28°12.394N 14°01.604W
Gran Tarajal, Fuerteventura
J’en ai une bien bonne à vous raconter. Le genre de galère qui n’arrive qu’à moi.
La plage... |
Figurez-vous que lors de mon arrivé à Gran Tarajal, mardi soir donc, il y avait pas mal de vent qui soufflait du Nord. Aussi, après quinze heures de nave, je n’ai pas cherché à faire dans le compliqué, je me suis posé directement le nez vers le ponton flottant. Hors, je me suis assez vite rendu compte que cela mettait l’arrière de la Boiteuse complètement exposé au vent, et que je ne pouvais ainsi profiter de l’abri de la capote… De même cela rendait peu pratique l’installation de ma petite véranda personnelle. Bref, pour être un peu plus abrité il me fallait faire faire demi-tour à la Boiteuse.
Je me suis dit que j’allais faire ça tranquillement le lendemain, lorsque le vent aurait baissé un peu.
Et donc le lendemain, vers sept heures du matin, je me lance dans ma petite manœuvre. Je prépare mes amarres, j’allume le moteur, ok. Marche arrière tout doucement… Je largue ma garde, ok. Un coup de barre pour amorcer mon demi-tour… Et là le moteur s’arrête !
Aïe ! Je me précipite à l’intérieur et j’essaye de le redémarrer. Impossible. La Boiteuse dérive et le vent, qui s’était levé entre temps, me pousse heureusement vers le centre du canal. Je saisi ma corne de brume et je me mets à souffler comme un forcené pour appeler de l’aide. Ayuda ! Ayuda !
Il est sept heures du matin, tout le monde dort et personne ne semble entendre mes cris de désespoir…
J’avise sur le quai un type en uniforme, un gars des services de sauvetage en mer, et je lui hurle de me filer un coup de main. Celui-ci se méprend et croit que je viens juste d’arriver et que je cherche une place ! Il m’indique de la main la direction de la capitainerie et poursuit son chemin… Grrr !!!
Le vent me pousse vers le fond du port, la Boiteuse est incontrôlable et je me vois déjà m’encastrer lamentablement dans un bateau. Devant moi un énorme deux mâts de course est en réparation. Il est tellement grand qu’il est amarré un peu bizarrement, en biais, le cul en diagonale par rapport au quai, et l’avant largement déporté vers le centre du canal. Son amarre plonge dans l’eau et barre pratiquement la moitié du passage. C’est ma chance dans mon malheur, la Boiteuse vient se prendre dans cette amarre et s’immobilise… Ouf !
Merci quand même... |
Le gardien est enfin venu me rejoindre et s’assure que je ne vais pas trop me frotter à ce beau et grand bateau. Pendant ce temps-là, je plonge le nez dans le moteur et j’essaye de comprendre ce qui ne va pas. Je remets tout à zéro et je tourne la clef… Vroum, ça repart.
L’amarre est prise juste à l’avant de mon safran (la grosse pelle qui sert à diriger le bateau) et rend la manœuvre compliqué. Marche avant, marche arrière, j’insiste… Et vlan, j’entends comme un clang et le moteur s’arrête de nouveau !
La manette des gaz est coincée en marche arrière. Impossible de mettre au point mort pour redémarrer… Je suis bel et bien dans la merde.
Le gardien, qui entre parenthèse est juste un gardien de sécurité et n’entend rien (mais alors rien !) à la chose maritime, part à la recherche de je ne sais quelle aide… Et revient bredouille, forcément.
Pendant ce temps-là je démonte la manette des gaz pour voir ce qui cloche, et j’arrive à remettre au point mort. Mais le moteur refuse toujours de redémarrer ! Quelque chose coince quelque part.
Le temps passe, le port se réveille peu à peu et les résidents commencent à s’agglutiner le long du quai pour voir ce qui se passe. Le propriétaire du voilier dont l’amarre m’a empêché de m’emplafonner et qui maintenant me retient complètement, arrive. Nous discutons, et je lui explique ce qui arrive… La solution, la seule, serait qu’il déhale un peu son amarre pour que celle-ci glisse sous ma coque et que je puisse ainsi me dégager. Problème, s’il fait ça son bateau, qui vaut apparemment la peau du cul, ira tutoyer le quai… Il refuse tout net et dès lors m’ignore complètement.
