dimanche 11 mars 2012

On est foutu

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Las Palmas

Grand pavois du dimanche
En ce dimanche matin je voulais partager avec vous une réflexion... Hier, je me suis fendu d’une somme prohibitive, huit euros, pour faire une lessive à la laverie de la marina.
Vous allez me dire, oui et alors ?
Et alors braves gens, figurez-vous que le soir même, alors que je revêtais ma polaire préférée pour me protéger des températures moins clémentes j’ai été frappée par les effluves parfumées de mon linge... Et franchement, ça m’a quelque peu remué les trippes. Bon dieu que ça sentait bon !

J’ai essayé de me rappeler la dernière fois que je n’avais pas fais une lessive à la main... Et je m’en suis effectivement souvenu assez bien puisque c’était en aout de l’année dernière. J’avais profité de la petite machine que la marina d’Agadir mettait à la disposition des plaisanciers, et je n’avais lavé qu’une chose, ma tenue hauturière, donc ça ne compte pas vraiment.
Au fur et à mesure que je fouillais dans mes souvenirs, il m’a bien fallu me rendre compte que cela allait faire bientôt un an que je n’avais pas fait de machine.

Oui et alors ?

Et alors, ce matin dans mon lit, alors que ma chatte se frottait sur ma barbe pour me signifier qu’il était cinq heures du matin et qu’il était temps que je me lève, je me suis mis à repenser à cette odeur de linge propre... A cette douce odeur d’assouplissant dont la simple évocation m’emplissait les narines. A la nostalgie que cette odeur avait provoquée en moi. A mon style de vie qui me privait depuis si longtemps de ce petit plaisir d’enfiler un vêtement parfaitement propre et parfumé...

Est-ce un luxe ?
Et je me suis alors mis à penser à ma démarche, à cette mise en application de la décroissance que mon voyage impliquait. Car c’est exactement ce que je suis en train de faire mine de rien. Je décrois. Je n’y avais pas encore vraiment réfléchi, mais ce que certains appellent de leurs vœux dans les pays développés, je suis en train de le vivre au quotidien. Et maintenant que je le vis, je me rends compte de l’immense difficulté que cela représente.
Bon d’accord, je vous concède que faire le tri dans ses priorités cela ne fait pas de mal en soi. C’est même relativement salutaire. Revenir à des besoins de base permet de se débarrasser de certaines futilités qui parasitent votre quotidien. On acquiert alors une vision plus élaguée de sa vie. Plus claire.

Mais alors qu'en est-il du plaisir ?

On est tous d’accord (du moins la plupart gens que je connais), notre planète est en train de crever de notre cupidité. De notre gourmandise. Nous la dévorons à grandes bouchées comme des enfants qui dévorent leur gâteau d’anniversaire sans penser que s’ils en veulent pour le lendemain, ils feraient mieux d’y aller mollo. Oui mais voilà, il est foutrement bon ce gâteau...
J’ai bien conscience, parce que je suis une personne éduquée et pas trop conne, que nous n’irons pas bien loin si nous continuons à nous bâfrer de cette façon. Mais je suis bien obligé de reconnaitre aussi, qu’à la différence de ces prêcheurs de la décroissance volontaire, moi je ne le fais que parce que j’y suis obligé. Réduire ses besoins et gérer strictement ses ressources (financières, alimentaires et énergétiques), sont pour le voyageur que je suis, une nécessité. C’est bien simple, si je ne le fais pas, je ne réaliserai pas mon rêve. Bref, décroitre est pour moi un moyen à court terme et non un but à long terme.
Alors c’est vrai que je suis une personne sans grands besoins au départ et que de me priver de quelques conforts ne s’est pas fait dans la douleur... Mais quand je pense à ces effluves d’assouplissant dans mon linge hier au soir, je me dis que si une simple odeur peut vous procurer autant de bonheur, notre planète est foutue.

Après la pomme d'Adam, la pomme de douche ?
Qu’est-ce qui pourra empêcher les hommes de vouloir et aimer sentir une odeur de fleur sur leurs vêtements ? Qu’est-ce qui pourra empêcher les hommes de préférer prendre une douche bien chaude, plutôt que de se laver à l’eau froide ?
Rien j’en ai peur, car c’est toujours meilleur quand ça sent bon et que l’eau est chaude.

