mercredi 30 septembre 2015

Du Suriname à Trinidad - 2/2

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Le lundi 21 Septembre 2015 – Thon jaune et stratégie

05H30 : Nuit inconfortable. La Boiteuse a roulé comme une barrique, malmenant mon petit corps qui a eu du mal à se caler. Sinon, RAS. J'ai fait de mon mieux pour garder le cap, et pour la distance parcourue, on verra tout-à-l'heure.

06H00 : Exactement la même distance que la nuit précédente : 46 milles en 12 heures. Sauf qu'on a fait un peu trop d'Ouest et pas assez de Nord. Le ciel s'illumine peu à peu. Je coupe les feux.
Comme prévu, demain matin nous devrions être en vue des côtes de Trinidad. Ensuite, il restera encore 70 milles pour contourner l'île par le Nord et rejoindre Carenage Bay.

07H45 : Bingo ! Un petit thon jaune a décidé de se suicider sur ma ligne de traîne !


08H40 : Ah ben ça alors... Après deux jours à glander voilà que nous avons enfin un vent digne de ce nom. 4,5 nœuds de vitesse fond avec des pointes à 5,5 nœuds. Il faut que j'en profite pour optimiser ma route. Je tourne la molette du régul' de 5°.
En faisant u n tour d'horizon pour la forme, je me rends compte qu'il y a de plus en plus de sargasses. Pas encore de bancs compacts, mais quand même...

12H00 : 3,96 nœuds de moyenne sur six heures ! On frôle les quatre nœuds vous vous rendez compte !!? Non mais sérieux quoi... Heureusement qu'il me reste encore un peu d'humour.
Bon sinon, ce midi c'est darnes de thon grillées sur leur lit de vermicelles chinoises parfumées aux oignons et aux épices d'orient. C'est royal !

12H40 : Bouh... Après une ventrée pareille une petite sieste s'impose. La vie est belle !

15H30 : Je ne vous l'ai pas dit mais il y a quelques cargos et pétroliers sur ma route. Là, j'en ai trois à la queue-leu-leu sur tribord. De même, les fonts remontent et bientôt ce seront les plates-formes pétrolières qu'il va me falloir avoir à l’œil. Tien, ça me donne une idée d'ailleurs...


18H20 : Tout à ma lecture (La griffe du chien de Don Winslow, un roman passionnant), j'ai loupé mon point du soir. Pas grave. 3,95 nœuds en six heures au 310°, c'est bien. Je prévois d'aborder le passage entre les deux îles, le Galleons Passage, demain matin vers six heures. Ça veut dire que la deuxième partie de la nuit risque d'être un peu, comment dire, compliquée.

18H35 : Les sargasses se font de plus en plus denses. Il faut que je surveille le fletner du régulateur car ces saloperies se prennent dedans.

Zozio numéro Un
19H05 : Et allez... C'est reparti pour un tour. En plus d'une hirondelle, cette fois-ci il s'agit d'un de ces fous à casquette blanche, les mêmes que pendant la transat, qui a décidé de squatter la capote. J'attache Touline.

19H25 : Je n'ai pas très faim ce soir... Trop mangé de thon à midi. Je m'avale quand même deux mini-bananes.

21H30 : Moi qui voulait dormir un peu en première partie de nuit, c'est raté. Ça grouille de cargos. Et ces cons passent vraiment très près... Le vent se renforce, 5 nœuds de vitesse fond. Première plate-forme visible sur tribord.

Le mardi 22 septembre 2015 – Ça se complique

Zozio numéro Deux
01H45 : Je n'ai toujours pas fermé l’œil... Nous sommes en train de doubler les plates-formes. J'en compte une demi-douzaine. Plus les cargos, porte-conteneurs et autres pétroliers... Ça en fait des lumières !

01H50 : Oh ! Lumières de l'île de Tobago sur tribord !

02H35 : Ça-y-est, les plates-formes sont derrière nous. Pour l'instant j'ai dû dormir quarante-cinq minutes à tout casser.

04H30 : On entre le le Galleons Passage. Je dé-tangonne le foc et je lofe de 40° pour commencer à longer la côte nord de Trinidad.

