalité à laquelle appartient Gran Tarajal, figure un… dromadaire ! Il parait que dans le temps, les colons en avaient fait venir du Maroc pour aider aux travaux des champs.

Moulin à Gofio
Avant, sur Fuerteventura on cultivait surtout le millet dont on faisait le Gofio, sorte de farine qu'on met ici à toutes les sauces, mais à présent on cultive le touriste. Il n’y en a pas énormément dans le coin où je me trouve, mais ailleurs on peut voir de grandes plantations bien droites et proprettes, encerclées par de hauts murs. Le touriste y pousse en liberté dans son enceinte et pour des raisons sanitaires évidentes ne se mélange que très peu à la flore locale. Il est alimenté en circuit fermé avec des minéraux dédiés rien que pour lui et ne quitte son enceinte que lors de l’importation ou de l’exportation.

En quelques sortes, ici on pratique la culture du touriste OGM, hors sol. 


Miam !
Sinon, quoi vous dire d’autre… Ce midi j’ai prévu de me faire un tajine de poisson avec un Fula acheté hier au marché. J’en salive déjà par avance !
J’ai aussi quelques projets en préparation mais je vais attendre qu’ils murissent un peu avant de vous en parler.

Voilà chers lecteurs ce qu’on pouvait dire en ce mardi matin. Je vais m’habiller décemment pour arpenter la promenade du bord de mer et aller me poser quelques temps sur une terrasse pour vous envoyer tout ça.
On dirait que la terre entière est en vacance, et moi je fais un peu comme la terre entière. Je profite. Essayez de faire de même, hein ?


Drapeau de Tuineje
Petit matin sur la plage...

vendredi 22 juillet 2011

Ça n’arrive qu’à moi !

28°12.394N 14°01.604W
Gran Tarajal, Fuerteventura

J’en ai une bien bonne à vous raconter. Le genre de galère qui n’arrive qu’à moi.

La plage...
Figurez-vous que lors de mon arrivé à Gran Tarajal, mardi soir donc, il y avait pas mal de vent qui soufflait du Nord. Aussi, après quinze heures de nave, je n’ai pas cherché à faire dans le compliqué, je me suis posé directement le nez vers le ponton flottant. Hors, je me suis assez vite rendu compte que cela mettait l’arrière de la Boiteuse complètement exposé au vent, et que je ne pouvais ainsi profiter de l’abri de la capote… De même cela rendait peu pratique l’installation de ma petite véranda personnelle. Bref, pour être un peu plus abrité il me fallait faire faire demi-tour à la Boiteuse.
Je me suis dit que j’allais faire ça tranquillement le lendemain, lorsque le vent aurait baissé un peu.

Et donc le lendemain, vers sept heures du matin, je me lance dans ma petite manœuvre. Je prépare mes amarres, j’allume le moteur, ok. Marche arrière tout doucement… Je largue ma garde, ok. Un coup de barre pour amorcer mon demi-tour… Et là le moteur s’arrête !
Aïe ! Je me précipite à l’intérieur et j’essaye de le redémarrer. Impossible. La Boiteuse dérive et le vent, qui s’était levé entre temps, me pousse heureusement vers le centre du canal. Je saisi ma corne de brume et je me mets à souffler comme un forcené pour appeler de l’aide. Ayuda ! Ayuda !
Il est sept heures du matin, tout le monde dort et personne ne semble entendre mes cris de désespoir…

J’avise sur le quai un type en uniforme, un gars des services de sauvetage en mer, et je lui hurle de me filer un coup de main. Celui-ci se méprend et croit que je viens juste d’arriver et que je cherche une place ! Il m’indique de la main la direction de la capitainerie et poursuit son chemin… Grrr !!!

Le vent me pousse vers le fond du port, la Boiteuse est incontrôlable et je me vois déjà m’encastrer lamentablement dans un bateau. Devant moi un énorme deux mâts de course est en réparation. Il est tellement grand qu’il est amarré un peu bizarrement, en biais, le cul en diagonale par rapport au quai, et l’avant largement déporté vers le centre du canal. Son amarre plonge dans l’eau et barre pratiquement la moitié du passage. C’est ma chance dans mon malheur, la Boiteuse vient se prendre dans cette amarre et s’immobilise… Ouf !

Merci quand même...
Le gardien est enfin venu me rejoindre et s’assure que je ne vais pas trop me frotter à ce beau et grand bateau. Pendant ce temps-là, je plonge le nez dans le moteur et j’essaye de comprendre ce qui ne va pas. Je remets tout à zéro et je tourne la clef… Vroum, ça repart.
L’amarre est prise juste à l’avant de mon safran (la grosse pelle qui sert à diriger le bateau) et rend la manœuvre compliqué. Marche avant, marche arrière, j’insiste… Et vlan, j’entends comme un clang et le moteur s’arrête de nouveau !
La manette des gaz est coincée en marche arrière. Impossible de mettre au point mort pour redémarrer… Je suis bel et bien dans la merde.

