vendredi 1 juillet 2011

Un soir à la Línea

Je suis là, l’ordi posé devant moi. J’écris ce qui me passe par la tête assis à la terrasse du Cafe Plaza sur la place de l’église. Il est neuf heures du soir.

On est vendredi soir et c’est plein à craquer. Ça parle fort, ça hurle même. Les enfants chahutent entre les tables, se bousculent. Les parents s’excusent pour la forme mais on voit bien qu’ils trouvent ça normal. Certain me font la gueule parce qu’ils aimeraient bien me piquer ma table pour pouvoir agrandir la leur… Déjà qu’ils m’ont pris toutes mes chaises.

On se demande ce que je fous là, au milieu de ce vacarme, alors que je pourrais tout aussi bien être au calme sur mon bateau, à taquiner la baliste avec une moule fraîche en guise d’appât.
D’abord j’en ai déjà attrapé une ce matin de baliste, elle marine présentement dans le jus de citron et ce sera mon repas de demain midi. Ensuite, j’avais envie de sortir ce soir…

Sortir ce soir. Bordel, que ces mots me semblent incongrus maintenant que je les ai écris. Il fut un temps pas si lointain, où pour rien au monde on m’aurait fait quitter mes pénates passé vingt heures.

Si la gamine continue à rentrer dans ma table avec sa trottinette je sens que je vais lui faire un croche-patte avec ma canne…

Où en étais-je ? Oui, je suis sorti ce soir. Pour aller nulle part en particulier, juste pour voir du monde. Et puis aussi pour me connecter à internet… Est-ce à dire que je m’emmerde ? Peut-être. En même temps je ne peux m’empêcher de penser à ce que disait l’ami Cazo et l’évolution qu’il a deviné quant à mon rapport avec le temps…
C’est vrai que j’ai changé. Je le sens au fond de mais tripes, mais sans pour autant arriver à trop savoir en quoi. Bizarre.

Il y a une de ces bombasse à l’autre bout de la terrasse…

Déjà, c’est clair que je vis maintenant à l’heure espagnole. Je ne déjeune pas avant trois heures de l’après midi, et je ne dîne que passé dix heures du soir. Ça m’aura pris trois mois pour arriver à reprogrammer mon cycle stomacal. La cafe con leche est devenu ma boisson favorite, et les churros trempés dans le chocolat chaud ma friandise préférée. Nous ne sommes que ce que nous mangeons dit-on, alors en ça on peut dire que j’ai changé. Parce qu’avant je détestais le café au lait, et je ne savais même pas ce que c’était qu’un churros…

Pourtant il y a encore quelques parties de moi-même qui résistent au changement. Oh, je pense qu’à la longue elles finiront par céder, mais pour l’heure il m’arrive encore de m’impatienter. Une relique de mon ancienne vie où tout devait nécessairement se passer vite. Faire le maximum de chose dans le temps qui vous est imparti par la société, voilà quelle était la règle du jeu. Maintenant la règle je m’en tape. Enfin, elle n’a plus la même importance dirons-nous.

La gamine a cessé de m’emmerder avec sa trottinette, et la bombasse a filée avec un hidalgo.

Les réverbères se sont allumés, et la place est toujours aussi pleine. Ok, j’avoue. Je me la joue un peu, assis à ma table à observer le monde qui m’entoure. Je ne dirais pas que c’est une attitude que je prends exprès, mais en tous cas je ne fais rien pour la contrarier. En fait, j’observe le spectacle de la rue et en même temps je suis moi-même un spectacle pour les autres. L’étranger avec son ordi, seul à sa table et qui regarde autour de lui…
D’ailleurs ne sommes-nous pas tous finalement, à la fois spectateurs et acteurs dans un gigantesque spectacle ?

Il y a comme une vague odeur de chit qui vient de me chatouiller les narines… Et les cloches de l’église sonnent la demie de dix heures.

J’ai envie de boire une bière… Non, je ne le ferais pas, mais j’en ai tout de même envie. La soirée et le lieu s’y prête, c’est tout. Une belle soirée pour traîner sur une terrasse à siroter une cerveza bien fraiche.
Tant pis, un jus d’orange fera l’affaire. Surtout ne pas oublier les glaçons.

Tien, puisqu’on parle des choses sérieuses, ma cheville aussi semble se familiariser avec ma nouvelle vie. Je suis capable maintenant de marcher pendant des heures de mon petit train de sénateur, sans être obligé de m’assoir à intervalle régulier. Oh, bien sûr il y a encore certains matins où elle m’emmerde un peu, mais dans l’ensemble on peut dire qu’elle me laisse tranquille.
Les toubibs avaient donc raison : l’algo-neurodystrophie c’est d’abord dans la tête. Faut croire que la tête va mieux alors…

Qu’est-ce que je suis en train de faire là, exactement, assis à ma table ? J’écris ok, mais j’écris quoi ?
Il y en a qui disent que j’ai « une belle plume »… C’est flatteur, mais en fait je ne sais même pas ce que ça veut dire. C’est pas si évident de traduire ce que l’on a dans la tête avec des mots. C’est comme parler une langue étrangère, ça demande du boulot. Et parfois ça fait mal à la tête.
Je suis en train de relire un de mes auteurs préféré, John Irving. Et dans Le monde selon Garp, il est question des affres de la création littéraire, et je me demande si un jour j’arriverais à devenir un écrivain. Peut-être que oui, sans doute que non.

Allez, je vois que le curseur de ma batterie flirte avec le fond des accus, je vais donc me rentrer. Je vous laisse en dépôt ce texte décousu, et ma foi, vous en ferez ce que vous voulez.

Décidément, il fait bon ce soir.

5 commentaires:

cazo a dit…

Ce soir, à la TV, y avait thalassa présentée depuis Villefranche sur Mer et sur Arte un téléfilm "dans l'abîme de Gibraltar", étonnant non ??

Je t'imagine bien... placide au milieu de ce joyeux bordel familial... le regard flottant sur cette marée humaine, l'esprit se laissant emporter par un sourire enjoleur, un regard, une courbe, une trottinette...

Y a pas à dire... ça fait du bien de prendre le large !!

;-)

Monique a dit…

Mon Gwen s'encaille ?
A peine, mais sortir de ses pénates, fussent-elles marines, après 21H et sans but précis...

Juste pour sentir le courant de la vie des gens...assis au bord de la rive...

Je sens qu'il ne va pas falloir perdre le contact trop longtemps si l'on veut encore te reconnaître !

Mais le Gwen nouveau est délicieux aussi ...

Gwendal Denis a dit…

@Cazo : Pour l’instant le détachemnt me va bien… Mais j’avoue qu’un peu d’attachement m’irait encore mieux.

@Monique : S’encanailler, il faut le dire vite !
Au final, comme j’avais pris deux café con leche j’ai eu du mal à dormir… Si, entre deux et six heures, un petit peu. J’ai hâte d’être à la sieste pour rattraper mon sommeil !

lucifer ! a dit…

alors, maintenant tu poses la question du temps ! et d'autres encore ...
La philosophie t'envahit ?
effets colatéraux de la navigation et du franchissement de Gibraltar?
Le temps est un peu comme un magasin où l'on peut choisir une part de sa vie .( ? )
comment était ton plat de poisson ?
farniente, farniente, courage !

Gwendal Denis a dit…

@Lucifer : J'ai toujours en moi ces questions de temps... C'est vraiment un sujet qui m'intrigue quand parfois il ne me pose pas problème. Comme la perpétualité par exemple...
Le poisson était bon !