samedi 22 octobre 2011

Au ralenti et en pointillé

30°25.322N 09°37.025W
Agadir

Mercredi, je me suis rendu dans le quartier industriel à la recherche de la peinture adéquate et de l’outillage nécessaire au lifting de la Boiteuse.
Sur les conseils de Samir, le Capitaine du port, j’ai sauté dans un taxi qui m’a conduit jusqu’à l’atelier de mécanique-carrosserie X. Une flopée de 4X4 dans la cour, dans des états divers de démontage, un boxer à l’attache près de la porte, une dizaine d’employés marocains qui s’affairent… Le tout étant managé par deux frères dans la plus pure tradition pied-noir.

Je savais qu’après l’indépendance de 1956, et contrairement à la mienne, nombre de familles françaises avaient fait le choix de rester au pays, leur pays, le Maroc. Alors je sais bien que le débat sur la colonisation n’est toujours pas réglé chez nous, loin s’en faut, et que lorsque je parle de cette frange de la population avec un pied en Europe et un autre sur le continent Africain, mes interlocuteurs étrangers me regardent avec des yeux comme des billes. Mais le fait est que ces deux frères m’ont paru, comment dire, quelque peu directifs. Et je suis gentil.
On aurait dit l’archétype du colon avec tout ce que cela implique d’attitude hautaine et de mépris envers les autochtones.
Moi bien sûr, j’ai été reçu avec sympathie, et j’ai obtenu assez rapidement ce que j’étais venu chercher. Mais il n’empêche que tout le temps que j’ai passé là-bas, je ne pouvais m’empêcher de me sentir mal à l’aise…

Je suis donc reparti avec ma peinture spéciale carrosserie, bi-composant et tout le toutim, qui d’après les dires d’Alain (le papa de Valentine) est finalement ce qui convient le mieux pour un bateau. En passant, voici encore un exemple de la grosse arnaque des shiplanders qui, sous prétexte que vous avez un bateau et que vous êtes sensément pété de thunes, vont vous vendre trois fois plus cher ce que vous pouvez trouver plus facilement ailleurs…

Petit détour à la quincaillerie pour acheter le petit outillage, et retour à la marina où je me suis vite rendu compte que j’avais oublié quelque chose d’important : Le scotch pour masquer ! Grrr… Oui je sais, j’aurais dû faire une liste.

Pas grave. Le lendemain, j’attrape Youssef au passage (Youssef c’est le type qui ici est capable de vous fournir tout ce que vous voulez), et je lui demande s’il ne peut pas me dépanner sans que je ne sois obligé de retourner en ville. « Pas di problème, je t’amène ça dans une heure ! »

Deux heures et demi plus tard, j’ai mes deux rouleaux de scotch, mais il est déjà presque midi donc je n’ai que le temps de masquer le liston bâbord.

Ch'est bon cha ! Ch'est d'la lotte !
Repas, petit sieston des familles et je décide de me mettre sérieusement au boulot. Touline ne supportant pas de me perdre de vue une seconde lorsque je suis à bord, je l’aide à grimper la descente (elle est encore trop petite pour le faire toute seule) et elle s’installe sur le dessus du capot, position stratégique, pour observer tout ce remue-ménage avec un œil vaguement intéressé.
Je commence à zyeuter avec attention la notice pour faire mon mélange de peinture, quand tout à coup j’ai comme un doute… Je n’ai pas vérifié ma boite mail depuis ce matin, et si…
J’allume mon PC et qu’est-ce que je vois dans ma boite ? Le compromis de vente de la maison !!! Yes !!!!

