vendredi 7 septembre 2012

Des trucs pas compliqués


07°02.535S 34°51.352W
Marina Jacaré, Brésil

Ceux qui me suivent depuis assez longtemps savent que ma principale occupation consiste surtout à trouver comment en faire le moins possible. Je sais, c’est très politiquement incorrect, c’est même révolutionnaire quelque part... Mais que voulez-vous, je n’aime rien de plus que glander toute la journée.
Bien sûr, avec une telle philosophie, ne comptez pas sur moi pour vous narrer je ne sais quelle visite de musée, car à moins que celui-ci ne se trouve sur mon chemin direct, je n’irais pas. C’est trop fatiguant.

Nonchalance

Moi mon bonheur, j’aime à le voir de ma fenêtre. Enfin, de mon cockpit si vous préférez.
Une barque passe à frôler l’arrière de la Boiteuse,  un type sans âge pagaie silencieusement alors que son compagnon de pêche frappe l’eau avec une grande perche pour rabattre les poissons vers les filets. Une femme marche sur la grève avec une petite épuisette et une tête de poisson pour attirer les crabes bleus, qu’ici on appelle sidis. Un gamin sur son âne mène quelques vaches au pré... Voilà ce qui suffit à mon bonheur. Des petits moments de vie. Des trucs pas compliqués.

Anglais obligatoire
 Boire un jus de fruit le soir en discutant avec des gens venus des quatre coins de la planète. Entendre parler l’anglais avec l’accent finlandais, suédois, allemand, suisse-allemand (c’est pas pareil !), américain, italien, néozélandais, brésilien, argentin, sud-africain, coréen, thaïlandais, français...Tout ça au cours de la même journée ! Découvrir des sourires et des vies fantastiques. Des cons aussi bien sûr... Mais vraiment très peu, car le voyageur est forcément moins con que la moyenne. Je ne dis pas ça pour me moquer ou me vanter, croyez-le, c’est juste un constat.

Mais bon, j’ai beau tout faire pour que ma vie soit comme ce fleuve que j’ai sous les yeux tous les jours, tranquille, il arrive forcément un moment où l’on doit s’arracher à la contemplation, à la nonchalante douceur de vivre.
Le temps file mes amis, et file vite. Voilà déjà un mois et demi que je suis à Jacaré, et si je veux pouvoir rallier des pays plus conciliants avec l’immigré français que je suis, il ne faut pas que je traîne trop. J’entends déjà les voix des mes aînés me murmurer à l’oreille que je n’arriverai pas à rejoindre l’Uruguay avant le 21 octobre...

Le jouet de Monsieur est avancé
Mais qu’importe, je me prépare à reprendre la mer pour la semaine prochaine, direction Salvador do Bahia, première des trois ou quatre étapes qui me verront longer les côtes du Brésil.  La navigation ne sera pas simple, car près des côtes et contre le vent et les courants, mais je ne désespère pas de rallier Salvador en une semaine. Peut-être plus, peut-être moins, vous connaissez désormais la chanson.
La Boiteuse est de nouveau armée pour affronter les flôts, et moi on va dire que je suis encore en train de fourbir ma motivation... C’est qu’il est dur de s’arracher à la nonchalance du fleuve. Très dur.

Aujourd’hui, 07 septembre, c’est la fête nationale au Brésil. A la marina d’à côté, un port à sec, une noria de tracteurs s’est démenée dès hier pour mettre à l’eau les grosses vedettes de luxe où viendront se pavaner les nantis du coin. Je pressens un après-midi bruyant et mouvementé... Alors qu’à cent mètres à peine, derrière un mur décrépi, un gamin et un cheval joueront peut-être ensemble.
C’est ça le Brésil de 2012. Il n’a pas vraiment changé depuis ma venue en 1988...Sauf que les riches encore plus riches, et les pauvres sont toujours aussi pauvres.

Le Brésil un miracle économique ? Visiblement pas pour tout le monde...

Le fleuve et ses trésors

14 commentaires:

SONIA a dit…

Une somme de p'tits bonheurs pour tendre à un équilibre ! Voila qui me parait salutaire ! Bisous....

Gwendal Denis a dit…

@Sonia : Salutaire ? Ça tombe bien il parait que j'aurais besoin d'être sauvé !

Sophie L a dit…

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple?

Anonyme a dit…

Environ 700 milles (sauf erreur de ma part) en 1 semaine, même contre vents et marée, ça devrait le faire ... (je dois pas être un aîné).
Bonne route. A Salvador !

Thomas a dit…

Si j'ai bien compris un rien suffit à ton bonheur et si c'est trop loin t'y va pas, mais tu préfères quand même faire le tour du monde à la recherche de ce bonheur, on sait jamais :)

Gwendal Denis a dit…

@Sophie : C'est ce que je me répète tous les matin au réveil.

