34°26.602S 58°31.795W
Buenos Aires,
Argentine
Tyran quiquivi |
Il
n'est pas encore six heures, et dehors il fait encore nuit. Bientôt,
le chant des Tyrans quiquivi (Pitangus sulphuratus)
commencera à résonner dans les frondaisons qui surplombent les eaux
calmes de la marina de Barlovento. Je profite de ce calme relatif, le
chant du Tyran est criard au possible, pour commencer cet article qui
s'annonce riche en événements, et sans doute un peu long. Tant pis
pour vous. Ou tant mieux, c'est selon votre propension à aimer vous
perdre dans mes élucubrations.
Alors préparez-vous un sandwich et des
boissons énergisantes, et carrez-vous confortablement dans votre
fauteuil, car il y en a pour un bout de temps. Ça-y-est, c'est
fait ? Alors on y va.
Pour commencer, je voulais rectifier le
tir concernant une impression erronée qu'aura laissé mon dernier
article. Cela concerne mon épisode amoureux avec ma belle
américaine... Comment vous dire ça ? J'ai su que le fait de
vous dire que j'avais le cœur brisé pouvait laisser à croire que
c'était Zoë qui m'avait quitté. C'est faux. Même si nous nous
sommes séparés en bons termes, le salaud dans l'histoire c'est moi.
Voilà, je voulais que cela soit
préciser car je regrette déjà assez amèrement mes paroles et mes
actes, je ne voulais pas, en plus, passer pour une victime alors
qu'il n'en n'est rien. Question de respect envers Zoë, et peut-être
aussi envers moi-même.
Et puis si finalement c'est moi qui
souffre le plus de cette séparation, ce n'est peut-être que
justice. Enfin, j'en sais rien... Je vous avoue que je ne sais plus
trop ce qui est juste ou pas en ce moment.
En route pour l'Uruguay |
Bon, passons maintenant à des choses
plus gaies. Si vous êtes des lecteurs attentifs (ce dont je ne doute
pas), vous vous êtes certainement rendu compte que nous sommes le 12
juin, et que cela fait exactement trois mois que j'ai débarqué en
Argentine. Et trois mois étant la durée d'un visa touristique de
base, il m'a donc fallu le renouveler. Et croyez-moi si je vous dis
que cela n'a pas été une mince affaire.
Il vous en souvient certainement
(sinon, reportez-vous à mon premier article argentin), la douane
argentine est particulièrement suspicieuse en ce qui concerne les
bateaux étrangers en visite. Disons-le carrément, pour eux vous
êtes des importateurs en puissance. Lorsque nous sommes arrivés, il
m'avait été clairement spécifié qu'il n'était en aucun cas
question de quitter le territoire sans mon bateau. Sauf que, arrivé
à l'échéance de mon visa, et à cause de ma paresse, la Boiteuse
était complètement incapable de prendre la mer. D'où mon
problème...
J'ai donc cherché un conseil autour de
moi, et c'est auprès d'un vieux couple d'Allemands que la solution
m'est apparue. Ils étaient là depuis un an et demi, et pratiquaient
de la sorte : Ils prenaient le ferry pour l'Uruguay, puis
revenaient dans la même journée avec un nouveau visa de trois mois.
Ensuite, il suffisait de régulariser la situation auprès des
douanes afin qu'ils « ajustent » la durée de séjour du
bateau au nouveau visa.
Nouveau visa |
C'est donc ce que j'ai fait. Jeudi
dernier j'ai pris le ferry pour Colonia, et j'en ai profité pour
rendre visite à mes copains Caroline et Hughes sur Loïck. De retour
en Argentine, avec mon nouveau visa, je me suis présenté à la
douane pour régulariser ma situation... Et là, on m'a clairement
fait comprendre que ce n'était absolument pas la chose à
faire ! En effet, je m'étais rendu coupable d'un crime
impardonnable, j'avais quitté le pays en laissant mon bateau !
Bon, finalement les choses ce sont
arrangées, grâce à ma mine spéciale Calimero. Je suis devenu
assez doué à ce jeu là, je dois bien le reconnaître. En plus le
douanier était une douanière, l'effet Calimero s'en est trouvé
décuplé.
Me revoilà donc parti pour trois mois,
et je vais donc pouvoir entreprendre tranquillement les travaux que
La Boiteuse requière. Bon, dans l'absolu il faut quand même que je
mette les voiles avant la fin juillet si je veux profiter des
dépressions de Sud pour pouvoir remonter le long des côtes
sud-américaine. Mais je pense qu'un mois sera largement suffisant,
d'autant plus que depuis lundi deux techniciens s'affairent sur le
pont.
Loïck arrive ! |
Le deuxième événement digne d'être
cité ici, est que Loïck est enfin arrivé à Barlovento ! Oui,
je dis enfin, car mine de rien je les attends depuis presque deux
mois. J'ai même cru pendant un moment que nous n'arriverions pas à
nous revoir avant que je ne reprenne la route du Nord, et eux celle
du Sud. Et ça, franchement ça m'aurait fait chier. Mais bon, ils
sont là maintenant et je vais pouvoir profiter éhontément de leur
compagnie. Avec Laurent, arrivé la semaine dernière avec Basic
Instinct, nous sommes maintenant trois bateaux français et
représentons la majorité des visiteurs étrangers. Pourquoi faut-il
que ce soit après m'être fait chier pendant des semaines, et
presque au moment de repartir, que mon environnement social devient
plus intéressant ? Cela m'arrive quasiment à chaque escale un
peu longue...