Je me suis toujours considéré comme un écologiste. Pas au sens politique du terme, mais dans mes pratiques quotidiennes. Pourtant quelle que soit la force de ma conscience écologique, jamais elle ne pourra, au fond, lutter contre le plaisir. Mon plaisir. Le plaisir d’une douche chaude et d’avoir de l’eau fraiche dans mon frigo. D’un vêtement propre. D’un bon clacos français chèrement transporté par avion. D’écouter de la musique sur mon mp3 fabriqué à bas prix dans le tiers monde... Rien ne pourra lutter contre ce plaisir-là.

Et si moi je ne peux pas renoncer si facilement à ces petits conforts, comment blâmer ceux qui aspirent à les acquérir ?

Notre planète est foutue... A moins qu’on ne devienne tous des ascètes. Et en ce qui me concerne, c’est pas gagné.

16 commentaires:

jpgnice a dit…

Je suis entièrement d'accord avec toi et j'adore le chemin parcouru qui t'amène à cette évidente constatation. Nous sommes tous programmé par rapport à l'époque où l'on naît.
Mon petit-fils Oscar, à peine 20 mois, allume l'ipad de sa mère, le débloque, tourne les pages d'accès aux applications et choisi son jeu préféré… Comment ou pourquoi veux-tu qu'il abandonne Soupline ! ;-) Il devra faire sa traversée…

Philippe a dit…

c'est beau et vrai ce que tu dis, mais je ne doute pas un instant que ta réflexion, elle, va croitre et t'amener à d'autres encore; il a de la gueule ton voyage

maryse a dit…

Je réponds car ton commentaire m'interpelle.
Mais non on n'est pas foutu...
Ce qu'il t'arrive c'est juste un bon souvenir de ta vie d'avant... et franchement c'est pas parce que tu laves ton linge a la main qu'il sent mauvais a toi de trouver les bons produits je te conseille les huiles essentielles dans l'eau de rinçage ou directement sur l'oreiller. La lavande pour bien dormir c'est génial...
Ce qu'il t'arrive c'est juste un bon souvenir.... Ça nous est tous arrivé une image, une odeur, un parfum du passé qui resurgit et nous rend nostalgique.
Les vraies addictions on les quittes avec difficulté mais sans regret.
Quitter son petit confort pour vivre sa vie je trouve ça balèze.
Et tu vois le fait d'avoir de l'eau chaude, de l'eau fraîche, du calendos, et bien on l’apprécie beaucoup plus quand on l'as attendu ( tout en sachant que tu apprécieras et découvriras bien d'autres spécialités culinaires, ou autres qui te rendront nostalgique plus tard !!)
Je te souhaite une bonne traversée
Bizz à toi et a Touline

Thrse a dit…

Je comprends ton raisonnement et ce que tu veux en dire, seulement, je ne suis pas d'accord avec toi pour dire qu'on est foutu! Je crois que nous avons la possibilité d'avoir de nouveaux produits, des nouveaux consommables qui respectent la planète.. Sans compter tous ces systèmes de tris pour recycler les matériaux!

Gros bisous mon chéri! Je t'envoie pleins de bisous parfumés à la lavande!

Monique a dit…

Si on a du plaisir à retrouver un certain confort, c'est parce qu'on l'a connu ou aperçu.
Quand on ne l'a jamais eu , on n'en n'a pas le besoin.
Et cela peut s'appliquer aussi aux sentiments ou aux ressentis. A méditer...
Après la vie nous apprend à comprendre ses mécanismes et à les réguler. Un petit plaisir de temps en temps, c'est bon pour le mental et pour le physique. Et on n'est pas obligé de s'y vautrer continuellement...Sinon,on prend le risque de ne plus l'apprécier.
Le voyage de la vie sur mer ou sur terre, nous apprend tout ça...et bien d'autres choses !!
Dans les airs, en revanche, on se perd un peu !!!!!!!