@Hedilya : Mouais, plutôt 500 en fait.Le plus dur sera de passer Recife.

@Thomas : J'assume le paradoxe ! :)

Bateau Loïck a dit…

Ah! L'habile conteur veut nous faire croire qu'il en fait le moins possible alors qu'il chasse le moindre cillement de la vie. "Le droit à la paresse" se conquiert de haute lutte !

'Tsuki a dit…

C'est pour cela que malgré ton athéisme de mécréant qui m'irrite tellement, je continue à venir suivre tes aventures : je suis parfaitement d'accord avec toi : ne rien branler, c'est le top. C'est ma seule raison de vivre... Mais notre façon de vivre est qualifiée de "rien branler" par la société. Nous nous savons à quel point elle sont remplies, nos journées, qu'on n'a même parfois plus temps d'en faire plus... C'est qu'on en fait tellement !!! C'est juste pas productif comme la société l'exige.

J'aime bien aussi ta reflexion à propos des voyageurs. C'est vrai que plus on change de paysage, plus on diminue sa propre connerie. Elle sera toujours là bien ancrée en nous, parce que tous les humains sont des cons, mais c'est vrai que voyager ouvre un peu l'esprit.

cazo a dit…

Pour dire que le Brésil n'a pas vraiment changé depuis 1988, il faut que tu aies passé plus de temps à parler anglais avec des voyageurs de ton acabit plutôt que parler avec les brésiliens !! Je ne peux que te contredire sur la base de mon ami qui s'y est installé depuis plus de dix ans après de nombreux séjours.. Lui a vu le changement, bien des choses ont changé, en particulier pour les plus démunis, depuis l'avènement de Lula et de Dilma. A trop te prélasser dans ton hamac et à papoter avec tes voisins de ponton en sirotant des cocktails de jus frais, tu en oublies ton sens aigu de l'analyse sociopolitique... En même temps, comment pourrais-je t'en blâmer, à choisir... Je ferais comme toi... et même moins !! ;-) !!

Gwendal Denis a dit…

@Bateau Loïck : Oui mais je chasse à l’affut ! J’attends que le petit bonheur me passe sous le nez, et Hop ! Je lui saute dessus !

@Tsuki : Moins de cons, c’est vrai... Mais il ne faut pas oublier le facteur économique. Le voyageur en bateau, a en général de l’argent, donc de l’éducation. Plus une ouverture d’esprit qui l’a poussé au voyage plutôt qu’à l’investissement dans des valeurs plus « sûres ». Cela dit je viens de rencontrer un argentin de droite, pas piqué des hannetons ! Ce qui me fait dire : Comment appelle t’on un voyageur en bateau de droite ? Un plaisancier ! Arf !

@Cazo : Détrompe toi mon ami. J’ai autant parlé avec des brésiliens qu’avec des gringos, et ce petit commentaire en bas de la photo, n’est qu’un apéritif par rapport à une analyse plus poussée qui suivra bientôt. Il me manque encore quelques informations, mais en gros le titre pourrait être : Brésil, le mensonge économique. Ou alors, Le rideau de fumée brésilien... Bref, plus j’étudie la chose, plus tout cela ressemble à un miroir aux alouettes.

cazo a dit…

J'ai tendance à croire mon ami, qui loin d'être un innocent au point de vue politique, et vivant de peu dans le sertao, a je pense de bonnes raisons pour affirmer que les choses ont changé pour les plus démunis... mais j'attends avec impatience ton analyse. Certes, des richesses se sont développées et toujours pour les mêmes, notamment avec le bioéthanol, mais ne serait-ce que pour la scolarisation, l'échange gratuit des frigos pour les plus pauvres, et d'autres mesures, je pense qu'on est loin de la situation d'il y a 24 ans.

...toussaint a dit…

Bonjour, est ce facile de te brancher sur internet là où tu vis, comment fais tu..? Cybercafé ou hotel..? Bonne journée à toi..(encore un peu plus d'un mois et je suis au pays des barbus..)

Gwendal Denis a dit…

@Cazo : Je suis d'accord, j’exagère un peu en disant que rien n'a changé. Par exemple, les allocations familiales fonctionnent assez bien... Tout en menant une politique économique ultralibérale. Mais quand je parle de miroir aux alouettes, c'est justement par rapport à l'aura de "miracle économique" du Brésil auprès des pays européens. M'enfin, je dois encore creuser la question.

@... : En l’occurrence j'arrive à capter le wifi de la marina à partir de mon bateau grâce à mon antenne (10 dBi). C'est le grand luxe !

...toussaint a dit…

En effet c'est un privilège rare dans les pays pauvres...Merci