Ni une ni deux, je télécharge le fichier PDF sur ma clef USB et je fonce à la Capitainerie. Est-ce que ce serait possible de… Bien sûr ! Et je ressors quelques minutes plus tard avec deux exemplaires imprimés.
Sur le chemin du retour j’avise un petit ketch qui entre au port. Je l’observe de loin. Belle lignes, de celles que l’on ne fait plus. Genre le bateau idéal pour faire un tour du monde. Et qu’est-ce que je vois alors dans les haubans ? Le drapeau néozélandais ! Chouette, je vais avoir quelqu’un avec qui discuter rugby, je me dis.
Du coup, je papote avec les nouveaux arrivants. C’est qu’ils en ont fait du chemin depuis la Nouvelle-Zélande, et j’engrange des informations sur la meilleurs façon d’aborder l’Indonésie par exemple (Ils y sont resté deux ans).

18H00, bien trop tard pour attaquer la peinture. Tant pis, on fera ça demain.

Un Kiwi...
Le lendemain, vendredi donc, dès potron minet je prends un taxi, direction le consulat de France. Je ne suis pas encore venu dans cette partie de la ville et je regarde avec intérêt ce qui se passe autour de moi. Plus on s’éloigne du quartier touristique, plus la réalité marocaine se fait visible. La voirie se fait de plus en plus délabrée, les vêtements des passants changent et se font plus traditionnels, religieusement traditionnels je veux dire.
Mon taxi s’insère dans une circulation de plus en plus anarchique. Il faut quand même que je vous dise un truc, conduire au Maroc relève de l’exploit. C’est bien simple, je crois qu’ils ne savent pas ce que peut être le code de la route… C’est le premier qui passe qui a raison, et dès qu’on aborde un rond point, je serre les fesses et je m’accroche à la poignée de la porte comme si ma vie en dépendait.

Mais bon, j’arrive tout de même en entier à destination. Devant la porte du consulat une cinquantaine de personnes font le pied de grue. Des personnes plutôt âgées, dossier à la main, poireautent dans l’espoir d’avoir un visa… Moi, avec ma canne et ma chemise en lin blanc (oui je sais, c’est la classe), je fais un peu tâche dans le décor. A un moment je suis tenté de prendre une photo, mais tout le monde me regarde comme si j’étais une bête curieuse. Je renonce, je sors mon passeport et je me mets au bout de ce que je crois être une file d’attente.
Bien vite je me rends compte qu’il ne s’agit pas d’une file,  et que c’est un peu comme pour la circulation, c’est le premier qui passe qui remporte le pompon. Je m’avance, passeport estampillé République Française à la main. Tout le monde s’écarte… Et j’arrive au guichet blindé. Je jette un coup d’œil derrière moi, tous les yeux sont fixés sur moi… Je ne sais plus où me foutre.

... Deux Kiwis !
J’annonce pour quoi je suis là, et l’on me répond qu’ici c’est le guichet pour les visas et qu’il faut que je passe par l’autre côté. Grrr… Bien sûr, je suis con, ils ont tout prévu. Il y a une entrée pour les élus et une autre pour la plèbe.
Je longe alors le mur de ce bunker qu’est le consulat de France à Agadir pour me retrouver devant une porte qui ne donne absolument pas envie d’entrer… Une espèce de meurtrière en verre blindé en protège l’entrée et c’est à travers elle qu’un employé m’informe que le consulat est ouvert de 08h15 à 11h45 tous les jours de la semaine, sauf le vendredi. Et on est vendredi.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’accueille la nouvelle avec une certaine philosophie. C’est un peu comme s’il était dans l’ordre des choses que tout fonctionne ainsi… Au ralenti et en pointillé. Oui c’est ça, au ralenti et en pointillé.

Il fait bon, pas trop chaud, j’en profite pour faire quelques pas dans la ville en redescendant vers le bord de mer. Au passage je fais une halte dans un troquet pour me boire un café (7 dirhams au lieu de 15 à la marina… Et en plus il est meilleur). Bon allez, c’est pas tout ça, mais j’ai de la peinture à faire moi !

