dimanche 12 février 2012

Gran Tarajal - Morro Jable - Las Palmas

28°07.565N 15°25.565W
Las Palmas

Bye bye Gran Tarajal !
La semaine que j’ai passé à Gran Tarajal fut assez laborieuse. Enfin, laborieuse selon ma conception du labeur qui, comme vous le savez maintenant, s’éloigne de plus en plus de la votre (nananère !). En fait, j’ai surtout attendu que les autres finissent leur travail… Et en l’occurrence il s’agissait de l’ami Paxin qui devait s’occuper de mon Génois et de mon taud. Je dois dire qu’il m’a fait un sacré boulot pour une somme qui s’avéra raisonnable. Mon Génois léger, déchiré en face d’Essaouira rappelez-vous, est maintenant pourvu d’un nouveau lé et mon taud est réparé, consolidé et pourvu d’un nouveau système de fixation.
Bref, jeudi matin j’étais prêt à poursuivre ma route en direction de Las Palmas.

Mon souci était de concilier météo plutôt venteuse (20-25 nœuds annoncés dans le canal entre les deux iles) et une distance assez importante. Au début, je m’étais dis que je pouvais faire ça en une nuit… Partir vers la fin d’après midi pour arriver le lendemain dans la journée. Ou encore, deuxième possibilité, partir très tôt le matin pour espérer bâcher les 80 milles et des poussières en une journée pour peu qu’Eole soit avec moi. J’optais pour cette solution là, mais lorsque je me suis réveillé ce vendredi à 03H00 du matin, le vent soufflait tellement que je me suis recouché aussi sec !
Finalement je décidais de couper la poire en deux et de jouer la prudence : J’allais faire le trajet en deux fois avec une escale à Morro Jable.

Le vendredi 10 février 2012

Tache blanche
N’ayant qu’une vingtaine de milles à parcourir, je m’attardais un peu ce vendredi matin en faisant la tournée des pontons de Gran Tarajal pour saluer tout le monde. Une bise par ci, une poignée de main virile par là, on se souhaite bon vent et bonne mer ou plus simplement d’avoir une vie longue et heureuse. Et puis ce ne sont jamais des adieux qui s’échangent dans ces cas-là, mais plutôt des au-revoirs. L’océan est immense c’est vrai, mais c’est notre communauté qui est petite, alors on se reverra forcément… Ou pas.

10H40 je déhale tout doucement du ponton, et nous voilà partis. Dix minutes plus tard je coupe le moteur et c’est sous foc seul que la Boiteuse file ses quatre nœuds.

Ah lala… Je retrouve enfin le plaisir de naviguer seul ! Enfin, quand je dis seul, c’est avec Touline bien sûr. Celle-ci pour l’heure, après une ballade en laisse dans le cockpit histoire de se rendre compte qu’on était bien en mouvement, est retournée à l’intérieur pour faire ce qu’elle fait de mieux dans ces cas-là, dormir.

Je longe la côté à un ou deux milles. Le vent est instable et forcit de temps en temps au gré du relief. La côté défile sous mes yeux, parsemée de quelques petits bourgs qui font de jolies taches blanches, coincés entre le littoral et les montagnes arides.

Wahou...
Je suis bien… Je suis heureux de me retrouver seul et de reprendre mon cahier à spirale et mon stylo pour noter ce que je ressens. C’est marrant, mais lors de mes précédentes naves, le fait d’être accompagné m’avait complètement empêché de jeter quelques mots sur le papier. Là, je n’ai pas à entretenir une conversation, j’ai juste à laisser mes pensées aller où elles veulent et noter de temps en temps ce qui me semble important.
En plus du plaisir retrouvé de la solitude (Et oui, même si ça me fait un peu chier de l’admettre moi qui suis affamé de relations humaines, j’aime être seul. Vous avez dis paradoxe ?), j’ai également celui de naviguer de nouveau en terres inconnues… Je veux dire par là que c’est la première fois depuis le mois de juillet que je peux enfin reprendre une route que je n’ai pas déjà parcourue, voir des paysages nouveaux, et voir mon GPS m’indiquer des valeurs nouvelles…

