mardi 10 décembre 2013

Ça va ? *

34°57.786S 55°16.183W
Piriápolis, Uruguay

Fait chaud !
Ce dimanche, six heures du matin, le thermomètre affichait déjà 25°C à l'intérieur de La Boiteuse. Ces derniers jours, lorsque le vent n'est pas au Sud, il peut faire plus de 35°C, et lorsque je suis assis devant mon ordinateur, sentant la sueur dégouliner le long de mon torse, je me dis que j'adore ça. Je bois des litres et des litres de flottes, et j'ai l'impression que mon corps évacue l'hiver, en même temps que les kilos engrangés et les toxines accumulées. C'est que mine de rien, depuis le départ de Zoë j'en ai pris du poids. Quinze kilos, si j'en crois la balance de la pharmacie du coin... Mais bon, pas de panique ! Je me connais, je sais que je vais les perdre encore plus vite que je les ai pris ! Une fois que je me serais remis en route bien sûr...
Oui mais voilà, deux jours plus tard la polaire et les chaussettes sont de retour. Le vent a viré au Sud avec son cortège de pluie et de frissons, toutes les ouvertures sont de nouveau hermétiquement fermées et la mer redevient inhospitalière. L'envie de naviguer, si jamais elle avait pu montrer le bout de son nez à la faveur d'un temps plus clément, disparaît alors. Je n'ai plus qu'un désir, celui d'être ailleurs sans avoir à bouger. Je sais, à moins d'inventer le télé-porteur, c'est pas gagné.

Touline apprécie elle aussi !
Parfois, lorsque le moral est plus en berne que d'habitude, j'en viens franchement à me dire que lorsque l'année dernière j'ai pris la décision de descendre vers le Sud, plutôt que de filer directement sur les Antilles, j'aurais mieux fait de me casser une jambe. Mais bon, il ne sert à rien de regretter le passé, et tout n'a pas été négatif depuis que j'ai pris cette décision... Enfin, presque tout.

Je crois sincèrement que les pires contraintes sont celles que l'on s'impose à soi-même. Mais une fois qu'on a dit ça, cela ne résout rien pour autant. A force de ne pas vouloir être contraint justement on en vient, j'en viens, à ne plus rien souhaiter d'autre que de rester dans ma petite zone de confort... En résumé, le pendant de cette liberté chérie que je recherche, c'est l'immobilisme. Alors, est-ce que c'est bien ou pas bien ? Me faut-il ou ne me faut-il pas culpabiliser de cet état de fait ? Là est toute la question, et c'est celle qui me préoccupe depuis quelques semaines déjà. Pour ne pas dire des mois.
Un nouvel arrivant
Lorsque je suis parti, je me suis promis à moi-même de ne jamais finir comme ces marins que l'on croise parfois au détour d'une escale. Des marins qui se sont ancrés à vie dans un port, et dont le bateau ne naviguera probablement plus jamais... Je me suis fait cette promesse parce qu'à mes yeux ce n'étaient plus ni des marins ni des bateaux. C'étaient des épaves. Ils symbolisaient quelque part, un échec. Mais si je me suis fait cette promesse, c'est aussi peut-être parce je savais déjà au fond de moi que c'est peut-être ainsi que je finirais... Presque trois ans plus tard, je ne vois plus du tout les choses de la même façon.
Car après tout, où est le mal de se trouver bien quelque part ? Hein ? Où est-il marqué que l'on n'a pas le droit de se poser ? Pourquoi la vie serait-elle forcément moins bien à l'arrêt qu'en mouvement ? C'est quoi cette pensée morbide qui dit que si quelqu'un ne bouge plus, c'est qu'il est forcément mort ?

Écoliers en "lavallière"
Comme vous pouvez le voir, ça se bouscule un peu dans ma tête en ce moment. Les choses qui hier m'apparaissaient devoir être évitées à tout prix deviennent peu à peu moins... Effrayantes, voire carrément tentantes.
Mais bon, rassurez-vous, nous n'en sommes là. Pas encore. Comme je l'ai déjà dit, j'adore l'Uruguay, mais je n'y finirais pas mes jours. Il fait bien trop froid à mon goût ! J'aspire à des contrées plus douces, où vivre ne coûte pratiquement rien. En clair, l’Asie sera mon Eldorado.
Donc on va partir. Bientôt. Ce matin le patron de la marina m'a encore fait du pied pour savoir quand est-ce que je comptais vider les lieux. C'est qu'avec les tarifs qui vont tripler à la fin de la semaine, il aimerait bien utiliser ma place pour y mettre un yacht de vingt mètres ! Je lui ai répondu que ça allait se faire... Peut-être pas avant la fin de cette semaine comme je l'avais prévu. Peut-être au début de la suivante, ou au milieu, ou à la fin. On verra. Mais les trente dollars par jour que cela va me coûter ajouteront certainement à la pression que je ressens déjà. 