Pas mal de boulot... |
Enfin, j'y faisais allusion plus haut,
les travaux sur le mât ont enfin commencé. Le feux de mouillage est
dors et déjà remplacé, le support de la drisse de spi aussi, les
winchs oxydés sont en bonne voie d'être reconditionnés, et les
ridoirs des galhaubans sont flambant neuf. Aujourd'hui, la jointure
de la barre de flèche tribord devrait être ressoudée, et le
circuit électrique du mât réparé. J'entends le bruit de la
perceuse et celui des coups de marteaux au dessus de ma tête pendant
que je tape ces mots, et bon dieu que c'est plaisant !
Bon d'accord, je reconnais qu'il y a
une certaine satisfaction à réaliser ou à réparer quelque chose
de ses mains. Mais quitte à vous choquer, j'ai quand même plus de
satisfaction à payer quelqu'un et à le regarder travailler, que de
faire les choses par moi-même.
Logiquement (et si je consulte ma liste
des choses à faire), après cette journée je n'aurais plus qu'à
prendre rendez-vous pour sortir le bateau et à m'attaquer à
l'antifooling... Quelques aller-retours au magasin d'accastillage
pour racheter une ancre et quelques amarres, changer le sondeur si je
n'arrive pas à le réparer, et La Boiteuse sera fin prête à
reprendre la mer.
Ridoir en bronze |
Je vous avoue que même si ça va me
faire mal de quitter mes amis, je ne suis cependant pas mécontent de
repartir... Peut-être est-ce dû au fait que l'Argentine aura été
le théâtre d'un fiasco sentimental, ou bien parce que ce pays ne
m'attire finalement pas plus que ça, mais j'ai hâte de reprendre la
mer et de repartir vers de nouveaux horizons. Au moins, ce qu'il y a
de bien avec les horizons, c'est qu'ils recèlent une part d'inconnu
qui laisse de la place aux rêves et à l'espoir. Et c'est toujours
mieux que de se morfondre dans un décors qui vous rappelle sans
cesse vos déceptions... Bon, j'arrête là pour aujourd'hui parce
que si je sens que je deviens aigri. Et de l'aigreur à la méchanceté
il n'y a qu'un pas que je me sais capable de franchir allègrement.
Et ce serait parfaitement injuste, n'est-ce pas ?
Finalement, cet article n'aura pas été
si long. Y'en a qui vont être content. Je vous mets quand même
quelques photos, ça fera plus long.
Ça marche ? |
Plus de souci pour monter au mât, il suffit de glisser le bateau sous l'échelle ! |
Nouvelle poulie de spi, et lumière qui fonctionne ! |
La Boiteuse vue par une mouette |
12 commentaires:
Cela doit faire du bien et plaisir de voir que La Boiteuse est en cours de rénovation. Et l'antifooling devrait lui faire du bien aussi ;-)
Bonne continuation et bienvenu à Loïck et son équipage.
Au plaisir,
Lucas.
Un bon point Gwendal : il n'est pas TROOOOOP LONG ton article !
Et évacue un peu cette colère que l'on sent. Cette colère contre toi.
Profite de Loïck, de Basic Instinct et zen... Sans trop de jus de cerveau... Mais ça, je sais que c'est peine perdue :)
@Lucas : J'espère seulement que tous ces travaux et améliorations la feront remonter plus vite qu'elle n'est descendue le long des côtes sud américaines !
@Sonia : Comme tu dis, c'est peine perdue pour le jus de cerveau... Quant à la colère, elle passera. Enfin j'espère.
C'est clair, il n'est pas trop long !
En tout cas, ça fait flipper ton échelle sur le mat...
Si ta poulie était grippée, je pense que c'était dû à son manque d'utilisation...
@Laurent : Non, en fait c'est la fixation de la poulie qui a cassé au milieu de l’Atlantique. J'ai préféré tout changer.
Merci pour ces news, impressionnant la réparation du mât ! Avant les nouveaux horizons, la bonne compagnie va déjà te changer les idées et c'est une bonne chose ! La prochaine navigation t'occupera trop l'esprit ensuite pour ressasser ! Aller on sourit et on repart !!
Elle finit par ne plus ressembler du tout à la Boiteuse,cette Boiteuse !
Mais de plus en plus rutilante !!!
Pour tes humeurs...en MP comme d'ab !!
Bises
@Astrid : Généralement la navigation est plutôt propice à l'introspection en ce qui me concerne. Mais ce peut être une bonne chose aussi.
@Monique : Même les boiteux et boiteuses ont le droit d'être jolis non ? La preuve, moi !
Héhéhé... renouvellement.... que de souvenirs :) Il y a heureusement plusieurs trucs de vieux routiers, suffit de faire le tour de ceux dont la quille s'est enracinée ! Reste que, c'est pas toujours facile ! Chapeau pour les travaux ! Salutations JC (Shaka)
@Jean-Charles : Le départ est proche ! Et vous c'est quand que vous reprenez la longue route ?
Sympa le petit tyran... mais non je ne parle pas de toi ! ;-))
@La Lésion : Moi j'ai le droit d'être tyrannique, puisque je suis le Capitaine ! C'est même mon devoir ajouterais-je...
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