13H30, Le temps passe vite. On se traine un peu (3,8 nœuds) mais je m’en tape. On se fait aussi un peu brassé, car la Boiteuse n’aime pas que le vent et la houle la pousse au cul, mais là aussi je m’en fous. J’ai tout mon temps… Et c’est quand même une sacrée impression de luxe. C’est comme si je n’avais rien d’autre à faire que de profiter du moment présent, regarder le monde depuis un point de vue rarement usité, et laisser faire… Je pourrais hisser la Grand-voile pour accélérer un peu, mais j’ai la flemme. Je suis bien.

Morro Jable
14H30, Au fur et à mesure qu’on se rapproche de Morro Jable, le paysage se fait plus doux et plus clair. Le sable remplace le rouge des roches volcaniques et j’aperçois des dizaines de voiles de kites au loin. Morro Jable est réputé pour ça d’ailleurs. C’est un spot reconnu pour le kite et le windsurf car sa position géographique au confins de l’ile de Fuerteventura lui fait bénéficier de grosses accélérations de vent.
D’ailleurs, même si je me laisserais bien tenter par une petite sieste, je ne préfère rester vigilent… A l’approche du phare qui signale la Punta del Matorral, le vent accélère franchement et avec son petit foc seul, la Boiteuse file à plus de 5,5 nœuds avec des surfs à 8 nœuds ! Je double la pointe, et le port apparait. On est arrivé.

Mais c'est quoi CA ?
Pendant que je vais faire les formalités auprès des autorités portuaires, je laisse Touline faire connaissance avec son nouvel environnement. Alors que je reviens vers le bateau je l’aperçois de loin qui visite un à un tous les bateaux à quai… Et elle le fait à fond les manettes, sautant d’un bateau sur l’autre sans passer par les catway !
A croire qu’elle sait qu’on ne restera qu’une nuit et qu’elle tient absolument à tout explorer avant qu’on ne reparte…
Et c’est là que La Rencontre du jour a eut lieux. Un petit groupe d’oies est venu nager autour du bateau, et la Touline est resté quelque peu estomaquée par ces drôles de bestioles. J’étais mort de rire !

Comme il n’était pas trop tard, j’en ai profité pour aller visiter le bourg et me connecter à Internet. Puis, retour à la nuit tombée, un bon repas, quelques pages de La Peste de Camus et au lit !

Et oui chers lecteurs, il m’arrive aussi de me cultiver. Cela-dit, à 20H30 je dormais déjà…

Le samedi 11 février 2012

De plus en plus l'air d'un marin...
Réveil à 04H15, le temps d’avaler un café et de ranger un peu et nous sommes partis. Le ciel est plombé, et la lune presque pleine ne sert pas à grand-chose tant sa lumière a du mal à traverser le couvercle des nuages. Je fais durer un peu le moteur pendant une heure histoire de choper un peu de vent. A 07H00, c’est bon le voilà, un petit F2 tranquille par le travers tribord… C’est pas top, surtout avec le ris que j’ai pris par précaution, mais on s’en contentera.
07H15, je double la Punta Jandia qui marque l’extrémité ouest de Fuerteventura. Cap au 280°, il reste 50 milles à parcourir.
Tout à l’heure, juste avant que le jour ne se lève, il m’a semblé apercevoir un halo orangé teinter légèrement l’horizon… Les lumières de Las Palmas à presque 100 kilomètres ? Peut-être… Surement même, puisque une heure plus tard j’apercevais vaguement les côtes de Gran Canaria.

Pendant que le jour se lève et que le gris s’installe, je repense à ce que j’ai écris hier sur le bonheur de naviguer seul et sur la remarque que m’a faite mon amie Monique hier au soir… Comment vais-je bien pouvoir concilier ma nouvelle vie de solitaire qui me procure autant de joies, avec mon toujours fervent désir de trouver l’âme sœur; de fonder une famille et d'avoir des enfants ? Mystère et boule de gomme.
En tous cas, à cet instant, l’insolubilité du problème a tendance à me saper le moral. Non, en fait ça me fout grave les boules.
Faut-il absolument renoncer à être totalement heureux ? Doit-on nécessairement sacrifier une partie de ses rêves et se contenter d’une moitié de bonheur ? Je n’ose y croire tellement je trouve ça injuste.