Anonyme a dit…

je pense que tu est du genre a apprécier les vérité et a attendre ce que les autres pense ...alors voila les gâteaux d anniversaire, il y as des gens qui n ont jamais eu la chance d'y gouter, et sentir l odeur de la lessive encore moins j avais plaisir a regardé ton blog de temps en temps mais je trouve que sa devient du n importe, quoi et au plus sa va au plus j ai l impression d’être sur la chaine trente millions d amis, dommage bon voyage quand même!!!et bonne lessive ;)

Gwendal Denis a dit…

@JPG : Je n’ai pas pensé à en parler, mais c’est vrai que la technologie (en l’occurrence internet et mon ordi) fait aussi partie de ce confort…

@Philippe : J’ai jeté ça comme ça, au débotté… Et je sais qu’il y aura d’autres questionnements dans l’avenir. Mais y trouverais-je forcément une réponse ?

@Maryse : D’avoir fait la lessive à la main pendant un an ne m’a pas gêné, bien au contraire… Mais j’ai été surpris par la puissance de plaisir que me procurait cette odeur. (Ah bon ? Faut une eau de rinçage ? )

@Thérèse : Je suis devenu un pro dans le recyclage… Mais je l’avoue sans honte, je le fais par nécessité, pas par devoir.

@Monique : Mouais… Pas sûr. Parce que si l’on voit les choses ainsi, il ne faudrait jamais parler de l’eau courante à un bushman ! Pourtant, je suis sûr qu’il ne cracherait pas dessus.

@Anonyme : J’ai beau me creuser les méninges, je n’arrive pas à comprendre ce qui te fâche… Mais bon, je ne vais pas me filer un ulcère pour ça. Bon vent !

Cyrielle a dit…

Bonjour capitaine,

J'aime bien ce billet dicté par la nostalgie des odeurs.

Ton linge, tu n'es pas obligé de le laver au savon noir. On trouve maintenant des lessives performantes et idéalement parfumées.

Lorsque tu es amarré dans un port, j'imagine que tu peux trouver de l'eau claire ainsi qu'une prise de courant pour brancher une petite machine à laver comme celle du lien ci-joint. Ainsi tu pourrais te faire plaisir plus souvent.

http://www.3suisses.fr/FrontOfficePortail/catalogue_fra/maison/gros-electromenager/lave-linge/tous-les-lave-linge/lave-linge-compact-3kg-carad-mw100/87708-lave-linge-compact-3kg-carad-mw100.html?xtor=ADC-4089&ectrans=1#fp-descriptif


Pour certains c'est peut-être un luxe, mais je considère que la recherche du confort et du bien-être est tout simplement humaine.

Quant au mot décroissance. Quel vilain mot ! Je dirais simplement qu'il faut être raisonnable et choisir ce qui est le moins mauvais pour nous et pour la planète. Eviter le gaspillage. Ne pas mettre un point d'honneur à avoir le dernier gadget à la mode dont on utilisera de toute façon qu'une infime partie du potentiel.

Bien sûr on peut se priver de tout, mais la vie vaudra t-elle le coup d'être vécu et le reste de la planète en sera t-il plus heureux ?

Que ponctuellement, pour atteindre un objectif essentiel, on fasse des concessions énormes, je peux le comprendre et je l'ai vécu lorsque j'ai voulu construire mon nid. Mais crois moi, l'aventure est encore plus belle lorsque l'on s'accorde quelques menus plaisirs.

Quant à ta phrase : ..." Mais quand je pense à ces effluves d’assouplissant dans mon linge hier au soir, je me dis que si une simple odeur peut vous procurer autant de bonheur, notre planète est foutue. " ... Je la trouve à la fois effrayante et très exagérée . Il suffit de quelques grains de lavande pour t'apporter de bonnes odeurs, une allumette et 3 planchettes pour chauffer ton eau....


Pour ma part, je suis tellement sensible aux odeurs (aux bonnes comme aux mauvaises d'ailleurs -mais ça c'est une autre histoire-) qu'il m'est déjà arrivée de marcher dans le sillage parfumé d'une nana et de l'accoster pour lui dire combien son parfum me plaisait.

