mardi 7 juin 2011

De Almerimar à Benalmádena

36°35.746N 04°30.803W
Benalmádena

Le 05 juin 2011, d’Almerimar à Marina del Este.

Almerimar, est l’exemple type de la cité de villégiature si vous voyez ce que je veux dire… Un ensemble d’immeubles assez neufs agglutinés autour d’une marina faite pour y passer du temps. Les architectes ont respecté une certaine homogénéité dans leurs travaux et l’ensemble est assez harmonieux. D’ailleurs les retraités européens ne se sont pas trompés en investissant massivement dans les lieux, et parmi eux des Français bien sûr.

Plus l’on descend vers le sud de l’Espagne plus ceux-ci se font rares, remplacés plutôt par des Allemands et des Anglais, mais j’en ai croisé quelques-uns et ils ne manquent pas de venir me parler lorsqu’ils aperçoivent le pavillon tricolore à l’arrière de la Boiteuse.
L’un d’eux promenait son chien hier au soir et s’est arrêté pour papoter. Son exemple est assez édifiant. Il réside à Almerimar depuis plusieurs années et loue un T2 de 70 m² pour 450 €. Cela dit les premiers prix pour un deux pièces tournent autour de 350 € et comprennent pour la plupart une terrasse, une piscine collective et des places de garage. Ces prix sont nets car les locataires ne payent pas d’impôts locaux en Espagne. Pour le reste, le coût de la vie en général, la nourriture, l’électricité, l’eau, etc… c’est sans comparaison aucune avec la France, et c’est bien pour ça qu’ils viennent ici.

On pourrait se poser la question de savoir ce que vaut un système de retraite qui ne permet pas à ses anciens de vivre dans leur propre pays… Et conduit les plus démunis d’entre eux à s’expatrier. A une époque où grâce aux bons soins de nos dirigeants l’immigration est au centre de tous les débats, il est bon de constater que cette immigration s’effectue dans les deux sens. Les jeunes viennent chez nous dans l’espoir d’une vie meilleur, et les vieux s’en vont avec le même espoir. On marche sur la tête.

Ce retraité dont je vous parlais est repassé tôt ce matin pour m’apporter une pastèque, des tomates et des concombres… Chouette !
Je l’ai remercié et me suis attelé à la préparation de ma nave du jour. Ca s’annonçait pas mal avec du F5 du Est-Nord-est tout du long et une mer peu agitée. Le même temps que vendredi en fait. L’étape du jour promettait d’être rapide.

Juste avant de partir j’ai jeté un œil sur le compteur de visite de mon blog, et j’ai été surpris de constater que beaucoup, que dis-je une palanquée, de visiteurs m’étaient envoyés par le blog de Guy Birenbaum. Wahou… Guy Birenbaum ! Si vous ne bloguez pas vous ne vous rendez pas forcément compte, mais sachez que c’est une pointure dans le milieu. Qu’il soit ici et maintenant remercié solennellement pour son bon goût !

Contre jour
Dehors il fait beau. Le F5 annoncé semble être encore en train de dormir, et la Boiteuse file tranquillement ses 3,8 nœuds sur une mer assez belle. Cap au 270°, plein Ouest. Go West ! Comme disaient les pionniers de mes jeunes lectures.
L’Ouest c’est important pour moi… Ça veut dire que je vais dans le bon sens pour faire mon tour du monde. Ça veut dire que je vais dans le bon sens tout court.
Par contre vous ne vous en rendez pas forcément compte mais ça complique un peu les atterrissages… Car vous avez systématiquement le soleil dans les yeux lorsque vous arrivez le soir dans un port. Et pour ce repérer, c‘est pas le top…

Le détroit de Gibraltar approche, et l’heure de choisir qu’elle sera ma route également. Le Portugal ? Le Maroc ? Ou bien directement vers les Canaries ? Je ne sais pas encore.
Je grappille de-ci delà des infos sur les ports et les conditions météo pour affiner ma décision, mais un impératif se fait de plus en plus présent dans mon esprit : Il faut que je quitte la zone Euro au plus vite, sinon la caisse de bord risque de se tarir assez vite. Très vite même. Et le voyage de la Boiteuse se transformera alors en eau de boudin…