Le gardien, qui entre parenthèse est juste un gardien de sécurité et n’entend rien (mais alors rien !) à la chose maritime, part à la recherche de je ne sais quelle aide… Et revient bredouille, forcément.
Pendant ce temps-là je démonte la manette des gaz pour voir ce qui cloche, et j’arrive à remettre au point mort. Mais le moteur refuse toujours de redémarrer ! Quelque chose coince quelque part.

Le temps passe, le port se réveille peu à peu et les résidents commencent à s’agglutiner le long du quai pour voir ce qui se passe. Le propriétaire du voilier dont l’amarre m’a empêché de m’emplafonner et qui maintenant me retient complètement, arrive. Nous discutons, et je lui explique ce qui arrive… La solution, la seule, serait qu’il déhale un peu son amarre pour que celle-ci glisse sous ma coque et que je puisse ainsi me dégager. Problème, s’il fait ça son bateau, qui vaut apparemment la peau du cul, ira tutoyer le quai… Il refuse tout net et dès lors m’ignore complètement.

Un zodiac arrive avec à son bord un français, Michel. Un autre zodiac avec trois jeunes espagnols arrive également à la rescousse. Un autre français, Gérard, propose de me tirer depuis son bateau de l’autre côté du canal. Un semblant de plan se dessine, on va pouvoir sortir la Boiteuse de cette mauvaise passe.
Je mets deux grandes aussières de vingt mètres bout à bout, plus une écoute de quinze mètres et Gérard commence à ma haler avec son winch électrique. De leur côté, les deux zodiacs poussent…

Rien ne bouge.

Ça bouge pas !
Pendant de longues minutes nous essayons, enfin ils essayent car moi debout sur le pont je ne pouvais qu’assister impuissant à leurs efforts, mais rien n’y fait. Au bout d’un moment je décide de plonger voir ce qui se passe en dessous. Je me désape et me prépare à me mettre à l’eau lorsque les espagnols se proposent d’aller jeter un œil à ma place. Ce sont des plongeurs et ils ont tout ce qu’il faut. Super !
Quelques minutes plus tard ils reviennent équipés de pied en cape et deux d’entre eux se mettent à l’eau. Le verdict est sans appel, l’amarre est complètement enroulée autour de mon hélice et la seule solution serait de couper !

J’appelle alors le proprio du gros voilier qui continuait d’ignorer tout ce chambard autour de lui, et insiste vraiment pour qu’il détende son amarre afin qu’on puisse essayer de la délivrer de mon hélice. Pour appuyer un peu ma demande, polie, je précise que sinon il va falloir couper… Là, ce connard commence à s’énerver. Il balance quelques noms d’oiseau, se déshabille et plonge à son tour pour vérifier qu’il n’y a pas d’autres solutions. Comme si je mentais ! Il remonte quelques instant plus tard, furieux et pestant de plus belle, et condescend enfin à bouger son cul de richard à la con.
Il fait alors ce qu’il aurait dû faire depuis le début et qui ne lui pris que dix minutes, il fait tirer une longue écoute jusqu’à l’autre bout du chenal pour retenir son bateau et relâche un peu son amarre. Les plongeurs s’activent pendant quelques minutes et remontent le pouce et l’index joint en un « o » victorieux : L’hélice est libre ! Yes !
L’un de ces plongeurs providentiel me précise qu’un autre bout était enroulé autour de l’hélice et qu’il l’avait enlevé également.

Bon, maintenant il n’y a plus qu’à tirer la Boiteuse avec les zodiacs et à la ramener à son point de départ. Et si possible dans le bon sens !
Mais non, je déconne. A ce moment là je me foutais complètement dans quel sens j’allais être par rapport au vent, du moment que la Boiteuse se retrouve en sécurité.

Grrr...
De longues minutes furent encore nécessaires aux zodiacs pour arriver à leur fin. Le vent n’aidait en rien la chose, et je me suis retrouvé plusieurs fois en train de repousser à la force des bras les autres bateaux. Heureusement Patrick, encore un français, me rejoins à bord de la Boiteuse et m’aide à défendre mon bateau. Et à protéger les autres !
A force d’un travail acharné, toute cette équipe improvisée réussit enfin à me mettre en sécurité. Il était onze heures et demie du matin et j’étais amarré à un catway, et dans le bon sens s’il vous plaît !

Je n’avais pas assez de mots pour remercier tout le monde… Tous ces gens se sont mobilisés pour me venir en aide (à part le connard et son bateau à deux millions de dollars) et je ne savais que dire si ce n’est : Merci et gracias.

Dans l’après midi, je suis allé faire des courses en ville et je suis revenu avec quelques bouteilles de vin que j’ai offertes à chacun d’entre eux. C’était, de loin, le moins que je puisse faire.

