lundi 24 novembre 2014

L'argent

12°53.377S 38°41.045W
Itaparica, Bahia

32° à l'ombre...
S'il est un sujet que je répugne à aborder, c'est bien celui de l'argent. L'argent qui corrompt tout, qui sali tout, mais qui en même temps, horrible paradoxe, me permet jusqu'à présent de parcourir le monde sans trop me soucier de l'aspect improductif de mon voyage.
En bon Français et pur rejeton des idéaux de la Révolution, j'ai toujours considéré que de parler d'argent avait quelque chose de profondément indécent. Je ne marchande jamais car je trouve ça vulgaire, et lorsque au détour d'une escale un malpoli me pose de but en blanc la question sur mes moyens de subsistance je ne peux m'empêcher d'être agacé. Est-ce que je me permet de demander comment untel a pu se payer son bateau ? Non. Est-ce que je m'inquiète de savoir quel métier un autre exerce ou exerçait ? Jamais. Est-ce que cela a une importance par rapport à la conversation que nous sommes en train d'avoir et à la façon dont je vais appréhender la relation avec l'autre ? En aucun cas.
Et si je ne pose pas ces questions qui pour moi sont indiscrètes, ce n'est pas parce que je m'en fout, ni même par pudeur, mais parce que je considère que cela n'a que très peu d'importance sur le fait que nous soyons là, deux personnes en train d'échanger leur expérience de vie.

Cela dit, si je réagis ainsi c'est essentiellement pour des raisons culturelles et morales. J'en ai conscience. Depuis que je voyage, je suis confronté aux différences culturelles et c'est tant mieux. C'est le sel du voyage et probablement sont principal intérêt. Par contre, et c'est là que les choses se compliquent, je me suis rendu compte que la morale a tendance à fluctuer elle aussi (Même si ce n'est pas avec la même amplitude heureusement). Or, la morale ce n'est ni plus ni moins que le filtre avec lequel vous faites la différence entre le bien et le mal. Alors, autant il peut être facile de s'adapter à d'autres cultures, autant lorsqu'il s'agit d'une chose aussi fondamentalement personnelle que la notion de bien et de mal, cela devient beaucoup plus difficile. Voire même carrément impossible dans les cas les plus extrêmes.
Par exemple pour moi, faire étalage de son pognon, s'enquérir des moyens des gens pour les situer sur une échelle sociale prédéfinie, corrompre des gens parce qu'il se trouve qu'on en a le pouvoir, pigeonner un touriste étranger qui ne parle pas la langue, j'en passe et des meilleurs, tout ça c'est mal. Alors que dans certains pays, certains milieux, ces pratiques peuvent être couramment acceptées comme étant la norme... Voire même, dans les milieux les plus pourris, ce qui est mal c'est de ne justement pas se livrer à ces vilenies !

Police Environnementale... Une bonne idée.
Mais bon, là n'est pas le sujet du jour. Enfin si, peut-être un peu. Disons que si je viens d'écrire toutes ces lignes c'est un peu pour vous expliquer que mon rapport à l'argent est plutôt conflictuel et qu'en parler n'est pas quelque chose de facile. Mais je vais quand même essayer !

Alors pourquoi est-ce que je vous parle d'argent si je n'aime pas ça ? Et bien parce que depuis quelques mois déjà je me préoccupe de voir mon compte en banque baisser. Oh rassurez-vous, je ne suis pas encore à la rue ! N'allez pas vous précipiter sur mon compte Paypal pour vous fendre d'une obole parce que vous craignez que votre serviteur n'ait plus de quoi se payer son kilo de langouste ! (La semaine dernière je m'en suis offert pour la première fois de ma vie : 10 € le kilo ici à Salvador) Mais le grand garçon que je suis, sans pour autant en être à remettre en question ce voyage, ni même mon mode de vie, est bien obligé de constater que s'il ne fait rien dans les prochain mois il risque de se retrouver sans argent en plein milieu du Pacifique. Zone qui en plus d'être chère n'est pas vraiment propice aux occasions de faire du pognon.

L'Atrevida, un terrain de jeu de 80 pieds pour Touline !
Et c'est là que se pose la grande question. Qu'est-ce qu'un type comme moi peut bien faire pour engranger du pognon ?
Au début, je vous confesse que je caressais l'espoir de vivre de mes écrits. Mais avec le temps, je suis bien obligé de constater qu'à part déblatérer sur ce blog de temps en temps, je n'ai pour l'instant pas les épaules pour devenir un « vrai » écrivain. Ni le goût pour l'effort qu'implique cet exercice, ce qui explique pourquoi mon roman est au point mort depuis deux ans. Quant à monétiser ce blog comme il m'a été suggéré de le faire encore récemment, c'est tout à fait hors de question rapport à ce que j'ai écrit plus haut, ainsi qu'au fait que je méprise profondément les gens qui font de l'argent avec du rêve. Le rêve, si tant est que ma vie en est un, cela se partage. Ce n'est pas une marchandise. Je sais que j'ai pas mal de défaut, mais je ne suis pas un escroc.