(*) : Allusion au dernier commentaire laisser sur l'article précédent, et qui date de presque un mois. Je sais, ça ne me ressemble pas de vous laisser ainsi sans nouvelles. Je suis désolé.

Heureusement, on est là l'un pour l'autre !
Un peu de douceur dans ce monde de brute

23 commentaires:

Sonia a dit…

Culpabiliser ? Certainement pas !!! Et au nom de quoi tu culpabiliserais captain hein ??? Nous qui te suivons depuis déjà un moment, on sait bien que la nav( c'est pas ton truc et que si un jour tu trouves un hâvre de paix pas cher et au solei, tu y resteras !!! Faut juste que tu le trouves et donc... que tu te boostes pour trouver l'énergie de partir... Le jour où tu ne nous feras plus de jus de cerveau, on sera inquiets :) Bisous Gwendal !

aglae75 a dit…

Ah l'Asie, j'aimerias bien y êtes moi aussi. Si Dieu veux un jour....

Isabelle a dit…

Bonjour Gwendal,
ça fait du bien de voir des nouvelles. Après deux semaines sans nouvelle note, j'ai pensé que tu avais repris la route, mais ensuite, j'ai commencé à envisager que tu avais eu des pépins. Bon, ouf, tu vas bien.... et tu gamberges toujours autant !

A propos de gamberge, je suis toujours étonnée d'apprendre qu'il existe des "doux dingues" comme toi qui choisissent la vie à bord et en grand voyage sans être d'abord certains qu'ils ont pour la navigation hauturière une vraie passion. Un jour je me ferai ethnographe des voileux et je ferai des catégories savantes et je tenterai de comprendre....

En passant, as-tu des nouvelles des "Loick" ? ils n'ont pas mis de news depuis un bon moment eux aussi. Sont-ils déjà repartis vers le sud ?

Je te souhaite un départ serein et une belle nav vers le nord, quand tu l'auras décidé.
Isabelle (Skol)

Monique a dit…

Oui, c'est ça, si tu veux te poser, choisis donc un pays imbécile où jamais il ne pleut , comme dit Brassens !!!

Mais ne cesse pas de gamberger, là, tu serais vraiment immobile !

Thomas a dit…

Ouf ! On a failli avoir peur !

Bouger, pas bouger, je ne sais pas ce qui serait le mieux, mais moi je dis que si on a un bateau alors faut en profiter pour faire le tour du monde ! (sans oublier de faire la sieste.)

Guerdy a dit…

Enfin des "News"
Je me disais <>
Bon courage Gwen nous venons de croiser un plaisancier qui à passé par Piriapolis et il a bien remonté.
Ailleurs comme en Uruguay ainsi qu'en France et même aux Canaries c'est malo tiempo.
Et après la pluie le beau temps va bien finir par revenir.
Hasta luego y suerte Guerdy

Guerdy a dit…

Je me disais
Je l'avais mis entre guillemets et ça ne passe pas
Alors je répète
- Je me disais "Ce n'est pas le Manitoboa mais la Boiteuse qui ne répond plus.

Guerdy

Gwendal Denis a dit…

@Sonia : Au nom de quoi ? Je n'en sais rien... C'est comme ça. C'est comme pour le jus de cerveau, ça fait partie de mon charme !

@Aglaé : Dieu n'y est pour rien ! Il n'y a que moi qui décide ! (Et c'est bien là le problème :) )

@Isabelle : C'est vrai que cela peut paraitre paradoxal... Mais c'est ainsi, je n'ai pas de plaisir particulier à naviguer. Mais ça, je le savais avant de prendre ma décision définitive. Ce qui me plait ce sont les escales... Ce qui se passent entre elles, ne sont que des mauvais moments à passer.
H et C de Loïck sont toujours coincés près de Buenos Aires... Des problèmes mécaniques à résoudre.