Finalement, c'est là qu'on est le mieux !
09H30, ça-y-est le vent se lève enfin et la Boiteuse file ses 5 nœuds. Cap au 300° pour compenser la force du courant qui est importante entre les deux iles.

12H30, peu à peu Gran Canaria se dessine au loin. On voit bien qu’elle forme une espèce de dôme dont le sommet qui culmine tout de même à 1950 m est caché dans les nuages. Le vent est instable, un coup je vais à une allure honnête, et la minute qui suis-je me retrouve à moins de deux nœuds, complètement à la merci de la houle qui me secoue comme un prunier. Fait chier, on se traine ! A cette train là, jamais je n’arriverais avant la nuit !

13H15, y’en a marre Yanmar ! Je démarre Mercedes ! (Blague foireuse de plaisancier)

15H00, j’aperçois maintenant l’hysme où est construite la ville de Las Palmas. Facile à identifier de loin, la ville possède en fait deux façades vers l’océan. L’une vers l’Est, où se trouve le port, et l’autre vers l’Ouest avec une plage.
Hum, si vous saviez comme j’ai hâte de prendre une bonne douche bien chaude !
Avant, lorsque les douches faisaient défaut, comme à Gran Tarajal et Morro Jable par exemple, je me lavais au jet sur les pontons. Mais c’était en juillet, et là on est en février ! Donc, une douche s’impose car depuis dix jours je n’ai pu faire que des toilettes sommaires. Et puis il faut que je me rase aussi…

16H00, une bande de petits dauphins gris vient batifoler autour de l’étrave, bientôt rejoint par un second groupe. Ils sont au moins une trentaines à jouer sous la coque !
Je bondis sur mon APN et je commence à filmer…



Après les oies hier, Touline découvre les dauphins… Au début elle ne comprenait pas trop ce que j’essayais de lui montrer du doigt (un chat c’est comme l’imbécile de la citation, ça regarde le doigt, forcément !). Puis, enfin elle a vu cette grosse bêbête qui semblait vouloir faire la course avec nous. Et puis une autre, et encore une autre ! Elle ne savait plus où donner de la tête la pauvre !

Heu... ???
Au bout de cinq minutes à essayer de comprendre comment ces gros machins-là pouvaient nager aussi vite alors qu’elle et eux ne sont pas si éloignés que ça sur le plan de l’évolution, la Touline s’est lassée. Elle est retournée se percher au dessus de la descente (là où ça bouge le moins), et s’est endormie.
Les dauphins eux, sont resté plus d’une heure et demi à nous accompagner de leur jeux, pratiquement jusqu’à l’arrivée.

19H10, je coupe le moteur, je suis arrivé. La marina de Las Palmas est immense et est remplie à bloc ! Jamais je n’avais vu une telle concentration de bateau depuis… La France ! Pour vous dire, ils ont même carrément supprimé les catways et installé des pendilles comme en méditerranée pour augmenter la capacité du port ! On est serré comme des sardines dans une boite, et je n’ose imaginer ce qu’il se passerait si la houle venait à entrer dans le port…

Après avoir repéré les sanitaires (pour la douche !), et m’être connecté brièvement à la terrasse d’un café pour prévenir de mon arrivée, je me suis fait quelques œufs au plat avec des tartines de Sobresada, et au lit !

Aujourd’hui c’est dimanche, alors je vais m’occuper un peu de ma Boiteuse. Comme moi, elle a besoin d’un bon récurage pour éliminer toute la saleté accumulée depuis le Maroc… Et dès demain on attaque ce pourquoi je suis venu à Las Palmas. A commencer par une visite chez le vétérinaire pour qu’il fasse une prise de sang à Touline !
Pour le reste, je vous en parlerais dans quelques jours… Laissez-moi juste le temps de prendre mes marques !