Et quid du moteur vous demandez-vous sûrement (parce que je vous sais des lecteurs empathiques). Et bien figurez-vous que tout est rentré dans l’ordre… Je ne sais pas encore trop ce qui s’est passé, car étant donné le niveau de mes compétences certes croissant, je ne peux que faire des suppositions. Mais voilà comment je vois les choses :

Je ne bougerais plus, promis !
Au départ j’ai dû me prendre un boute dans l’hélice, ce qui a bloqué l’arbre et arrêté le moteur avec la manette des gaz en position marche arrière. Ensuite ça à été l’amarre de ce bateau de merde qui a produit le même effet. Plusieurs cafouillages de ma part ont embrouillés encore plus les choses (genre j’oublie l’étouffoir en position fermée), mais une fois l’hélice complètement dégagée et le calme revenu, c’est-à-dire le lendemain, j’ai tout remonté comme il fallait et tout a bien fonctionné…

Je demanderais cependant à Michel s’il veut bien jeter un œil à mon moteur… Car si cette aventure devait avoir une morale heureuse, c’est qu’elle m’aura permis de faire la connaissance d’un belle bande de copains. Patrick, Insa, Gérard, Michel, Patricia et les autres m’ont accueilli avec une extrême gentillesse. Ils m’ont indiqué tous les bons plans de Gran Tarajal : Où se trouvent les différentes boutiques, l’endroit où j’aurais la meilleures liaison wifi, où trouver un voilier, un mécano… Bref, jamais je n’aurais été aussi bien accueilli.

Mais pour en arriver là, il m’aura fallut passer par une grosse sueur froide !

PS : Je vous rappelle que ce soir, vers 19H30, vous pourrez me retrouver sur le Mouv’ dans l’émission Le Forum du Mouv’ présentée par Eric Lange.
Moi je dis ça, je dis rien…

mercredi 20 juillet 2011

De Graciosa à Fuerteventura

28°12.394N 14°01.604W
Gran Tarajal

Le mardi  19 juillet 2011

Rayon de soleil sur Lanzarote
J’ai une grosse étape à faire aujourd’hui, aussi je me réveille à 03H30 après avoir assez mal dormi. Le temps de terminer mes préparatifs (et de me réveiller) et je décolle sur garde descendante (ça c’est pour les pros) à 04H45.
Il fait nuit mais la pleine lune éclaire ma route. Pas de souci de ce côté-là, j’y vois presque comme en plein jour. En plus, je repasse par les mêmes endroits par lesquels je suis arrivé, ce qui facilite grandement les choses.

06H30, l’Est s’éclaircie à travers les nuages. L’océan est désert.

08H00, je longe l’île de Lanzarote par sa façade Est à hauteur du village d’Arieta. Je regarde l’île et j’observe tous ces volcans éteints… J’essaye d’imaginer comment cette île devait être au commencement des temps. Des dizaines de cratères de toutes tailles, crachant des nuages de scories. La lave en fusion s’écoulant jusqu’à l’océan pour s’y jeter dans un immense bouillonnement de vapeur… Ca devait être un sacré spectacle !

12H00, je me trouve pile entre l’île de Lanzarote et celle de Fuerteventura. J’ai eu une touche avec ma ligne de traine, mais le temps que je descende dans le carré chercher des gants, ma proie s’était décrochée. Snif ! Moi qui me voyais déjà me régaler d’une friture pour le repas du soir, je vais devoir me contenter d’une boite de conserve.

Pas mal comme vue, non ?
14H00, Eole est en vacance aujourd’hui. Ce matin je suis parti avec deux ris dans la Grand Voile, car la météo annonçait du F5 pour la journée. En fait c’est un F3 qui souffle, faiblard et changeant au grès des côtes toutes proches. Du coup j’enlève un ris pour accélérer un peu.
Je navigue vent arrière, à la limite du déventement, ce qui rend assez difficile la tenue du cap… Ce qui m’oblige à tirer des bords de grand largue pour pouvoir avancer. Fait suer, ça va rallonger la route cette histoire. Sur le papier j’ai 75 milles à parcourir, on verra bien ce que cela donnera à l’arrivée.

17H00, Fuerteventura défile sous mes yeux. Elle m’a l’air un peu plus peuplée que Lanzarote. Plus vieille aussi. J’entends par là que les volcans semblent plus grands mais aussi plus érodés par le vent et la pluie.
Par contre c’est toujours aussi désertique. Pas un arbre à l’horizon…

Décors métamorphique...
18H00, j’ai fais le point et je devrais arriver vers 20H00... Devant moi, enfin sur le travers plutôt, défilent de hautes falaises de basalte brun-rouge. Je ne me lasse pas d’admirer ce que la géologie, le temps et la pression, sont capables de réaliser. C’est magnifique. Pour moi qui suis habitué à des paysages de calcaire, c’est toujours un étonnement de me retrouver en un lieu où les roches métamorphiques sont reines.
Je me souviens de mes cours de géologie à la fac… J’aurais sans doute dû être un peu plus assidu, car j’ai plein de questions sans réponses qui me viennent à l’esprit.
Il faudrait que je rencontre un géologue spécialiste de la région, ça se serait sympa d’avoir une discussion su ce sujet.