Hors donc, puisque a priori je ne vais pas pouvoir être payé à rien foutre, il va bien falloir que je me salisse un peu les mains. Et c'est là que ça se complique... Car en dehors du fait que j'ai un peu (beaucoup) perdu l'habitude de travailler, se pose la question angoissante : Quoi faire ? Et ce n'est pas comme si je devais choisir entre une multitude de possibilités, car à quarante-sept ans, et étant donné mon parcours professionnel, mes choix sont très limités...
Je vous fais grâce des interminables réflexions qui m'ont amené à une telle conclusion, mais en clair je ne vois que deux possibilités d'emploi en ce qui me concerne. Soit je renoue avec mes anciens amours et dans ce cas je peux donner des cours à une jeunesse en voyage comme je l'avais fait à Agadir il y a deux ans. Soit j'arrive à me faire embaucher dans une marina comme employé (voire même gérant pourquoi pas) multilingue et pas trop dépassé par les choses de la mer.

Navichatrice Solitaire
Et c'est là que les choses se compliquent encore plus ! Car si l'on réfléchis en terme de bassin d'emploi (T'as vu Dominique je sais encore utiliser les termes ad-hoc !), la première possibilité (donner des cours) devrait logiquement m'emmener vers une zone où l'on parle français et où les bateaux de voyages sont nombreux : La Martinique par exemple. Alors que pour la seconde possibilité je pense que je rencontrerais plus d'opportunités vers l'Amérique Centrale...
Donc, une fois arrivé à Trinidad et après avoir réalisé les travaux nécessaires à La Boiteuse, il va me falloir prendre une décision. Soit je me dirige vers l'arc Antillais (sachant que je dois tenir compte de la période cyclonique), sois je file comme prévu depuis un an, vers le Venezuela, la Colombie et Panama.

Voilà donc où j'en suis de mes réflexions. Et ça mouline depuis des semaines dans mon cerveau, croyez-moi.
Alors bien sûr, si je vous ai raconté tout ça c'est à la fois pour le mettre noir sur blanc afin de m'éclaircir les idées, mais également pour vous mettre à contribution ! Allez-y, balancez-moi vos idées, vos suggestions et vos conseils ! Vu l'état de confusion dans lequel je me trouve, je suis preneur de tout et n'importe quoi.

Sinon à part ça tout va bien. Touline et moi nous profitons du confort que nous procure la marina d'Itaparica. Elle en jouant la star des pontons, et moi... Ben moi je peux enfin regarder un film sur un grand écran, et je peux utiliser toute l'électricité que je veux sans me préoccuper de l'état de mes batteries. Pour l'instant, je peux encore me le permettre, mais je sais que dans un certain temps je ne le pourrais peut-être plus... Alors j'en profite !

On me voit bien là ?

mardi 11 novembre 2014

Glandouille active

12°53.377S 38°41.045W
Itaparica, Bahia

Après plus de quinze jours sans vous donner de nouvelles, je suis sûr, en tous cas je l'espère très fort, que certains d'entre vous se demande ce qu'il m'arrive.
Peut-être votre serviteur a-t-il rencontré une jolie bahianaise et qu'il court le guilledou ? Ou peut-être que les douanes brésiliennes lui sont tombé dessus et qu'il se retrouve empêtré dans les ennuis jusqu'au cou ? Ou encore peut-être qu'il se retrouve si bien dans sa marina avec son électricité et son eau (de source) à volonté qu'il a sombré dans une douce torpeur faite de rien-foutre et de longues siestes ?
Alors, à votre avis ? Laquelle de ses propositions est la bonne ? Bon ok, je reconnais que la question est facile. Vous devez commencer à me connaître alors vous vous doutez bien que c'est la troisième proposition qui prévaut.

La Boiteuse
Cela dit, des jolies bahianaises, il y en a beaucoup par ici. J'ai même l'impression que l'état de Bahia, et plus particulièrement la région de Salvador, recèle une population non négligeable de morenas fines comme des lianes avec des jambes d'une longueur hypnotique. Et, oh joie, elles ne semblent pas toutes mineures ! Mais hélas le gringo solitaire n'intéresse que très peu ces demoiselles, et ma timidité maladive me cantonne à la simple observation.
Pour ce qui est des autorités, elles sont pour l'instant invisibles et c'est tant mieux. Les seules embarcations que j'ai eu à croiser sont celles de quelques richards venu de Salvador pour passer le weekend à Itaparica, et aussi heureusement quelques voyageurs au long cours avec parfois des embarcations improbables.
Oui, c'est pour toi que je dis ça Willem ! Ton The Way to Brisbane en ferro-ciment ne paye pas de mine c'est vrai, mais tu t'en fous et tu as bien raison. So long mon pote, et bonne nave jusqu'à Cap Town !

Carénage
Donc reste la troisième option : La glandouille. Mais je dois quand même préciser qu'il s'agit d'une glandouille active. Ou d'une activité mesurée, genre pas plus d'une heure par jour et encore pas tous les jours, si vous voyez ce que je veux dire. Parce qu'il y a des jours ou il fait trop chaud, et d'autres ou il pleut (et des fois ce sont les mêmes). J'ai fait un peu de couture, une lessive, quelques plongées en apnée pour nettoyer la coque de La Boiteuse (dans une eau à 26°C, la corvée devient même une activité plaisante), beaucoup de papotages de ponton dans les quatre langues qui sont à ma disposition, des coups de main aux copains, et pas mal de jus de fruit éclusés au bar du coin. Le tout entrecoupé de longues séances de séries télé et de longues siestes. Voilà, c'est ça que j'appelle la glandouille active.

Mais cette vie idyllique (en tous cas pour moi) va devoir prendre fin dans pas longtemps car j'envisage de reprendre la mer au début de la semaine prochaine. Cinq jours de navigation pour rejoindre Jacaré... Dernier run avant ma sortie définitive du Brésil !

Zozio inconnu au bataillon
 
Glandouille non-active