Un zodiac arrive avec à son bord un français, Michel. Un autre zodiac avec trois jeunes espagnols arrive également à la rescousse. Un autre français, Gérard, propose de me tirer depuis son bateau de l’autre côté du canal. Un semblant de plan se dessine, on va pouvoir sortir la Boiteuse de cette mauvaise passe.
Je mets deux grandes aussières de vingt mètres bout à bout, plus une écoute de quinze mètres et Gérard commence à ma haler avec son winch électrique. De leur côté, les deux zodiacs poussent…
Rien ne bouge.
Ça bouge pas ! |
Pendant de longues minutes nous essayons, enfin ils essayent car moi debout sur le pont je ne pouvais qu’assister impuissant à leurs efforts, mais rien n’y fait. Au bout d’un moment je décide de plonger voir ce qui se passe en dessous. Je me désape et me prépare à me mettre à l’eau lorsque les espagnols se proposent d’aller jeter un œil à ma place. Ce sont des plongeurs et ils ont tout ce qu’il faut. Super !
Quelques minutes plus tard ils reviennent équipés de pied en cape et deux d’entre eux se mettent à l’eau. Le verdict est sans appel, l’amarre est complètement enroulée autour de mon hélice et la seule solution serait de couper !
J’appelle alors le proprio du gros voilier qui continuait d’ignorer tout ce chambard autour de lui, et insiste vraiment pour qu’il détende son amarre afin qu’on puisse essayer de la délivrer de mon hélice. Pour appuyer un peu ma demande, polie, je précise que sinon il va falloir couper… Là, ce connard commence à s’énerver. Il balance quelques noms d’oiseau, se déshabille et plonge à son tour pour vérifier qu’il n’y a pas d’autres solutions. Comme si je mentais ! Il remonte quelques instant plus tard, furieux et pestant de plus belle, et condescend enfin à bouger son cul de richard à la con.
Il fait alors ce qu’il aurait dû faire depuis le début et qui ne lui pris que dix minutes, il fait tirer une longue écoute jusqu’à l’autre bout du chenal pour retenir son bateau et relâche un peu son amarre. Les plongeurs s’activent pendant quelques minutes et remontent le pouce et l’index joint en un « o » victorieux : L’hélice est libre ! Yes !
L’un de ces plongeurs providentiel me précise qu’un autre bout était enroulé autour de l’hélice et qu’il l’avait enlevé également.
Bon, maintenant il n’y a plus qu’à tirer la Boiteuse avec les zodiacs et à la ramener à son point de départ. Et si possible dans le bon sens !
Mais non, je déconne. A ce moment là je me foutais complètement dans quel sens j’allais être par rapport au vent, du moment que la Boiteuse se retrouve en sécurité.
Grrr... |
De longues minutes furent encore nécessaires aux zodiacs pour arriver à leur fin. Le vent n’aidait en rien la chose, et je me suis retrouvé plusieurs fois en train de repousser à la force des bras les autres bateaux. Heureusement Patrick, encore un français, me rejoins à bord de la Boiteuse et m’aide à défendre mon bateau. Et à protéger les autres !
A force d’un travail acharné, toute cette équipe improvisée réussit enfin à me mettre en sécurité. Il était onze heures et demie du matin et j’étais amarré à un catway, et dans le bon sens s’il vous plaît !
Je n’avais pas assez de mots pour remercier tout le monde… Tous ces gens se sont mobilisés pour me venir en aide (à part le connard et son bateau à deux millions de dollars) et je ne savais que dire si ce n’est : Merci et gracias.
Dans l’après midi, je suis allé faire des courses en ville et je suis revenu avec quelques bouteilles de vin que j’ai offertes à chacun d’entre eux. C’était, de loin, le moins que je puisse faire.
Et quid du moteur vous demandez-vous sûrement (parce que je vous sais des lecteurs empathiques). Et bien figurez-vous que tout est rentré dans l’ordre… Je ne sais pas encore trop ce qui s’est passé, car étant donné le niveau de mes compétences certes croissant, je ne peux que faire des suppositions. Mais voilà comment je vois les choses :
Je ne bougerais plus, promis ! |
Au départ j’ai dû me prendre un boute dans l’hélice, ce qui a bloqué l’arbre et arrêté le moteur avec la manette des gaz en position marche arrière. Ensuite ça à été l’amarre de ce bateau de merde qui a produit le même effet. Plusieurs cafouillages de ma part ont embrouillés encore plus les choses (genre j’oublie l’étouffoir en position fermée), mais une fois l’hélice complètement dégagée et le calme revenu, c’est-à-dire le lendemain, j’ai tout remonté comme il fallait et tout a bien fonctionné…
Je demanderais cependant à Michel s’il veut bien jeter un œil à mon moteur… Car si cette aventure devait avoir une morale heureuse, c’est qu’elle m’aura permis de faire la connaissance d’un belle bande de copains. Patrick, Insa, Gérard, Michel, Patricia et les autres m’ont accueilli avec une extrême gentillesse. Ils m’ont indiqué tous les bons plans de Gran Tarajal : Où se trouvent les différentes boutiques, l’endroit où j’aurais la meilleures liaison wifi, où trouver un voilier, un mécano… Bref, jamais je n’aurais été aussi bien accueilli.