20H15, j’éteins le moteur. Je suis arrivé.
Le port n’est pas vraiment comme je l’imaginais. Un peu excentré par rapport à la petite ville, mais je ferais avec. Pour l’instant je n’ai qu’une envie, me reposer après ces 15H30 de navigation. Le gardien du port m’accueille très gentiment et me propose d’attendre demain pour faire les papiers. Tant mieux.

Je me branche au réseau et tout de suite le frigo se met à ronronné. C’est bizarre je l’avais oublié celui-là ! En effet depuis quinze jours, depuis mon départ de la Línea, je n’ai pas eu l’occasion d’avoir de l’électricité en 220 Volts et tous les petits plus qui vont avec… Frigo, ordinateur, musique, DVD. Le retour à une vie un poil plus civilisée n’est pas sans me plaire.

On arrive !
Surtout que je vais pouvoir enfin me laver et me raser… Car si je fais bien le compte cela fait dix jours que mon corps amaigris n’a pas eu le loisir de connaitre les bienfaits du savon. Je dois puer comme un sconse, mais je ne m’en rends même pas compte. Une lessive aussi serait la bienvenue.

Allez, on va se faire un peu plaisir ici. On va glander, se balader au milieu des volcans et reprendre un peu de lard en se préparant de bons petits plats.

Bienvenue à Fuerteventura le Gwen !

lundi 18 juillet 2011

Impressions de Graciosa

29°13.699N 13°30.178W
La Sociedad

Houla ! Ça va être coton de vous faire part de mes impressions de Graciosa vu que je n’y aurais passé en tout que 48 heures… Mais bon, je fais le pari que j’y arrive malgré tout tellement cette île à de belles choses à offrir !

Ce matin, à peine le soleil était-il levé que je partais me promener par les sentiers imaginaires qui sillonnent le désert. Une bruine charriée par les alizés masquait un peu le soleil et faisait frais. Je me demandais comment avec autant d’humidité dans l’air, ce faisait-il qu’il n’y ait si peu de végétation… Les prédateurs sans doute.
Je flâne en étant attentif à la vie qui malgré les apparences foisonne. Des sébums aux couleurs vivent poussent par intermittence. Des lapins ont laissés leurs traces dans le sable. Un petit rapace mignon comme tout me survol et se pose sur une branche morte comme s’il voulait poser pour la photo…

Un décor de western...
Je rentre par les rues sablées, le village se réveille à peine. Un lande-rover brimbalant (la voiture de monsieur tout le monde ici) me double en faisant crisser son embrayage.
Les petits vieux squattent le quai en buvant leur café au lait. C’est paisible par ici…

Huit heures, le premier ferry arrive avec sa cargaison de touristes. Les petits vieux cèdent la place pour la journée… Ils reviendront à la nuit tombée.

Je regrette de devoir partir d’ici. Vraiment. Je crois que j’aurais apprécié de pouvoir flâner encore un moment parmi les buissons épineux et les cailloux noirs.

Vers l'Est, l'Afrique !
Tant pis ! On repart vers un autre lieu qui sera sans doute tout aussi riche et me donnera l’occasion de vous raconter plein d’histoire ! J’ai vraiment tout essayé pour prolonger mon séjour, mais pour rester ici il faut réserver… Je pars donc, destination le port de Gran Tarajal sur l’île de Fuerteventura. Un port pas trop cher me dit-on et beaucoup plus moderne car je vais pouvoir avoir l’électricité et internet ! En plus, toujours d’après ce qu’on dit, ce n’est pas un coin envahi par les touristes… Pour l’instant.

Et puis vous savez ce que je me dis lorsque que j’apprends qu’on ne peut pas me garder quelque-part ?
Je me dis que c’est bien dommage pour eux ! Ils perdent l’occasion de me connaitre.

Et toc !





Adios Graciosa !

D’Essaouira à la Sociedad

29°13.699N 13°30.178W
La Sociedad

La Boiteuse
Et bien nous y sommes… Enfin, la Boiteuse est arrivée là où elle devait arriver la semaine dernière… L’île de Graciosa aux Canaries ! Yes !
Bon ok, j’aurais fais un petit détour entre temps par le Maroc, mais on y est quand même et c’est bien là l’essentiel. Cela dit, je ne regrette rien car cette escale marocaine imprévue fut pleine de belles rencontres.

Je n’ai pas grand-chose à vous dire sur cette navigation de deux jours et deux nuits (42 heures exactement)… Oui je sais c’est con. Après le compte rendu de la première partie, quasiment heure par heure, vous seriez en droit d’attendre la même chose pour la seconde partie. Et bien non.
Est-ce que c’est parce que pour cette fois je n’étais pas seul, ou bien parce que tout c’est bien passé ? Je ne sais pas. Toujours est-il que je n’ai pris aucune note et quasiment pas de photos. Cela dit, comme je vous aime bien, je vais tenter de vous faire un bref résumé de cette traversée.