@Monique : C'est sûr que la Gamberge, c'est mon truc. Heureusement pour vous parce que sinon je n'aurais plus grand chose à dire.

@Thomas : En théorie tu as raison Thomas. Mais dans la pratique c'est parfois plus compliqué. La preuve !

@Guerdy : Remonter est toujours possible sur le papier. Après il faut voir combien de temps et dans quelles conditions on veut le faire...

Guerdy a dit…

Vraiment désolé d'avoir remué le couteau dans la plaie.
Le plaisancier qui à passé Piriapolis nous a dit que maintenant ce sera l'été dans ton coin, mais comme tu dis, on n'est pas à l'abris de casse, surtout en solo.
Aux Canaries il pleut pas mal et toujours un fort vent de Sud, au mouillage de LAS PALMAS un 12 mètres c'est échoué sur la plage.
Cela me fait penser à l'adage ;
Qui va en mer par plaisir irait en enfer pour passer le temps.

Bateau Loïck a dit…

Si tu ne choisis pas de rester, il faut partir. L'important c'est choisir. Rester c'est très cool. Je crois que l'Uruguay est un pays très agréable à vivre, sûrement bien mieux que bien des lieux sur terre.
Le pire c'est dire et croire que l'on est en partance et rester. Ça c'est l'échouement.
Mais après tant de temps à terre je crois que il ne faut pas imaginer aller loin. Il faut que l'équipage et le matériel retrouve ses marques.
A ta place je viserais La Paloma. 66 milles, moins de 24 h, là-bas c'est pas cher, tu connais et t'aimes bien si je me souviens bien. Si tu te sens et que le temps de permet tu peux toujours aller plus loin, mais a mon sens vaut mieux s'arrêter à La Paloma.

Unknown a dit…

Bonjour Gwendal.
Notre voyage immobile continue et bien cela fait du bien de te lire. Que n'as tu profité de cette escale.
En même temps c'est toi le Capitaine, c'est toi qui dit quand on appareille. Ici, je veux dire en France, l'hiver s'installe et les longues nuits seront plus propices à la lecture de tes pensées.
Alors … fait nous encore rêver avec tes toujours belles photos qui nous parlent de l'ambiance à bord et aux bords.

cazo a dit…

Arf !! Groumpf... Boaff, en même temps... pass'que hein, bon !! ;) !!

Gwendal Denis a dit…

@Guerdy : L'été est quelque chose d'assez relatif par ici :) Enfin, j'imagine qu'avec le temps je deviens un peu difficile !

@Bateau Loïck : Le choix est fait, à n'en pas douter. Je ne vais pas rester ici.
La prochaine étape sera La Paloma, comme tu me le conseilles.

@Olivier : C'est certain que j'en aurais profité... Quatre mois sans naviguer !

@Cazo : Tien Cazo !! Ça faisait longtemps !

Anonyme a dit…

bonjour Guendal
je te suis depuis peu (1 mois) une belle aventure vu depuis mon canapé!!! bouge toi un peu ...
raconte nous la suite !
toi et le bateau loick vous donnez envie pour les bon momments

Guerdy a dit…

Bonjour Gwendal,
Pour maigrir je peu te donner deux recettes que tu peux combiner;
La première, cuisines des légumes
La deuxième, fais l'amour, un bon coq n'est jamais bien gras.
Hasta luego Gerdy

Gwendal Denis a dit…

@Anonyme : Chaque chose en son temps Anonyme (un prénom ou à la limite un pseudo serait mieux). La vie de nomade n'est pas fait que de bons moments. :)

@Guerdy : Pour les légumes c'est mal barré... A moins de trouver une cuisinière qui m'en fera. Auquel cas, la deuxième recette peut s'envisager :)