06H15 : Le jour se lève. Au total je pense que j'ai dû dormir deux heures cette nuit. Les plates-formes sont loin derrière maintenant. Sur tribord arrière on aperçoit Tobago, et sur bâbord avant l'île de Trinidad. On a marché à quatre nœuds toute la nuit J'espère qu'une fois sorti du Galleons passage le vent ne me laissera pas tomber... Objectif du jour : Avaler les 70 milles qui nous restent à faire le plus vite possible, tout en longeant la côte et en profitant du paysage. Dormir aussi, ça serait bien... Allez, on dit qu'à quatre nœuds on arrive ce soir sur les coups de 23H30 !

L'île de Trinidad en vue !
07H00 : Vous voulez que je vous dise ? D'où je suis l'île de Trinidad est superbe ! Avec ces montagnes toutes vertes couvertes de nuages, c'est pile poil l'image que je m'étais faite dans ma tête. Une frégate nous survole.
Au fait Touline ! Tu sais ce qu'on va voir comme truc incroyable quand on sera arrivé ? Des pélicans !!! Oui, j'te jure ! Tu verras, ce sont de gros oiseaux tout bizarres avec un bec dans lequel tu pourrais tenir toute entière.

07H30 : J'ai descendu le pavillon surinamais et hisser le pavillon Q. J'ai un aveu à vous faire, j'ai omis de potasser les instructions nautiques concernant Trinidad et je ne sais pas trop comment je dois débarquer là-bas. Faut-il que je m'annonce à la radio en arrivant ? M'enfin, je vais aller directement au TTSA et on verra bien. Patrick (Capsun) m'attend là-bas et il m'expliquera tout ce qu'il y a à savoir.
Ah ouais, il y a une chose que je sais par contre, c'est que Touline n'est pas la bienvenue dans cette île... Comme la plupart des anciennes colonies britanniques, Trinidad a gardé une législation sur les animaux de compagnie complètement débile. Donc, motus et bouche cousue en ce qui la concerne... De toute façon, je pense qu'on va rester la plupart du temps sur bouée, donc cela m'étonnerait que l'on vienne me chercher des noises. Par contre, lorsqu'il faudra sortir le bateau pour la carénage, il va falloir ouvrir l’œil et le bon !

07H40 : Joli le courant ! On fait des pointes à sept nœuds alors que les voiles ne sont même pas gonflées par le vent, c'est dingue !

08H20 : On est toujours dans une veine de courant portante. Je voulais me rapprocher de la terre pour profiter de la vue, mais une telle aubaine ne se refuse pas. La Boiteuse glisse sur une mer d'huile à cinq nœuds... C'est magique !

09H40 : Pfff... C'était bien le temps que ça a duré, mais maintenant nous n'avons plus ni vent ni courant. Peut-être qu'en me rapprochant de la terre je pourrais bénéficier d'un effet de site ? On va essayer...

10H00 : J'entends le bruit que font les vaguelettes à deux ou trois cents mètres alors que là où nous sommes c'est le silence complet. Il y a des veines de courant (et de contre-courant) un peu partout et nous avançons selon leurs bons vouloirs. La mer bout même par endroit. Si seulement on avait un peu de vent pour passer tout ça...

Des montagnes, enfin !
12H00 : 24 milles parcourus en six heures. C'est normal étant donné la vitesse de dingue qu'on a eu en début de matinée. Mais si je tiens compte de la vitesse actuelle nous ne sommes pas arrivé avant demain matin 07H00... Je n'ai qu'un mot à dire, c'est déplorable. Il reste 48 milles à faire.

12H15 : Ah tiens, un voilier est en train de remonter la côte dans l'autre sens ! C'est vrai que nous sommes dans les Caraïbes maintenant, et il va falloir que je m'habitue à rencontrer plus de mes congénères.

12H25 : Jésus-Marie-Joseph ! Voilà un thermique ! On fait des super-pointes de vitesse à 3,5 nœuds ! Alléluia ! (Non, j'rigole, c'est la misère)

14H00 : On arrive autour de minuit si tout va bien. Si le moteur accepte de démarrer bien sûr... Parce que s'il refuse, je vais devoir tirer des bords dans le golfe de Paria.