Départ vers midi ce vendredi 15 juillet. Manuel et moi on s’est préparé à prendre une claque dès la sortie, car à Essaouira le vent est toujours bien méchant. Et c’est le cas, du F6-7 nous accueille à peine avions-nous passé l’île de Mogador.
Cap plein Ouest par vent et houle de travers… La mise en jambe est plutôt sportive, mais sans commune mesure avec ce que j’ai connu la semaine précédente… Ce qui n’est pas le cas du pauvre Manuel qui commence à se sentir mal.
Je suis sorti en premier et Momo n’a pas tardé à suivre. Très vite je me rends compte que le plan initial qui était de naviguer à vue l’un de l’autre va être un peu difficile à réaliser car… Je vais bien trop vite pour lui !
Pour passer le temps et lui donner l’occasion de me rattraper je suis obligé de tirer des bords dans une mer formée et pas mal déferlante.
Pendant que Manuel se vide les tripes et les boyaux, je fais mon possible pour freiner la Boiteuse. Deux ris dans la GV et le Foc de la taille d’un string. Mais malgré ça, je continue à prendre de l’avance sur ce pauvre Momo qui peine avec ses huit tonnes et ses 9,50 m.

Tant pis, je ne peux faire mieux que ça. Quand la nuit tombe, j’aperçois une dernière fois les feux du Momo, et nous nous retrouvons seuls. La nuit se passe comme si j’étais seul à bord… Je dors par brève périodes de 20 mn, me relevant régulièrement pour faire un tour d’horizon et toutes les deux heures je fais un point.
Nous faisons du 6,5 nœuds de moyenne toute la nuit, sous une pleine lune complètement occultée par les nuages.

Momo en pleine action !
Le lendemain, vers midi Manuel se sent un peu mieux. 139 milles de parcourus en vingt-quatre heures. Pas mal.
Nous essayons de déjeuner d’une salade de pâtes préparée la veille, mais comme à son habitude sous cette allure la Boiteuse se dandine tellement que l’opération est plutôt malaisée.
La mer est maintenant relativement praticable. Du F4 avec une houle pas trop grosse, c’est assez plaisant en fait… On trace notre petit bout de chemin, tranquillos-Carlos.

En fin de journée je dois bien me rendre à l’évidence, on est bon pour un atterrissage de nuit… Fin de nuit pour être précis. Comme Manuel va beaucoup mieux, on décide de faire un vrai partage de la nuit. Il prend le premier quart de 22h00 à 02H00, et moi je prends la suite pour l’arrivée. Quasiment quatre heures de sommeil d’affilé… Le pied.

A deux heures je prends mon quart. On est à 20 milles de l’arrivée, et il ne s’agit pas de s’endormir car juste sur notre route se trouve un gros caillou nommé El Roque del Este. Non signalé par une lumière quelconque, bien évidemment.
03H00, Terre en vue ! J’aperçois les lumières d’une ville, et tout de suite après je distingue dans le contre-nuit (ça se dit ?) la silhouette du Roque del Este. Ok, je sais parfaitement où nous sommes, l’île devant c’est Lanzarote et la ville c’est Orzola.
Il suffit juste de contourner la Punta Fariones et on pénètre dans le chenal qui sépare Lanzarote de Graciosa… Petites lumières au fond là-bas… Une rouge et une verte, le port de la Sociedad.

La Sociedad
Pendant que la Boiteuse longe les falaises impressionnantes de la côte nord de Lanzarote, je réveille Manuel pour que nous préparions l’atterrissage.
Défenses de chaque côté, et amarres à tous les coins du bateau. C’est que là on ne sait pas trop où on met les pieds… Y aura-t-il de la place ? C’est bien là la question.

Nous entrons dans le port, il est 05H30. Je distingue un ponton flottant dans le noir… Avec une belle et grosse place quasiment tout au bout, près d’un grand catamaran. Ok, celle-là elle est pour nous.
J’essaye de me glisser en marche arrière comme je fais d’habitude, mais le vent m’est contraire et je loupe la manœuvre. Je n’insiste pas, on va y aller le pif en premier. Vroum-vroum, et voilà notre Boiteuse qui se pose comme une fleur le long du catway. Manuel saute sur le ponton, amarre notre monture. Deux pointes à l’avant, une à l’arrière. Gardes montante et descendante. Ok, on est bon, il est 06H05.