Anonyme a dit…

Holà capitaine... avec mes aventures artistico-familiales, j'ai failli zapper ce dernier billet (et dire que je me disais que ça me manquait, tes billets).
Content de savoir que je ne suis pas le seul a me poser des questions sur le sens de l’arrêt durant un voyage, ou du voyage entre deux arrêts, ou des trucs compliqués comme le sens d'avoir un bateau à voile si ce n'est pour faire le tour du monde avec (mon pote le marinero de Cangas qui a un First 210 à La Coruna mais ne se sent pas encore de passer le Cabo Finisterre avec serait surement d'accord sur les pratiques multiples et variées de la voile, tout comme des amis qui ont vécu un bon moment à Piriac sur un Bavaria 32, à peine plus grand que notre vieil Arpège - c’était juste leur maison, des fois ils naviguaient avec, ça leur plaisait bien comme ça). Quand aux légumes, il y en a qui se mangent crues aussi... mais est-ce bon ? Et est-ce un but dans la vie, de perdre du poids ?
Je prends une partie du titre d'un film d'y a quelques années, je vire la fin (elle n'est pas trop utile ici) et ça donne "Vas, vis...". Tu n'as pas a revenir. T'y es. Dans ta vie.
Ouhlalala je me suis encore lâché...

joam a dit…

Salut Capitaine!
Moi aussi je scrutais l'horizon pour lire quelques nouvelles...
Il faut laisser le Temps au Temps et il existera toujours des "des voyageurs immobiles" dans l'attente de larguer les amarres.
En tout cas Touline n'a pas l'air de se faire du jus de cerveau elle.
Les chats ont tout compris à la vie!!
A la prochaine ici ou ailleurs.
Pensées cordiales

Anonyme a dit…

bonjour Gwendal, biensur j'ai lu je pense tout ton périple , les bon momments et aussi les catastrophes ! qui sont le lot de tout marins (je lis aussi d'autres blog)
si tu avais a refaire ton voyage quel serai ta prépartion ?
je sais la question est vaste ... et tu peu me faire une réponse courte!, quoique tu me répond ce que tu veux
Michel

Gwendal Denis a dit…

@Gubragh : J'aime bien quand tu te lâches ! A mon sens dans le voyage c'est quand même l'escale qui prime. Elle est le but, l’intérêt premier. Sinon, nous ne serions que des errants. Bouffer des milles, pour le plaisir de bouffer des milles... Ça n'a pas de sens. C'est une conséquence du voyage, pas un but.

@Joam : Laisser du temps au temps, c'est un peu ma spécialité. Pour le meilleur ou pour le pire !

@Michel : Houla ! Vaste question en effet ! Cela mériterait presque un article complet sur le sujet. Pour la faire courte je dirais que je ne changerais rien à ma "préparation". Car je me suis rendu compte à la vue de ma propre expérience et celle des gens avec qui je suis en contact que le départ, c'est d'abord une question d'envie. Le bateau lui, n'est jamais prêt au sens où on le voudrait parfait et que la perfection n'existe pas. Et puis mon cas est particulier puisque je suis parti pour la vie... Alors si il y a un manquement quelque part, j'ai le temps d'y remédier. Pour ceux qui font juste une parenthèse, la "préparation" est beaucoup plus importante car il faut alors optimiser cette période forcément trop courte que devient le voyage.

gilbert a dit…

salut Gwendal

j'espère qu'on pourra t'entendre sur "allo la planete" du 20 /12 entre minuit et 7 h du matin .

bon vent à l'équipage

Isabelle a dit…

Hello Gwendal, ho ! je proteste ! Réduire l'amour de la navigation à "bouffer du mile" me semble bien simpliste comme façon de voir les choses. ;-)
Souviens toi ce qui m'étonnais c'était justement qu'on puisse partir sans aimer naviguer (ma façon à moi de sur-simplifier le sujet, bien entendu).

Moi j'aime pas spécialement bouffer du mile mais j'aime savoir que je peux aller loin, même si ça prend longtemps. Et j'aime aussi rester dans cet espace particulier qu'est la navigation sans voir la terre, quand on doit être autonome, compter seulement sur soi-même.
Mais je n'ai jamais pratiqué la navigation solo.

Bon conseil des Loïck (à qui je souhaite la résolution de leurs problèmes mécaniques): 66 miles de remise en route, ça semble réaliste. C'est pour quand, alors ?

Isabelle

Gwendal Denis a dit…

@Gilbert : Je ne sais pas encore... ça risque d'être un peu tard pour moi compte tenu du décalage horaire. (Oups ! c'est passé !)

@Isabelle : Je dis que ça n'a pas de sens, pour moi, et seulement moi. Depuis le départ je le dis, un bateau pour moi c'est une maison qui bouge, et quand elle bouge c'est pour aller d'un point A à un point B. Faire des ronds dans l'eau pour une journée, je n'en vois pas l’intérêt. Après bien sûr, je conçois qu'il en soit autrement pour d'autres que moi.