Inconditionnelle des parfums, j'en ai utilisés pas mal. Il y a quelques mois, je suis revenue à Rive Gauche de YSL, simplement parce que l'ayant croisé dans une boutique, je me suis retrouvée transportée 20 ans en arrière.

On peut trouver cela très futile, mais je suis persuadée que les odeurs qui nous entourent ont une grande influence sur notre mental ; Il suffit souvent d'une douche, d'un champoing, de quelques mouvements de gym, d'un pshitt de déo et d'une touche de votre eau de toilette préférée pour vous sentir plus léger(e) avec une énergie à franchir des montagnes.

Entre un parfum et du prozac mon choix est fait ; En plus c'est tout bénéfice pour la sécu :-).

Bourreau fais ton office a dit…

En fait rien a changé depuis Adam et Eve, on est capable de foutre le paradis en l'air rien que pour une pomme !
Mais comme pour Richard III, c'est au pied du mur qu'on retrouvera le goût des choses simples : mon royaume pour un cheval ! ... amis de la culture bonsoir.

Gwendal Denis a dit…

@Cyrielle : Je n’utilise pas de savon noir (pas encore), mais de la lessive à la main classique. De la Tilde que les expat’s en Afrique connaissent bien. Je connais des voiliers qui possèdent une petite machine, mais cela reste compliqué pour les bateaux de voyage d’avoir ce genre d’appareil. Pour une question de place d’abord, et d’eau douce ensuite.
Mais bon, à mon sens, je n’ai pas l’utilité d’un tel appareil. Pour une famille avec enfants, je ne dis pas...
Ce que je voulais dire avec cette phrase (celle que tu cites), c’est que toutes les démarches intellectuelles ne pourront jamais lutter contre le plaisir que provoque un certain confort... Et que la solution ne se trouvera certainement pas dans la décroissance. Et comme c’est la croissance qui nous a mis dans le pétrin, je reste sceptique quant à l’avenir.


@Bourreau : Je me disais que ma blaguounette culturelle était passée inaperçue, et j’étais un peu chafouin... Mais non, il y a toujours le Bourreau pour relever le niveau !

RPH a dit…

Je suis désolé, et je m'excuse, mais celle-là m'arrache les yeux et tu n'es pas né dans une cité: "Mais alors quand est-il du plaisir ?".. Qu'en reste -t-il de notre école primaire?

Gwendal Denis a dit…

@RPH : Oups ! Corrigé, merci !

Manu a dit…

Cela fait pour ma part deux ans que j'ai quitté la terre ferme et vit en compagnie de quatres amis à-bord de Momo notre voilier de dix mètres. Cinqs mecs sur dix mètres et même pas de chiottes...
Il se passe dès-fois plus d'un mois sans que nous prenions de douche, alors une fois dessous nous l'apprécions beaucoup. Cette expérience ne me pousse pas à exagérer des douches dès que je suis à terre, au contraire elle m'a appris que les meilleurs plaisirs sont ceux qui arrivent occasionellement plutôt qu'au quotidien.
Je sais aussi qu'un verre de rouge avec un bon claquos c'est extraordinaire mais j'ai chaque fois le plaisir de le redécouvrir si cela m'arrive qu'une fois dans le mois.
Je ne me considère pas foutu...
Bise Gwendal et bon vent.

Gwendal Denis a dit…

@Manu : Salut toi ! Félicitation pour votre transat au fait !
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai une vague impression de ne pas avoir été compris dans mon propos... Toi et moi sommes des gens de peu qui se contentent de peu, et qui aspirent à une vie de peu... Mais qu'en est-il de l'immense majorité des habitants de cette planète ?

Manu a dit…

Sûr...
Le reste des habitants petit-à-petit changent eux aussi car les gens se contentant de peu se font entendre et influencent les autres. Le reste, les têtus,vont se prendre une sacré claque en pleine poire et ca va leur faire un sacré bien!

la Lésion d'Honneur a dit…

Bon ben tout a été dit ou presque... ça fait du bien de le dire et de se rendre compte qu'on est pas tout seul à se le dire... Bon courage, prompt rétablissement et à bientôt !