Mais pour en arriver là, il m’aura fallut passer par une grosse sueur froide !
PS : Je vous rappelle que ce soir, vers 19H30, vous pourrez me retrouver sur le Mouv’ dans l’émission Le Forum du Mouv’ présentée par Eric Lange.
Moi je dis ça, je dis rien…
17 commentaires:
Mais... c'est le remake de 20000 lieues sous les mers... capt'ain NemoGwen luttant contre le tentacule d'un gros deux mâts calamar !! :-D !
T'as pas mis la photo du bateau du gros con...on pourrait lui envoyer les faux époux Turange...
Mais si Giorgio, c'est le gros blanc gras du bide de la 2eme photo !!!
En même temps, faut le comprendre, le Monsieur :
qu'est-ce que c'est que ces romanos des mers dans leurs bateaux caravanes pourris qui veulent tisser des liens avec ces princes des mers et leurs palaces flottant !! Non mais !! On a pas gardé les ports ensemble !!!
;-) !
Milles excuses, j'avais mal vu...en même temps, ce n'est qu'une grosse barcasse tout en plastique, pleine de phtalates...un boat de trader parvenu... et les meufs qui montent à bord ont toutes les seins siliconés...rien qui puisse nous faire rêver...
@Cazo & Giorgio : Déconnez pas les mecs ! Il parrait que ce bijoux a battu des records de vitesse et tout… Dommage qu’il soit skipper par un con !
Mais vous avez raison sur un point, c’est un autre monde.
Et bien, quelle aventure! Je viens de vivre l'aventure avec toi tellement tu l'as bien racontée! J'aurais aimé être là! Et en même temps, j'aurais aidé à donné des noms d'oiseaux gentils à mon tour à ce fils de p.... riche!
J'ai chaussé mes écouteurs pour ne pas embêter personne et j'attends l'interview avec impatience!
Gros bisous cher Gwen!
@Thérèse : Te connaissant comme je te connais, tu l'aurais bouffé !
Merde ! J'avais oublié le Mouv', trop tard… Il faudra remettre ça à la première occasion, hein ? C'est chouette ton histoire qui finit bien, c'est ce que je trouve de mieux dans la navigation : le port où se retrouvent les copains , du jour ou d'autres rencontres.
T'as quand même réussi à le foutre à l'eau, le gros con, petite vengeance !
Je viens de t'écouter en podcast... voix claire, ton assuré, esprit aiguisé... en pleine forme, le Gwen !!
Tout ça est de très très bon augure...
Tu n'as donc pas (encore) été mieux accueilli que... par des français,(entre autres)... Il t'arrive de ces trucs ! :)
Cazo m'a un peu piqué ce que je voulais dire, mais tanpis : Je t'ai trouvé vraiment à l'aise à la radio tout-à-l'heure.
Bon , tout a été dit !
Je rajouterais quelques insultes à l'encontre du gros machin que ça ne changerais rien...
Tentative de connectage demain matin ou fin après midi ????
Bises
@Le Coucou : Tu te rattraperas la semaine prochaine ! C’est vrai que si l’on y réfléchis, la navigation, le voyage en fait, n’a de sens que s’il y a des étapes.
@Bourreau : Gnark-Gnark !!
@Cazo : Ca y-est, je suis tout rouge…
@Trinita : Et oui ce sont mes compatriotes qui m’ont souvée la mise… Comme quoi.
@Monique : J’ai hâte de t’entendre ma Momo !
Tiens je t'avais perdu de vue, bloguesquement parlant, ravi de te retrouver: avec tes aventures, j'ai de la lecture pour ce soir
@Corto74 : Allez ! Au boulot feignasse !
Bon, Gwen...tu feignasses un peu aussi..à quand la suite ???
@Monique : Ça vient, ça vient !
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