Cabo de Sacratif
A la sortie d’Almerimar j’aperçois les sommets enneigés de la Sierra Nevada. Je souri car c’est sans doute la dernière fois que j’en vois avant longtemps. En tous cas je l’espère du fond du cœur.
Depuis un moment je crois apercevoir également, au 240°, les côtes Africaines… Une espèce de ligne sombre juste au dessus de l’horizon… Avec quelques nuages touts petits qui semblent s’accrocher… Je ne suis pas sûr. Parfois en mer, vous voulez tellement voir une chose qu’au bout d’un moment vous finissez par imaginer que vous la voyez vraiment. Le soleil une fois à son zénith me confirmera que je me trompais.

Plus tard et malgré un paysage plutôt agréable, la navigation devient un peu chiante. La météo s’est plantée du tout au tout, au lieu du F5 annoncé je me retrouve avec un F2 faiblard sur une mer formée… Autant dire que la Boiteuse se dandine pas mal tout en se trainant à 3,5 nœuds de moyenne.
J’essaye de m’occuper comme je peux. J’ai même passé vingt minutes à frotter le cockpit avec une gratounette… C’est vous dire que je me faisais chier !

On arrive...
15H50, Y’en a marre. Ça fait une demi-heure que je fais du sur-place. J’allume le moteur.
Un peu plus tard, un petit gargouillis dans mon estomac me signale qu’un petit encas s’impose. Il faudra que l’un de vous m’explique comme on fait pour manger une mangue bien mûre et bien juteuse sans s’en mettre partout… C’est délicieux, mais bordel que c’est salissant !
Au final, j’ai été bon pour balancer un seau d’eau de mer dans le fond du cockpit pour rincer tout le jus qui était tombé. Et alors que je remplissais mon seau, j’ai encore vu un poisson volant…

Au passage du Cabo de Sacratif, l’effet Venturi me donne un poil de vent. J’en profite pendant une heure mais dois remettre le moteur pour terminer ma route du jour. Là, il ne s’agit plus d’avancer à une vitesse convenable, mais bel et bien d’arriver avant la nuit.

Dauphins !
Alors que la Boiteuse était en vue du port de Marina del Este, son escale du soir, le soleil s’apprêtait à se coucher tout doucement derrière les montagnes. Soudain j’aperçois du coin de l’œil ce qui me semble être un aileron… Je pense avoir rêvé, mais je garde cependant les yeux braqués dans la direction de l’apparition fugitive… Trente secondes plus tard je les vois. Ils sont deux, plutôt petits et sombres, et viennent par le travers bâbord… Des dauphins. Je me précipite avec mon appareil photo en essayant de deviner où et quand ils vont réapparaitre pour respirer. Là, à trente mètre sur tribord ! Ils sont passés sous la coque comme si la Boiteuse n’existait pas et continuent leur petit bonhomme de chemin. Difficile de prendre une photo car ils n’émergent qu’une seconde pour disparaitre pendant un bon moment dans les flots… C’est comme jouer à un jeu. Je parie que tu vas apparaitre… Là ! Clic ! J’arrive de justesse à shooter un aileron avant que celui-ci ne disparaisse pour de bon.
Pendant un moment j’essaye de les suivre des yeux, mais je dois bien vite reporter mon attention sur la proue car droit devant quelques cailloux émergent.

Mes premiers dauphins depuis mon départ de Nice… Décidément depuis quelques jours je suis plutôt gâté par toutes ces rencontres.

Petit paradis...
C’est à 21H15 que je me posais enfin dans le port de Marina del Este. Probablement le plus joli port d’Espagne jusqu’à présent. Tout petit, minuscule même, niché entre les rochers avec de jolis appartements qui donnent directement sur les quais. Des palmiers, des bougainvilliers, rien ne manque pour donner à l’ensemble un air de petit paradis…

Bien évidemment le prix est à la hauteur de la beauté des lieux, et encore une fois je me dis qu’il est grand temps que je me casse de ce continent.

Le lundi 06 juin 2011, de Marina del Este à Benalmádena.