14H15 : J'espère que là-bas la bouffe est vraiment meilleure qu'au Suriname. Il paraît que oui, d'après Patrick. J'ai lu aussi que T&T était le pays d'origine des steel bands. Plus exotique et symbolique il est difficile de faire mieux, n'est-ce pas ? Quant au climat politique et social, je n'ai aucune info pour l'instant. Si j'ai le temps (et je ne vous garantis rien) je me pencherai sur la question.
La côte nord de Trinidad est vraiment splendide avec ces hautes montagnes qui tombent à pic dans la mer. Et partout de la forêt... 
On est presque arrivé
15H00 : 24 + 14 = 38 milles. Je vais devoir passer la Boca Grande de nuit. Ensuite, c'est l'inconnu en ce qui concerne le vent. Y'en aura, y'en aura pas... No sé. Mais il y a quand même de grandes chances que je doive me taper les 14 derniers milles au moteur. Et si celui-ci refuse de démarrer... M'enfin, on verra bien. J'ai encore six heures devant moi pour réfléchir à la question.

15H50 : Merdouille, le vent tombe. J'ai carrément les voiles qui pédalent dans la semoule. Le régulateur décroche, et c'est le courant (pour l'instant favorable) qui nous pousse à 1,5 nœuds.

17H00 : Ça me tue ces arrivées merdiques... Ces fins de nave qui s'éloignent au fur et à mesure qu'on s'en rapproche. On dirait un jeu de gamin de cour de maternelle et ça m'énerve !

17H25 : Il y a une île sur bâbord, qui s'appelle Seau d'eau Island. C'est joli ces mélanges de noms français et anglais. Pittoresque n'est pas le mot que je cherche. Exotique non-plus... Euh... Choupinet ?

18H00 : Contre toute attente on a fait du 3,7 nœuds de moyennes ces six dernières heures. Reste 16 + 14 = 30 milles. Pour ce qui est de savoir quand on arrive, là franchement je n'ai plus envie de faire de prévisions. Pour l'instant nous sommes encore dans une veine de courant favorable. Les voiles battent et La Boiteuse est ingouvernable, et pourtant nous faisons quand même du 2,5 nœuds.

18H15 : YES ! Mercedes s'est faite un peu tirer l'oreille, mais elle a démarré ! J'ai décidé d'abréger mes souffrances et de terminer cette nave au moteur. Je vais quand même rajouter 20 litres de gas-oil, ça ne peut pas faire de mal.

18H45 : Un autre point délicat vient d'être réglé car je viens d'enrouler le foc. Putain, j'en ai chié... Apparemment d'avoir changé la drosse en Guyane n'a pas suffi, il doit y avoir quelque chose qui coince quelque part... Heureusement que je n'ai pas eu à le faire dans des conditions plus musclées ! Voilà encore un truc à rajouter sur la longue liste des choses à faire...

Boca Grande en ligne de mire
19H00 : Le soleil se couche et à contre jour j'ai Boca Grande en ligne de mire, et j'aperçois derrière les montagnes vénézuéliennes. Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais j'adore voir du relief lorsque j'arrive quelque part. Après des mois de bassin amazonien, de voir de grandes et vraies montagnes est un plaisir.

19H50 : J'ai mangé mon dernier bol de nouilles instantanées. J'aperçois le phare de l'île de Chacachacare qu'il va me falloir contourner pour entrer dans le golfe. J'ai pensé un temps m'arrêter dans cette île pour la nuit, pour repartir le lendemain avec la lumière du jour... Et puis non, Patrick m'attends et je ne suis pas sûr que le moteur redémarre demain matin.

21H11 : Bon les enfants, là on a un gros problème. Le tourteau de l'arbre d'hélice vient de lâcher. Pendant quelques secondes il y a eu comme des vibrations et un drôle de grincement. Puis tout à coup on n'a plus entendu que le ronronnement du moteur... Je n'ai plus le choix maintenant. Je dois continuer et finir à la voile.