De l’autre côté du port, sur le quai des ferrys, des bruits de musique nous parviennent. Apparemment on fait encore la fête à cette heure matinale… Pendant que Manuel retourne compléter sa nuit, je décide d’aller faire quelques pas dans le village. J’y croise toute une flopée de gens ayant tous deux point communs : Ils sont jeunes et bourrés.
Je me souviens maintenant, Graciosa est connue pour servir de rendez-vous à la jeunesse canarienne qui vient par car-ferries entiers de Lanzarote ou d’autre îles pour faire le plein d’alcool et d’autres substances le temps du weekend.
Dans les rues recouvertes de sable, je croise des couples qui se bécotent. D’autres titubent ou dorment adossés aux murs blancs des maisons. Partout des cadavres de bouteilles… Le spectacle ne serait pas particulièrement réjouissant si je ne croisais pas de temps de véritables bombasses qui me saluent d’un holà enjoué.
Je repère les points stratégiques : Le distributeur de cash, l’épicerie, la poste, le bureau du port…

Tranquille...
07H00, les équipes de maintenance du village se mettent en branle et ratissent le sable pour faire disparaitre les reliefs de la fête de la nuit. Les jeunes remontent dans les ferrys en chantant. Les mêmes ferries reviendront une heure plus tard avec les premiers visiteurs diurnes. Tout est alors nickel pour les accueillir.

Même si je peine un peu à marcher dans le sable, je fais quelques pas en dehors du village. Il fait gris, le vent charrie une vague bruine qui humidifie l’atmosphère. Tout est comme le laissait entendre les photos et les textes que j’avais étudiés sur cet endroit. De maigres buissons épineux, du sable et des roches volcaniques, pas un arbre… C’est le désert.

J’adore.

Avant de clore ce chapitre, je voulais saluer deux couples que j’ai eu le bonheur de croiser.
Tout d’abords, Bénédicte et Gérôme. J’ai fais leur connaissance dans la médina d’Essaouira, et ils m’ont fait le plaisir de venir me visiter sur la Boiteuse. Le nouveau bonnet rouge que je porte dorénavant en permanence est une de leurs gentilles attentions… Merci à vous !

Le Gwen en plein désert...
Ensuite je voulais faire un petit coucou à Anne-Marie et Patrick, qui doivent se trouver maintenant à Agadir avec leur magnifique ketch, le Skøiern. J’espère vous revoir bientôt sur la route des alizés, car je sais que j’ai encore plein de choses à apprendre de vous !

Allez, c’est pas tout, mais il faut que je trouve un moyen de vous envoyer cet article maintenant… Et croyez-moi, c’est pas gagné !


PS: Je viens de passer régulariser ma situation auprès des autorités du port, et l’on m’a dit très gentiment de dégager…
Je vais donc essayer de trouver une solution de remplacement, voire repartir vers une autre île, un autre port… Je ne sais pas encore. Je vous tiens au courant.

N'a t-elle pas fière allure ?






jeudi 14 juillet 2011

Impressions d’Essaouira

31°30.493N 09°46.464W
Essaouira

Bon, je sais que vous attendez tous avec impatience que je vous livre mes impressions d’Essaouira… Franchement j’essaye depuis un moment déjà de trouver les mots pour vous en parler, mais je rencontre comme un blocage… Je ne sais pas si c’est la profusion des impressions, ou bien plus simplement la dolence marocaine qui m’a contaminé, mais je rame pas mal, croyez-moi.

Là il est 04H45, ce jeudi de fête nationale. J’entends l’appel du muezzin pour la première prière du jour, et cet appel retentit comme un ultimatum : La Boiteuse repart demain, et il n’est plus temps de procrastiner.

Cela va faire presqu’une semaine que je suis ici, et chaque jour a été pour moi comme une grande claque dans la gueule. Tu voulais du dépaysement le Gwen ? Et bien te voilà servit.
Oui mais voilà, par quoi commencer ? Décrire ce que l’on a dans le cœur est parfois un exercice difficile. C‘est devoir trier entre tel ou tel aspect de la ville. C’est être oublieux parfois de certaines choses et insister sur d’autres… Bref, c’est compliqué.

Des parfums, des couleurs...
La première chose qui m’a frappé en arrivant à Essaouira, dans les conditions que vous connaissez, je vous l’ai dis, ce sont les odeurs.
Un mélange où l’odeur des épices se mêle à celle du cuir. L’odeur de l’argan et du thuya à celles des brochettes d’agneau et des fritures de poissons. Un mélange riche qui imprègne tout, jusque dans la fibre des vêtements que vous portez.
Essaouira c’est avec le nez qu’on la découvre en premier.