Je me suis réveillé de bonne heure ce matin encore, mais j’ai dû attendre neuf heures que la Capitainerie ouvre ses portes pour partir. En attendant j’ai parcourus à pied les quai de Marina del Este et j’ai eu la surprise de constater que les jolies façades que j’admirais de loin hier au soir n’étaient en fait pour la plupart que du trompe l’œil… Tout est beau, fraîchement peint de blanc avec de jolis liserés bleus, mais si l’on regarde avec attention les fenêtres des étages supérieurs ont remarque que les appartements ne sont pas terminés !
Ce ne sont que des bouches béantes, laissant apparaitre les parpaings des murs intérieurs. Ici encore la crise a frappé, mais la société propriétaire des lieux a tout fait pour que ses effets en soient cachés, maquillés… Du coup, la marina si belle la veille au soir revêt pour moi au soleil du matin un aspect beaucoup plus pathétique. Belle à l’extérieur, pourrie à l’intérieur.

En y regardant de plus près...
09H00, je paye mon obole à ce fruit pourrissant et je me casse. Et ce n’est pas la bouteille de vin qui me sera gracieusement offerte qui me fera changer d’avis sur ces lieux.

Dehors une petite houle résiduelle du Sud-est soulève la mer mais pas un pet de vent n’agite la Grand-voile. Aujourd’hui, c’est la bascule. Le régime d’Est va passer à l’Ouest et pendant la période intermédiaire ça va donc être un peu chaotique. Je sens que je suis parti pour bouffer du moteur toute la journée.
Sans parler du courant qui se fait sentir de plus en plus… Il va sans doute falloir que je m’y habitue et que j’apprenne à faire avec. Dans un même registre, je crois que ça ne me ferait pas de mal de revoir un peu mes calculs de marées. Ici elle n’est que de 50 cm, mais bientôt ce sera une donnée de plus à prendre en compte pour tous mes départs et toutes mes arrivées.

10H00, c’est l’heure de mon encas matinal. D’habitude je mange une ou deux bananes (des Canaries bien sûr) mais cette fois-ci ce seront des pêches. C’est une variété aplatie que je ne connaissais pas qu’ils appellent ici Paragayo. Elles sont délicieuses ! Moi, grand mangeur de viande devant l’Eternel, deviendrais-je frugivore avec le temps ? Allez savoir…

Pour passer le temps, j’essaye d’écouter la radio. Je dis bien j’essaye, parce que cela devient de plus en plus difficile de capter une radio française. Lorsque je suis arrivé en Espagne, presque deux mois déjà, je jouais à fond la carte de l’immersion culturelle en n’écoutant que des radios locales. A la fois par goût, mais aussi pour retrouver mon espagnol le plus vite possible.
Puis, avec le temps, et peut-être parce que la langue de Cervantès m’est revenue assez vite, je me suis mis à écouter France Inter sur 162 kHz. Pas en permanence, car les piles coutent cher, mais j’avais pris mes petites habitudes et peu à peu navigation s’est mise à rimer avec certaines émission.
Bref, tout ça pour dire que les radios françaises, France Inter, RMC ou RTL, c’est fini depuis Cartagena. Je ne reçois plus rien. La seul fréquence, que je reçois d’ailleurs avec de plus en plus de netteté (et pour cause), d’expression française c’est maintenant une radio marocaine… Encore un indice de plus de ma progression.

Avant garde
14H30, le temps se couvre. La dépression est là, ou du moins son avant-garde. Il tombe quelques gouttes de temps en temps, et la température a baissée. Midi, ça y est le vent passe à l’Ouest, pile dans mon nez. Il s’ensuit alors une mer hachée par ces deux forces phénoménales que sont la houle et le vent qui se heurtent de plein fouet. On dirait que des gros piquants surgissent de partout ! Sans parler du courant de marée qui en rajoute et complique encore plus les choses. Au loin, un dauphin joue dans les vagues. Je souris.