21H20 : Après quelques minutes de flottement, j'ai passé en revu mes options et je me suis repris. Tout ça n'est pas si grave finalement, et pour l'instant je ne suis pas en danger. Et après tout un voilier c'est fait pour avancer à la voile non ? A priori, j'ai suffisamment d'expérience pour gérer...

21H45 : J'évite de trop penser à la suite des événements... Je me dis qu'il faut que je prenne les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent. D'abord passer cette foutue boca malgré le vent faible et les courants dans tous les sens. Ensuite, on verra bien comment ça se passe.

23H00 : RAS. L'entrée de la bouche est en ligne de mire. Je longe le nord de l'île de Chacachacare à quelques encablures des falaises. J'entends les vagues qui s'y fracassent. Le vent joue à cache-cache avec le relief. On passe de la pétole totale à des surventes modérées en fonction des trous dans le paysages... Le souci c'est que malgré le stress je commence à avoir sommeil. J'ai les paupières lourdes. Je vais me faire un café tiens...

23H10 : Pendant que je sirote mon café en fumant une clope, nous avons la visite de quelques dauphins qui viennent jouer autour de La Boiteuse. Je ne les vois pas vraiment, juste quelques remous sous le clair de lune, mais j'entends leurs souffles et le bruit des plongeons. C'est beau et quelque part (j'ai honte), j'ai envie de croire que c'est de bonne augure. En tout cas, mon stress est en chute libre.

23H25 : Ça y est, nous y sommes. On est dans la Boca Grande. J'ai le Venezuela sur ma droite et Trinidad sur ma gauche. Cap au Sud.

23H30 : Bizarre... On vient de se faire rattraper, avec un bruyant frissonnement, par un courant de marée. Plus un nœud au loch. Depuis un moment je joue avec les courants et les risées... C'est une navigation assez fine qui demande pas mal de concentration et de réactivité. Finalement, ce n'est pas si désagréable... En tous cas le grondement des falaises toutes proches est là pour me maintenir éveillé !

Le mercredi 23 septembre – Une arrivée coolissime

Des lumières partout
00H10 : On sort des bouches, et de l'autre côté c'est une autre paire de manche. Il y a du vent, des vagues et des lumières partout. J'aperçois Port of Spain, et pas mal de bateaux au mouillage. De gros bateaux d'exploration pétrolière, illuminés comme des sapins de Noël.

00H40 : A vol de mouette il reste dix milles à faire. Sauf que le vent est orienté au Sud-Est... C'est à dire qu'on l'a dans le pif. Il va falloir que je louvoie comme on dit... Ok, j'estime que pour faire ça en deux bords de prés serré, il faut que je continue sur ce bord-là pendant encore au moins une heure. Cap au Sud à 3,5 nœuds. J'ai le champ libre aussi je vais essayer de dormir un peu...

00H50 : Ça me vient à l'esprit maintenant ! Le bon côté de ces bords à tirer c'est que je devrais arriver à destination avec la lumière du jour !

01H55 : Merdouille ! Le vent s'oriente à l'Est maintenant. Je vais être obligé de continuer au 150° pendant encore une heure et demi... Fait suer !

03H15 : J'en ai profité pour dormir une quarantaine de minutes.

03H25 : Allez, ça doit être bon maintenant. On vire de bord.

03H35 : Et merde... Je ne pense pas qu'on puisse y arriver en deux bords comme prévu. Il va me manquer 10°... Bon, c'est pas grave. Je me rapproche du but et c'est déjà pas mal.

04H00 : J'ai réussi à me faire une autre tasse de café malgré la gîte et le tangage. On file à 4,5 nœuds, au prés ultra-serré, toutes voiles dehors. Ce bord, tribord amure, est beaucoup plus efficace que l'autre.

04H10 : J'ai échafaudé un plan. Vu le vent, et la configuration des lieux je pourrais à la rigueur mouiller tout seul, mais je doute de pouvoir attraper une bouée. Le plan c'est donc de tirer des bords devant le TTSA jusqu'à ce qu'il fasse jour et que quelqu'un me remarque. Putain, je ne sais même pas sur quelle fréquence je pourrais les appeler... J'suis nul !
Bon allez, il fait jour dans trois heures et d'ici là j'ai un autre souci à régler. Devant moi j'ai toute une flopée de gros culs au mouillage qui forment comme un rideau. Il va falloir que je me faufile...