Dis papa ?Tu fais quoi là ? Ça pue ton truc !
De retour au port, j’avise un nouveau bateau qui vient d’arriver. Encore un Kiwi ! Mais bon sang, c’est la grande migration au quoi ?
J’entame la conversation et la première chose qu’ils me demandent, c’est à quel endroit il va leur être possible de regarder le match de dimanche ! Je leur réponds que j’ai repéré un pub anglais près du Club Med et qu’on aura qu’à y aller tous ensemble. Quelque chose me dit qu’on va être pas mal à débarquer dans ce pub dimanche matin… En plus avec le décalage horaire, c’est à huit heures du matin qu’il faudra être d’attaque pour supporter nos guerriers !

Bon, j’accélère un peu le mouvement du récit parce que là je me rends compte que je traine un peu en longueur. Remarquez, je suis plutôt content de voir que mon inspiration à l’air de revenir… Parce que ces derniers temps c’était pas trop ça… Hein ? Si-si…

Bref, je lâche les Kiwis et je me mets au boulot. Deux heures plus tard, après avoir bien bavé de la peinture rouge de partout, laissé moult poils de pinceau dans le bordel, je prends un peu de recul et je me dis que c’est pas trop mal. Pour une première fois. Ben oui, pour moi c’était la première fois que je peignais quelque-chose avec de la peinture bi-composant, durcisseur et tout le toutim ! Et franchement, pour peu que l’on garde une certaine distance avec le sujet, ça a de la gueule.

Allez, demain j’attaque le liston tribord ! Et avec un peu de bol, milieu de semaine prochaine j’ai fini !
Ben oui mes amis… Elle est comme ça ma vie, au ralenti et en pointillé. Et franchement, j’aime bien.

Mouais... Pas mal...

7 commentaires:

Bourreau fais ton office a dit…

Adieu le vert, vive le rouge ! rouge, vert ... ça ne semble pas être d'une grande différence dans le code de la route marocain. A part ça ... Indonésie, Nouvelle-Zélande : destinations de rêve !

Gwendal Denis a dit…

@Bourreau : Le pays des kiwis ne fait pas parie, hélas, de mon programme… Pour y aborder il faudrait que je balance Touline par-dessus bord avant, et ça j’ai pas envie !

...toussaint a dit…

bonsoir,
il va falloir que je rattrape mon retard de lecture, j'en étais resté l'arrivée au Maroc et à la reflexion sur une prise de decision importante, cela a du bien cogiter depuis...
Je vais me bloquer un moment un de ces soirs avant mon futur voyage à Cuba...
A bientôt
Toussaint

Monique a dit…

Notre Boiteuse prend des couleurs vives et ça me plait bien.
J'aime ce rouge...Le rouge désignait le point cardinal sud dans l'Antiquité, mais aussi en occident la passion, l'érotisme, l'appétit, la vie...le sang, le feu , le diable...la colère... la révolution, la vigueur, l'optimisme...c'est la couleur de l'eau chaude, des sens interdits, des tapis qu'on déroule devant les tyrans, des cartons sur les stades, des lèvres peintes des femmes...et puis c'est la couleur du bâbord, non ? donc c'est une couleur de gauche ?
Demain, je te parlerai du blanc !

Gwendal Denis a dit…

@Toussaint : En effet, tu vas avoir du pain sur la planche ! Tu pars à Cuba ? Veinard… J’ y passerais sûrement lorsque j’aurais fini la boucle. En attendant je me ferais un plaisir d’en lire tes impressions sur ton blog !

@Monique : Du rouge Ducati s’il vous plaît ! Quand je pense que j’ai eu une ex qui détestait le rouge et ne supportait pas que j’en porte… Elle n’avait retenu qu’une chose dans la symbolique : La colère. Alors que sa signification est bien plus étendue comme tu nous le rappelles aussi bien.

Thrse a dit…

Bon, il n'a pas voulu prendre mon com une fois de plus! Ca m'énerve!

Je suis bien contente pour toi pour tes papiers!

Ce rouge te vas à ravir, tu vas pouvoir emballer avec ça! Attention les filles, un nouveau Gwen plein de fougue arrive!

Bisous à toi et plein de petites caresses à titoune!

Gwendal Denis a dit…

@Thérèse : C'est ma Boiteuse qui va être plein de fougue... Moi je végète en attendant.