17H00, Benalmádena est à quelques encablures maintenant, mais ça souffle de plus en plus. Je m’engage dans le canal du port et passe un appel radio pour demander une place. On m’indique un ponton, mais celui-ci est situé pile à la perpendiculaire de l’axe du vent. J’essaye de m’y engager en marche arrière comme je fais toujours, mais le vent souffle tellement que mon bateau est difficilement contrôlable. Je dois m’y reprendre à quatre fois, pour enfin renoncer et me présenter la proue en premier. 

Benalmádena
J’aime pas ça, avoir l’avant sur le quai. D’abord parce qu’avec un bateau de onze mètres, et seul qui plus est, ce n’est pas facile d’estimer les distances et le risque de percuter à l’arrivée est grand. Ensuite pour descendre et monter du bateau, il faut faire des acrobaties que je n’apprécie guère.
Sitôt posé je demande qu’on me trouve une autre place, moins exposée, en précisant que je suis là pour au moins une semaine. Palabras à la radio, et on m’indique alors une super place, bien planquée au fond du port, cul à quai et proche des sanitaires et des commerces. Super ! Comme quoi il faut toujours insister.

Bon, je suis à Benalmádena jusqu’à la semaine prochaine, ce qui me permettra, notamment de faire réparer mon Génois déchiré. Et puis de faire ce qui doit être fait : C’est-à-dire en profiter.

7 commentaires:

Monique a dit…

Couette j'avais un peu peur que tu te prennes le gros grain qui arrives dans le sud de l'Espagne..

Et rester à Benalmadena te permettra aussi de recevoir le courrier que je t'ai fait suivre en recommandé ( faudra aller signer)...

Et avec Malaga et Grenade à visiter...une semaine, c'est pas du luxe !!!
Bises, mon frère.

Gwendal Denis a dit…

@Monique : Je suis arrivé juste à temps, et c’est vrai que c’est couette. Pour le courrier je les ai prévenu que j’attendais du courrier. Ils me préviendront quant il arrivera.

Anonyme a dit…

quel que soit la prochaine étape.... pleins de belles et bonnes choses à vous....
nous, je reste fidèle aux lectures....que d'aventures!!!!!!.........
à bientôt
Domi
ps tentez de me faire passer votre mail que je puisse vous faire parvenir une photo de notre belle BERTA ainsi que de "mon drapeaux"......

cazo a dit…

Et c'est ainsi que, après un séjour mérité et ô combien bénéfique, porté par les vents soufflant des hautes pressions de la zone euro vers une basse pression fiscale du dirham marocain (100 dirham millibar = 8,79 euros hectopascal), notre marin traversa le détroit de Gibraltar pour rejoindre les côtes de l'Afrique du Nord...

L'AFRIQUE !!...

Mais ceci est une autre histoire...

M'a fallu ramer pour rejoindre La Boîteuse à son escale... Mais quel plaisir de naviguer sur ton blog !!

;-) !

Trinita a dit…

Salut Gwendal !
"vous avez systématiquement le soleil dans les yeux lorsque vous arrivez le soir dans un port"
Bah t'as pas de marche arrière ? J'déconne.
Il y a un moment que ça me chatouille de te balancer au pote de John Paul, Eric Lange. Il aime les voyageurs comme toi. On t'entendrait à la radio (Le Mouv), et je pense qu'ils mettraient le lien vers ton blog sur le leur - après Guy Birenbaum. Qu'est-ce t'en dis ? Un peu de radio avec des terrestriens... Si tu la captes pas, elle, elle te capterait ... Allez, quoi !

Gwendal Denis a dit…

@Dominique : vous me manquiez savez-vous ? Merci.
Mon mail c’est gwendald@hotmail.fr

@Cazo : L’Afrique… c’est le continent que je pensais éviter pour de multiples raisons mais elle m’appelle en effet. Elle m’appelle pour des raisons économiques, ce qui peut paraitre trivial. Mais si je suis parti c’était pour pouvoir écouter toutes les voix, même celles-ci…

@Trinita : Salut Trinita ! Vas-y balance ! Je ne suis pas accroc à la notoriété, mais tout ce qui peut amener des nouveaux équipiers à embarquer sur la Boiteuse est bon à prendre.

Trinita a dit…

J'y vais de ce clic, Gwendal !