lundi 27 juin 2011

Impressions de Gibraltar

36°09.439N 05°21.338W
La Línea

The Rock
Je dois l’admettre, lorsque je suis arrivé samedi matin à la Línea, j’avais le moral dans les chaussettes. Marre de chez marre. Je ressassais sans cesse la longue liste des avaries qui m’étaient tombées dessus depuis mon départ, l’argent que cela m’avait couté, le temps perdu… L’optimisme, qui jusqu’alors m’accompagnait à toutes heures du jour et de la nuit, s’était transformé en une espèce de fatalité morose pleine de ressentiments envers ma Boiteuse, de colère aussi… J’en voulais à la terre entière.

Bien sûr, la terre n’y est pour rien. Tout comme la lune, la mer ou la Boiteuse n’y sont pour rien. Le seul à blâmer, c’est moi. Moi et mon incurie à vouloir que tout fonctionne parfaitement avec des bouts de ficelles. Comme si c’était aussi simple…
Le problème avec cette vie que je me suis choisi, celle qui se tisse justement avec des bouts de ficelle, c’est qu’elle ne peut fonctionner qu’en étant résolument optimiste. Le verre à moitié plein en permanence à l’esprit, il me faut croire en l’humanité, en la chance et surtout en moi. Mais bordel, ce n’est pas facile tous les jours.

Aujourd’hui ça va mieux. J’y vois de nouveau clair et je sais plus ou moins ce que je vais devoir faire pour résoudre mes petits problèmes d’électricité. J’ai une fuite d’énergie quelque part, et nom de dieu de merde, je vais la trouver ! Pour ce faire j’ai entrepris une série de tests pour identifier cette fuite, et avec un peu de patience et de logique, ce sera bien le diable si je ne mets pas la main dessus.
Et puis c’est toujours mieux qu’une fuite d’eau, hein ?

Wellcome !
Hier, dimanche, pour m’occuper l’esprit et ne pas trop penser, je me suis accordé une petite balade à Gibraltar. Enfin, une petite balade… J’y ai passé la journée tout de même.
Je me suis promené sur les quais de la marina à la recherche d’un shiplander, dont j’avais entendu parler dans mes lectures, susceptible de me fournir les documents nautiques dont j’ai besoin pour ma traversée. Bien sûr comme nous étions dimanche, il s’agissait plus d’un repérage qu’autre chose. Après l’avoir trouvé je me suis accordé une longue pause à la terrasse d’un café dans l’Ocean Village, afin de pouvoir expédier la vidéo de ma rencontre avec les dauphins. Cela m’a pris trois heures tout de même…

J’ai profité de ce moment pour observer les passants et m’imprégner de cette atmosphère si particulière qui règne à Gibraltar.

Ici, il n’y a pas doute à avoir, nous sommes bel et bien sur un petit bout d’Angleterre. L’Union Jack flotte glorieusement aux frontons des bâtiments et la population ne parle qu’anglais. Il parait qu’ici on pratique également le Llanito, un mélange d’anglais et d’espagnol, mais je n’ai pas eu pour l’instant l’occasion de l’entendre. On peut payer en Euros, mais on vous rend la monnaie en Livres Sterlings de Gibraltar, tout en s’octroyant au passage une plus-value généreuse par rapport au taux de change officiel. Une véritable arnaque si l’on y regarde de plus près.

le paradis des alcooliques...
Un conseil, si vous venez un jour par ici, retirez du fric à un distributeur et payez directement en Livres. Ça vous évitera d’enrichir encore plus les commerçants qui se font déjà bien assez de fric en profitant du statut particulier de Gibraltar. Car il faut bien le dire Gibraltar n’est ni plus ni moins qu’un paradis fiscal. Une saloperie de « paradis » où la plupart des gens, acheteurs et vendeurs, se foutent royalement de savoir d’où vient et où va l’argent.

Dans les halls d’immeubles fleurissent les boites aux lettres d’entreprises qui n’emploient personne, se contentant d’une adresse fictive pour arnaquer à la fois les gouvernements et les citoyens de leur pays. En fait, cette frontière (à cinq cents mètres de la Boiteuse) est une frontière à porosité variable. Le péquin moyen doit montrer passeport pour y entrer, mais les résidents vont faire du bizness en Espagne sans payer un seul euro d’impôt au pays qui les accueille. A l’inverse, toute la journée un flot interminable d’acheteurs compulsifs viennent profiter des produits détaxés et repartent sous le regard bienveillant de la douane espagnole, les coffres chargés d’alcool, de matériel hifi et de cigarettes.