Ensuite, ce qui frappe ici, c’est la lumière. Celle-ci est propre à ce mois de juillet, le mois du Shakhi, ce vent humide qui ballait les dunes du nord et en charrie le sable, noyant la ville dans une clarté diffuse, presque irréelle. On la dirait comme éclairée à travers le filtre sépia d’un vieil appareil photographique.
Le Shakhi souffle en permanence, ce qui fait qu’ici la température de l’air ne dépasse que rarement les 25°C, même au cœur de l’été. L’hiver, le vent souffle moins, et il fait cependant plus chaud qu’à l’intérieur des terres, jamais moins de 18°C. En fait il fait doux quasiment toute l’année… Une douceur humide, qui ne facilite pas le séchage du linge et oblige le passant à porter matin et soir une petite laine pour ne pas attraper froid. Ici, la djellaba, avec son capuchon pointu, n’est pas qu’un vêtement folklorique, elle est aussi bien utile

Douceur de vivre...
Le soir de mon arrivé, j’avais à peine terminé d’amarré la Boiteuse, que j’ai été sollicité de toute part… D’abord le douanier, puis le gendarme. J’ai accompagné tour à tour ces messieurs dans leurs bureaux respectifs et je crois que c’est là que j’ai pris ma première vraie claque. J’avais l’impression de me retrouver dans un monde qui se serait figé en 1952... Si l’on excepte l’ordinateur (pas tout jeune quand même), le mobilier était celui d’une classe d’école des années 50-60. Avec ses chaises en tube et au dossier en bois que les plus anciens d’entre vous ont certainement connu. Que moi aussi j’ai connu d’ailleurs.
Tous les fonctionnaires à qui j’ai eu affaire ont été d’une gentillesse et d’une sollicitude parfois désarmante. Si j’avais besoin de quelque chose, n’importe quoi, je n’avais qu’à demander !
Moi, ce que j’aurais bien voulu, c’était surtout de l’électricité. Et l’eau aussi… Mais le port d’Essaouira ne dispose que d’un quai réservé aux bateaux de passage et même si les bornes sont en place, elles ne sont pas alimentées. C’est d’abord et avant tout un port de pêcheurs. Et je pense que ça le restera longtemps tant qu’ils ne feront pas l’effort d’améliorer les conditions d’accueil et qu’ils ne baisseront pas les prix… Car mine de rien pour la Boiteuse je paye 244 Dirhams par jour ! (environ 25 €). A ce prix-là, et étant donné la prestation, c’est du vol pur et simple. (Voilà, ça c’est dit)

Chuis coincé !
La Boiteuse est donc amarrée à couple d’un petit voilier norvégien, le Momo (Oui c‘est vrai !), qui se trouve lui-même à couple d’un gros bateau des services de sauvetage en mer marocain, le Tensift. Par la suite deux autres bateaux français nous ont rejoints, deux ketchs français, ce qui fait que nous sommes maintenant quatre de front ! L’ambiance est plutôt sympa et nous passons d’un bateau à l’autre pour pouvoir descendre à terre et aller nous promener dans la médina.

Ah la médina… Lorsque je me balade dans ses rues j’ai l’impression de me retrouver dans un gigantesque Bazard dédié à l’artisanat marocain. Ce même artisanat dont je vendais moi-même les produit il y a six ans… Tout y est. Le cendrier qui va bien, les plats à tajines peints à la main, les étoffes, les tapis, les lanternes en fer forgé… Je l’avoue, de voir tous ces objets, c’est pour moi un flashback à la fois plaisant et douloureux.
Mais au bout d’un moment, on comprend assez vite que cela n’est que de la poudre aux yeux… Le berbère en costume traditionnel qui vous invite à boire le thé dans sa boutique, vous appelle son ami, n’est là que pour faire une seule chose, vendre. Il faut savoir passer au-delà de cet aspect financier, qui prime sur tout ici, avant que de pouvoir avoir de « vraies » relations avec les gens. Discuter, partager, comprendre.
Cela ne se fait pas immédiatement car aux yeux des marocains, le francaoui c’est d’abord et avant tout une source de revenu non-négligeable.

Le petit Youssef
Je crois pouvoir dire que je suis arrivé à franchir ce seuil… J’ai fait tellement de rencontre, si vous saviez… Je me souviens d’Abdoullah.
Abdoullah tient un magasin de bijoux touaregs, plus petit que le carré de la Boiteuse. Je lui ai acheté un collier représentant la voie lactée (je me suis dit que ça pouvait servir pour un navigateur), et comme de bien entendu je me suis sans doute fait arnaquer sur le prix… Tien, à ce propos j’ai essayé de comprendre, et de pratiquer, l’art de la négociation. Au début je ne comprenais pas cette pratique qui me semblait essentiellement malhonnête. En fait, c’est comme un concours d’intelligence. Celui qui négocie correctement et arrive à se rapprocher le plus possible du prix « vrai » du vendeur, fait preuve d’intelligence et mérite alors son respect. Celui qui se fait avoir dans les grandes largeurs, démontre sa bêtise et ne mérite alors aucun respect… D’où l’absence de remords du vendeur.
Bref, j’achète donc un collier à Abdoullah, et le lendemain je repasse devant son échoppe et je rentre. Il croit que je reviens lui acheter quelque chose, mais non je lui dis que je suis juste passé devant et que je suis rentré pour le saluer. Le lendemain, même chose. A ceci près qu’il n’est plus alors question de commerce entre nous et que nous pouvons alors parler pour de bon devant un thé.