Ah oui, pour info et au cas ou certains lecteurs me rechercheraient sur les quais du port, je suis sur le ponton J, à la place 42.

Quelques photos supplémentaires.

Coin-Coin !
Escorte

Arrivée sur Las Palmas
Il y a foule !

4 commentaires:

lucifer ! a dit…

Le monde selon Touline doit être un peu particulier, elle qui ne connait ni les arbres, ni les prés,ni la chasse ni la fuite .
Alors ces bestioles qui accompagnent la Boîteuse,plutôt suspect ...

Vadim Zéland (russe)(physicien quantique ) dit que les rêves ne se réalisent jamais .Il faut les choisir et les provoquer ... Avisse !!

merci pour ces belles photos et ta prose qui nous permet de voyager un peu avec toi...en restant bien discrets comme tu aimes .

Cyrielle a dit…

Bonsoir,

Alors vas pour "tu" puisque tu m'y a invité.

Merci de m'avoir signalé ta vidéo de Juin que je me suis empressée de regarder. Ils sont effectivement magnifiques ces Dauphins acrobates au ventre blanc, batifolant autour de La Boiteuse.

Ils semblent d'ailleurs faire le maximum pour te plaire et ils y réussissent.

Super !
Je viens de lire ton dernier billet et je me suis régalée : le récit, les descriptions, les photos et la vidéo avec encore des dauphins à gogo... Merci pour ce joli moment dont j'ai pleinement profité.

Ce billet respire le bien-être et la sérénité, mais pas que....

N'étant pas marin, même pas d'eau douce, il y certains termes comme : "Génois - taud - déhalé - surfs - kite - hysme", qui me sont complètement étrangers. Heureusement, j'ai de bons dictionnaires qui vont m'éclairer.

Pour ce qui est du texte, j'ai relevé,

- qu'il était très laborieux d'attendre ; C'est parfois vrai.
- que tu étais très heureux de ta liberté d'agir et d'avoir retrouvé ta solitude de marin.
- que Touline découvre le monde .... et les canards.

Je suis de ton avis : le plus grand luxe est la liberté. Lorsque l'on a le temps de prendre son temps, on voit et on sent mieux les choses, on est plus en harmonie avec ce qui nous entoure.

Quant à la solitude, il est vrai que lorsqu'elle est choisie, elle peut se savourer comme une véritable gourmandise.

Pour ce qui concerne ton coup de blues, aussi soudain qu'inattendu dans ce billet ; La légende prétendant que les marins ont une femme dans chaque port ne serait-elle que rumeur ?

Pour te remercier de cette jolie balade, je te transmets le lien d'une vidéo reçue cette semaine ; J'espère qu'elle plaira au marin que tu es.

http://www.youtube.com/watch?v=g8XxDDcAZlg

A bientôt !

Thrse a dit…

J'adore l'accueil que tu as eu! C'est super! En plus de te voir avec cette banane sur le visage, c'est un vrai bonheur!

Gros bisous cher Gwen! Merci de nous faire partager tous ces moments en ta compagnie!

Gwendal Denis a dit…

@Lucifer : Alors je te rassure, Touline connais tout ce que tu dis sauf les près ! Son premier arbre c’était un palmier dattier, et pour la chasse et la fuite, on s’exerce régulièrement tous les deux !

@Cyrielle : Pour ce qui est des termes spécifiques, tu as à ta disposition dans la marge de gauche un lexique et un glossaire… Tu cliques, et tous les principaux mots te sont expliqués. Sinon, oui le truc des femmes dans chaque port est pour moi (pour l’instant) une légende. Par contre je peux maintenant en apercevoir la nécessité, vu le peu de femmes prêtes à suivre leur marin…
Merci pour la vidéo ! Même si pour ma part j’éviterais de m’approcher de trop près d’une de ces magnifiques bestioles avec ma Boiteuse, j’ai hâte d’en rencontrer.

@Thérèse : De rien ma belle ! La banane c’est le fruit que je préfère ! (Et si tu me réponds que toi aussi, je rougis !)