Yes Sir !
Ce rendent-ils seulement compte du mal qu’ils font à leurs propres concitoyens ? Bien sûr que non. Ils ne voient que leur profit immédiat, refusant de voir les implications de leur attitude… Pourtant l’état des rues et des immeubles de la Línea devrait bien leur mettre la puce à l’oreille. Mais non.

On est au-delà du simple consumérisme. Une telle attitude relève à mon sens de l’égoïsme le plus bas. L’exemple même de l’anti citoyenneté. Beurk.

Vers 13H00, j’avais envie de rentrer me coucher… Mais sous l’inspiration de l’ami Cazo avec qui j’ai discuté sur Face de Bouc, j’ai décidé de m’offrir une petite visite au sommet du Rocher pour profiter du panorama et de la gente simiesque qui hante les lieux.
Je me suis renseigné auprès des multiples petites camionnettes qui proposent l’ascension, mais le prix exorbitant de la visite me rebute. 25 £ pour une heure et demie de balade !
Tant pis, j’y vais tout seul. D’ailleurs c’est pas compliqué, il n’y a qu’à suivre les fils du téléphérique que j’aperçois là-bas et de grimper dans une des cabines. Moyennant tout de même 9 £, ou 12,60 € (Avec 1 £ = 1,12765 €, vous avez là un des exemples d’arnaque dont je vous parlais plus haut)


Trafalgar cemetery
Au passage je me suis baladé dans le petit cimetière de Trafalgar où sont enterrés quelques illustres inconnus ayant succombés à la bataille du même nom. Quoique, si l’on regarde bien les inscriptions à demi effacées gravées sur les tombes, on remarque que la plupart des résidents sont plutôt morts de maladie épidémique que du fait des franco-espagnols.
Les Anglais se sont accrochés sur ce bout de territoire espagnol comme des moules sur un rocher. L'intérêt stratégique de l’endroit justifiait-il tous ces morts ? Sans doute que oui… Toujours est-il que ça fait 300 ans qu’ils y sont et qu’ils n’ont pas l’intention de partir.

Ah au fait, j’ai appris une chose rigolote. Sur les photos de mon arrivée on voit distinctement des nuages perpétuellement accrochés au sommet… Je croyais que c’était la hauteur qui retenait ainsi les nuées, mais non ! En fait il y a plein de sources d’eau douce qui ruissellent sur la face Est du rocher et ce sont les vents dominants qui vaporisent ces eaux ruisselantes pour les transformer en nuage… Quand le vent est à l’Ouest, il n’y a pas de nuages !

Point of vue
La vue du haut du rocher est véritablement magnifique. La baie d’Algeciras s’étale à nos pieds, d’un bleu incroyable. Malheureusement un légère brume de chaleur empêche le regard de porter jusqu’aux côtes africaines qui sont pourtant là, à moins de douze milles, tout au bout des sillages que font les ferrys.

Mais la vue imprenable n’est pas la seule chose qui vaut le détour lorsqu’on monte au sommet du Rocher. Ce qui est le plus étonnant c’est la population de Magots berbères qui vivent ici. Véritable attraction pour les touristes ces singes sont familiers au possible, tout aussi cabotins que des dauphins, et prennent la pose dès que ce pointe l’objectif d’un appareil photo.

Cabot !
Bien sûr, je sais bien que ce ne sont que des estomacs sur pattes, et que leur comportement est largement dénaturé par la présence humaine, mais il n’empêche qu’on se laisse facilement attendrir… Surtout lorsqu’au détour d’un sentier vous apercevez une petite main maigrichonne dépasser de la fourrure d’une mère, et qu’à force de patience vous arrivez à contempler la toilette d’un nouveau né. Moment vrai, privilégié. Loin des habituelles facéties pavloviennes échangées contre quelque nourriture dont les guides ne se privent pas pour épater le client.

J’ai passé deux heures au sommet du Rocher de Gibraltar. Le regard porté au loin ou bien rivé à l’œilleton de mon appareil, je m’en suis mis plein les yeux.

En fin de journée, j’étais naze. Je suis rentré tranquillement à mon bord, et peu avant de diner je suis allé arpenter le ponton pour faire un peu connaissance avec mes voisins. J’ai fait la connaissance d’un équipage de deux français qui habitent sur leur Amel et travaillent en Espagne… Les relations se nouent peu à peu et avec elles, peut-être, l’ébauche d’une solution pour les problèmes électriques de la Boiteuse. On verra bien !

D’autres photos :







Dernière minute : On parlera de nouveau de la Boiteuse et de son Capitaine dans le poste à galène ce Mardi 28 Juin vers 18H00. Et la fréquence c'est toujours le Mouv bien sûr !