04H22 : Cool ! J'ai un dauphin qui fait des bonds sur tribord !

04H33 : Là je suis en train de passer entre deux monstres d'acier hauts comme des immeubles de six étages. C'est chaud !

05H00 : Je vire de bord pour éviter un gigantesque navire de forage. Le vent est en train de tomber on dirait. J'ai faim... je m'enfile deux bananes pour me caler l'estomac.

06H00 : J’enchaîne les virements de bord depuis un moment. Je ne les compte plus. A un moment j'ai fait l'erreur de vouloir passer sous le vent d'un de ces monstres, et je me suis retrouvé empétolé à quinze mètres d'une muraille d'acier. J'ai eu un petit moment de flip... Maintenant je fais gaffe de passer au vent pour rester manœuvrant. J'en suis au troisième rideau de bateaux au mouillage. Il en reste encore un à passer, plus un chapelet de petites îles que je n'arrive pas encore à distinguer dans le noir. Heureusement que j'ai Opencpn !

On est passé !
06H20 : YES ! Il commence à faire jour ! Et juste au même moment j'ai une petite bande de dauphin qui se joint à moi pour le dernier bord !

06H45 : Allez, il reste une petite île et une pointe à passer et on y est. L'ancre est à poste, prête à être mouillée. Les dauphins sont toujours là à jouer autour de La Boiteuse. Dans le soleil levant j'aperçois des pélicans qui volent en escadrille ! Wahou... Ça c'est coolissime comme arrivée !

06H50 : Le vent est presque tombé. Il reste juste une légère brise. J'en ai profité pour enrouler tant bien que mal le foc au trois quart. Je frôle l'îlet de Carera Island et j'entends des coqs qui chantent !
Je vais peut-être y arriver tout seul finalement...

Carenage Bay
07H10 : Ça y est, je vois les voiliers au mouillage dans le fond de Carenage Bay. Pour l'instant on est poussé au vent arrière à deux nœuds et des brouettes. Je prends le risque de me rapprocher.

Je m'approche en effet, jusqu'à frôler la coque du Capsun. Je gueule : « Patrick ! » et c'est le chien Coyote qui me répond. Il est 06H15 heure locale, et tout le monde dort... Sauf peut-être ce voilier que je vois là-bas en train de remonter son annexe. Je m'approche encore et je demande en anglais si on peut me filer un coup de main pour accrocher une bouée. La femme sur le pont me répond qu'elle ne comprend pas ce que je dis avec un accent français ! Chouette, des compatriotes ! Je suis sauvé !
Je répète ma demande en expliquant que mon moteur est HS et que j'ai besoin d'un petit coup de main (et pendant ce temps là La Boiteuse empanne et continue à dériver entre les bateaux). Et c'est là que son mari qui l'a rejoint me répond qu'ils ne peuvent pas m'aider parce qu'ils s'en vont...

Je suis tellement scié que la seule chose que j'ai trouvé à répondre c'est : « D'accord... Bon vent alors ! ». Le type a sans doute décelé la pointe d'amertume que j'ai dans la voix, ou alors il a réalisé l'énormité de sa réponse, car il se rattrape en me suggérant de me mettre à couple d'une coque en bois qui est là, et d'attendre que les employés de la marina viennent m'aider quand ils embaucheront.

A couple, à couple...
A couple, à couple... C'est plus facile à dire qu'à faire car le bateau en question, il est derrière moi maintenant ! Je lofe, vire de bord, puis fait abattre La Boiteuse pour empanner une deuxième fois et me présenter pour aborder le bateau (en fait, je fais un tour complet si vous préférez). La Boiteuse a tout juste assez d'air pour être manœuvrable. Le bout-dehors cogne un petit peu sur la bordée. Je cours à l'avant frapper une amarre et nous voilà immobilisé ! Le temps de mettre deux pare-battages entre lui et moi, Touline a déjà bondit et pris possession de notre nouveau voisin.