Lorsqu’Abdoullah apprend que je suis venu à Essaouira en bateau, il me demande alors de l’emmener avec lui… Cette demande pourrait faire sourire si ce n’était pas la quatrième que l’on me fait depuis mon arrivée. Car le Maroc est un pays pauvre, très pauvre, et pour s’en convaincre il suffit de faire quelques pas en dehors des ruelles les plus animées, ou même carrément sortir de la médina et s’aventurer dans les quartiers loin du bord de mer. Là on prend la mesure de la pauvreté de ce peuple, et du coup leur envie de s’expatrier devient plus que légitime.



Rachid
Une autre rencontre fut pour moi riche en émotion, celle de Rachid, l’ébéniste.
Je me promenais dans une de ces ruelles sans touristes, lorsque j’ai été attiré par le son d’une radio qui diffusait un bulletin d’information en français. Je me suis approché, et Rachid m’a invité à rester pour écouter les infos avec lui… Nous avons discuté, il m’a montré son travail, comment il fabriquait tous ces objets en thuya que l’on peut voir sur les étals.
Le lendemain, je suis revenu le voir avec mon support de pilote (celui qui a cassé pendant la traversé) et je lui ai demandé s’il pouvait me faire la même chose en un bois assez résistant. Il a sorti un morceau de chêne de dessous une pile de copeaux et après avoir pris quelques mesures m’a dit qu’il pouvait me faire ça pour le lendemain.
Le lendemain, je repasse et je découvre un travail formidable. Une pièce superbe, fait dans les règles de l’art. Je lui demande combien ça va me coûter, et il me répond de donner ce que j’estime être un bon prix.
Lorsque un berbère vous demande à vous de payer ce que vous voulez, c’est qu’il est honnête, c’est une règle.
Je suis plus que satisfait du travail et des conversations de Rachid et je lui donne alors un billet de 200 dirhams (20 €, c’est-ce que m’avait coûté la fabrication de la même pièce deux jours plus tôt par un arnaqueur de première. Du travail salopé en plus).
Rachid a refusé que je lui donne autant d’argent. Il m’a dit que 200 dirhams c’était ce qu’il gagnait en deux jours de travail… J’ai insisté et il a finalement accepté en m’offrant une très belle boite à bijoux en thuya signée de sa main.
Lorsque bous nous sommes dits au revoir, j’étais très ému par la gentillesse de cet homme. Lui aussi. Nous avions tous deux les yeux qui picotaient…

Ce bleu...
Une autre rencontre déterminente fut pour moi celle d’Hassan. Hassan c’est le capitaine du bateau de sauvetage sur lequel nous sommes tous amarrés. Ancien patron-pêcheur recyclé dans le fonctionnariat depuis la crise de la pêche qui sévit au Maroc, Hassan est une mine de renseignement sur Essaouira. Vous cherchez quelque chose ? Demandez à Hassan, lui il vous trouvera ce qu’il vous faut. Et contrairement à ce coquin d’Omar, il ne vous demandera rien en échange ! (Euh… Quand je dis coquin, je suis gentil. C’est un connard de première)

Hassan m’a invité un jour à manger un tajine chez lui, dans sa maison au cœur de la médina. C’est lui qui m’a expliqué pour le Shakhi, c’est lui qui m’a raconté que le bleu d’Essaouira, ce bleu que l’on retrouve sur les bateaux et sur toutes les portes et fenêtre, c’était la bleu des juifs qui vivaient ici dans le temps. C’est lui qui m’a raconté la dure vie des pêcheurs. C’est lui encore qui m’a indiqué les meilleures échoppes pour acheter à bon prix les épices pour le tajine (Cumin, Coriandre, Gingembre et poivre citronné). C’est lui qui malgré l’inconfort, a rendu ce séjour particulièrement agréable.

Hassan prépare le tajine
Voilà, pour vous décrire Essaouira, j’ai préféré vous parler des gens plutôt que des lieux. C’est en tous cas, ce que je retiendrais en ce qui me concerne.
Demain la Boiteuse partira avec le Momo pour les Canaries. Nous naviguerons de concert vers les îles. Je ne serais plus seul à bord, puisque Manuel le seul français de la petite troupe de cirque ambulant qui voyage sur le Momo, m’accompagnera. La traversé de deux jours sera plus facile pour moi, et comme ça sur le Momo ils ne seront plus que quatre, ce qui les aidera également.

Aujourd’hui je vais recoudre mon pavillon français déchiré lors de la traversée et le hisser dans la mature pour célébrer le 14 juillet. Je dois également faire le plein de gasoil et d’eau. Là encore, il va falloir que j’évite de me faire arnaquer… Mais Hassan va m’aider j’en suis sûr ! Et puis en fin de journée les deux capitaines de la Boiteuse et du Momo ont rendez-vous pour un briefing. On va causer itinéraire et horaires de marée !

Pour terminer, je voulais vous citer ce que m’a dit Abdoullah, le vendeur touareg : Les gens c’est comme les pierres et le sable. C’est pas pareil.

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