12 commentaires:

cazo a dit…

Wouahhhh.... merci pour la balade... du début à la fin du récit on te suit pas à pas, et toujours tes clichés pour nous transporter par delà nos écrans !!

Et en final l'apothéose avec tes très belles photos des magots, macaque de barbarie ou macaque des forêts !!! Derniers symboles à la fois de la présence britannique (une histoire qui lie leur présence au maintien de celle des singes) et ce sont les derniers singes a avoir habité sous nos latitudes au pléistocène !!

J'aurais bien aimé être à tes côtés durant ces moments...

Merci monsieur pour le partage !!

Gwendal Denis a dit…

@Cazo : De rien m'sieur ! Ce fut un plaisir. Surtout que si tu ne m'avais pas poussé un peu je n'y serais sans doute pas allé...
J'ai pensé à toi pendant tout le temps passé là-haut et j'aurais moi aussi aimé t'avoir à mes côté pour que tu me racontes tout ce que tu sais sur eux.

cazo a dit…

Il est pas bien vieux, le bébé sur la 2eme des grandes photos, quelques jours au plus. faut dire que t'es tombé en pleine période de naissance, car les magots sont saisonniers, amour à l'automne, naissance fin printemps, début d'été.

Sur la photo qui suit, le petit a probablement autour de 2 ans... mais ce qui peut sembler être un merveilleuse scène familiale... est peut-être d'un tout autre ordre.

A vista de nas, il me semble que ce sont des mâles (mais suis pas sûr...). Auquel cas, il s'agit d'un comportement "classique" chez les magots, le "tampon social". Un mâle de rang inférieur s'approprie un jeune et s'en sert pour approcher un mâle de rang supérieur avec lequel il souhaite entretenir des relations positives mais qu'il craint par ailleurs. En portant un jeune, il diminue le risque de se faire agresser.

Enfin, j'aimerais bien savoir quel fut la réponse à ta tentative de contact !! Menace bouche ouverte, avec grognement, frapper du sol... ou tape sur la main... ou détour... ou quémande (éventuellement inspection de ta main pour voir si par hasard une friandise n'y est pas dissimulée) ?

Gwendal Denis a dit…

@Cazo : La réponse a été le détour. Il a tout de suite vu que je n'avais rien a offrir, et c'est vite barré sitôt la photo faite. De plus, au même moment on a entendu le moteur d'un des minibus à touristes qui montait le chemin et il s'est mis en position pour être au premières loges.
Des estomacs sur pattes je t'ai dis !
Le groupe dans l'escalier faisait la sieste... Pas trop loin de la route pour les raisons précités, mais la tête à l'ombre tout de même. Faut pas pousser !

Philippe a dit…

ben tu m'as tout l'air d'avoir acquis la trempe d'un navigateur au long court, t'as faite vite... bravo de tout coeur avec toi.

Monique a dit…

Jolie balade, en effet !

Et tu ne l'aurais pas faite si tu n'avais pas eu ces problèmes électriques ....!!!

RAS sur les singes : c'est Cazo qui sait tout !

Je t'embrasse. Voilà !

cazo a dit…

L'arrivée du déverseur de distributeurs de bouffe sur pattes est sans conteste l'information déterminante pour comprendre la réponse du magot !!

T'as compris la philosophie des macaques : si je peux obtenir de la bouffe en gaspillant moins d'énergie et que par ailleurs personne ne m'emmerde... c'est nickel !!

En plus, si c'est t'es pas dominant, vaut mieux être le premier au rendez-vous... ça laisse un peu plus de chances de pouvoir se goinfrer !!

Gwendal Denis a dit…

@Philippe : M’est avis que vous vous méprenez cher ami… Et non, je suis toujours en Espagne !

@Monique : C’est pas faut. A toute chose, malheur est bon !

@Cazo : N’oublie pas qu’il fut un temps où je me destinais à la même carrière que toi… Et ça reste ces choses là !

Philippe a dit…

non je ne me méprends pas, c'est ce que tu racontes qui me fait penser çà...j’essaierai d'être à l'écoute ce soir

Bourreau fais ton office a dit…

Oh, les jolies bestioles ! on a les même en France, avec individu dominant à la tête de l'état et tout ...

Monique a dit…

Encore sur la route pendant le Mouv' !!

Séance de rattrapage demain sur le net !!

Gwendal Denis a dit…

@Philippe : Ah ? Alors merci… Ca me touche.

@Bourreau : Arf ! Politique et éthologie, même cursus !

@Monique : Mouais… T’as rien raté tu sais…