Ouf ! La Boiteuse est arrivée à bon port ! Il est 07H30 du matin (heure de Paramaribo), et je viens de me taper 575 milles en 5 jours, vingt-deux heures et trente minutes. J'ai dormi moins de quatre heures ces dernières quarante-huit heures et je viens en prime de réaliser une arrivée sous voile pas trop moche... Franchement, je crois que j'ai bien mérité de me reposer !

Ma nouvelle vue !

12 commentaires:

Eric on Jingle a dit…

Bel atterrissage... tu n'as plus qu'à apprendre a Touline à faire un noeud de taquet ! ��

Vmerand a dit…

Bravo ! Rien à dire ! Bon séjour malgré les cons pas triotes mais presque et bon courage pour les réparations !

Anonyme a dit…

Tu es à bon port et tu vas pouvoir rendre toutes ses capacités à la boiteuse. Du fric à claquer et des heures à suer mais la suite de ton périple est à ce prix.
Pour ce qui est de la nature humaine un con égoïste à terre restera un on égoïste si tu le mets sur un bateau (c'est pareil s'il va sur un bateau de son propre chef). Et comme il y a de plus en plus de monde sur les bateaux on a de plus ne plus de chance de croiser ce genre d'olibrius sur l'eau.
Heureusement il est des valeurs qui sont encore partagées par certains marins (quelque soit leur nationalité).
bravo pour ce bout de chemin qui n'a pas été simple à accomplir.
franck sur tailana.

Johnny Zeisner a dit…

J'avais háte de lire la suite; Comme tu passes par des endroits que je connais, je me fais le film qui va avec...bravo, pour ton courage, dormir ci peu et tout a la voile...
Pour ton genois qui enroule mal, vérifie bien que le profil n'est pas entrain de rogner le haut du cable de l'etais; j'en ai vu 2 a qui s'est arrivé, dont 1 qui a dématté a cause de ca.

Gwendal Denis a dit…

@Jingle : Pas sûr que ce soit si utile... Tout le monde sait qu'il ne faut pas donner trop de pouvoir à un chat !

@Vincent : Merci ! J'ai déjà commencé à prospecter, et ma nouvelle annexe arrive le 16.10.

@Franck : Merci Franck. Heureusement, pour l'instant sur l'eau la bêtise reste minoritaire. C'est pour ça qu'elle est si flagrante peut-être.

@Johnny : On m'a finalement suggéré la même solution... A savoir le tambour du haut qui tournerait mal, ou la drisse pas assez étarquée. J'attends une fenêtre sans vent pour démonter tout ça...

Anonyme a dit…

Bonjour Gwendal,

Acte 2 réussi !
Finish à la voile !
Le régatier qui sommeille en toi se serait-il réveillé ?
Bravo et merci de tes parenthèses iodées.

David de Nantes

Gwendal Denis a dit…

@David : On fait ce qu'on peut, comme tu peux le lire ! Mais la régate, très peu pour moi ! La technicité est utile pour se sortir d'un mauvais pas j'en conviens. Mais pour moi elle perd tout son sens lorsqu'il s'agit de vouloir être le premier...
Enfin si, elle a du sens. Mais il est dévoyé.

Anonyme a dit…

Complètement d'accord.

Maintenant au travail sur La Boiteuse !

Bon courage !

David de Nantes

Anonyme a dit…

Merci du voyage!

J'ai ouvert google maps pour essayer de suivre sur une carte, je ne savais pas que Trinidad et Tobago était si près du continent.

Bonnes réparations (et bon rattrapage de sommeil au préalable!)

Popeye

Gwendal Denis a dit…

@David : Pour l'instant je fais le tour des boutiques pour comparer les prix.

@Popeye : C'est très proche en effet et c'est pour ça que les routes vers l'ouest commencent d'abord par s'éloigner de la côte, genre vers Grenade, avant de bifurquer.

Bateau Loïck a dit…

je sais pas comment tu fais pour resiter au sommeil comme ça...

Gwendal Denis a dit…

@Bateau Loïck : Ben là, pour le coup je n'avais pas le choix. Café, adrénaline, et pas mal de cogitations maintiennent en éveil.