jeudi 31 mai 2012

Avancer

16°53.203N 24°59.470W
Mindelo, ile de São Vicente, Cap Vert

Les ferrys d'ici me rappellent ceux de Tintin...
Pas vraiment évident de passer à autre chose après ce qu’il s’est passé. Pas évident du tout... Mais le faut-il pour autant ? C’est bien là la question que je me pose alors que je commence ces lignes et que la page blanche me regarde avec ses yeux de merlans frits.
« Passer à autre chose », ne veut pas dire qu’on oublie, cela serait bien trop facile. Il y a des images que l’on n’oublie pas. Jamais. « Tourner la page », franchement c’est une chose que je ne sais pas faire. La seule chose que je suis en mesure de faire c’est d’avancer. Avancer avec une pierre de plus dans mon sac. Je crois bien qu’on en est tous là finalement...

La mort de José a particulièrement secoué la population de Mindelo. Je ne compte plus les paroles de réconfort que j’ai pu récolter ici ou là, venant tout aussi bien de la communauté française que des capverdiens. Les gens sont choqués, et les mots que j’entends le plus souvent sont : Ce n’est pas ça le Cap Vert.
Ils n’ont pas tort. Même si, comme dans tous les pays, la violence n’est pas absente des rues capverdiennes, de mémoire de Consul de France, en quinze ans, personne n’avait jamais vu ça. Ces dernières années, suite aux pressions multiples de la diplomatie européenne, la criminalité envers les touristes avait même spectaculairement baissée... Mais bon, il suffit d’un cas, un seul, pour que les vieux démons ressortent et que j’entende le pire dans la bouche des expatriés du coin. Du genre vieux poncifs xénophobes et néocolonialistes, si vous voyez ce que je veux dire... Dégueulasse.

Et moi, vous demandez vous ? Et bien je vais sans doute vous surprendre mais j’ai une pêche d’enfer. Non, sans blague, c’est vrai. Ce drame que j’ai vécu aurait pu légitimement me scier les ailes. Tempérer, voire carrément mettre un coup d’arrêt à mes envies de liberté et d’aventure... Et bien c’est exactement le contraire qui s’est produit. Depuis la mort de José j’ai une de ces soif de vivre et de réaliser mes rêves !
Je me dis que j’ai même une motivation supplémentaire pour continuer... Il m’est souvent arrivé de penser que je voyageais pour tous ceux qui ne le pouvaient pas. Et bien maintenant je voyage aussi pour ceux qui ne le peuvent plus.
Alors je voudrais répondre collectivement à tous ceux qui s’inquiètent pour mon moral : Je vais bien !

Je vais bien donc, et je vais continuer ma route. Après la mort de José, je m’étais en quelque sorte promis deux choses. Attendre que son corps soit rapatrié vers la France, et être assuré que le Magoër soit entre de bonnes mains. Le corps de José partira par avion ce dimanche, et j’ai, ce matin en présence du Consul, officiellement confié les clefs du bateau à un skipper professionnel qui se chargera des réparations et du convoyage.
J’ai tenu mes promesses, je peux donc quitter le Cap Vert en pouvant me regarder dans une glace.
Parce que je pense que vous le comprendrez, j’en ai un peu soupé du Cap Vert...

Ça se mange ce truc ?
Donc depuis quelques jours je mets les bouchées doubles pour préparer la Boiteuse à sa première transat. La « pièce », que j’avais fait refaire par une fonderie, a été réalisée parfaitement et réinstallée. A ce propos, pour les pros qui savent de quoi ils parlent, il s’agissait de ce que l’on appelle un coude d’échappement. Regardez-moi un peu ce travail... C’est beau tout de même, non ? Le bronze, quand c’est neuf, on dirait de l’or... Et je ne vous dirai pas le prix, ce serait indécent... (220 € !)

Le diamètre et l'épaisseur ont été doublés
De même, le régulateur a été réparé (et même consolidé), le démarreur aussi, les voiles scotchées... Je n’ai plus qu’à bricoler un de mes supports de panneau solaire, et je serai prêt.
Il faut aussi que je plonge pour nettoyer la coque et la quille... En un mois, la ligne de flottaison bâbord a été entièrement colonisée par la verdure, à un point tel que je pourrais presque ouvrir un commerce de salade !

Puis ce sera l’avitaillement (sans salade parce que je n’aime pas ça), une dernière tournée pour saluer les gens que j’ai rencontré, et on mettra le cap vers le Brésil à travers ce canal de São Vicente qui me nargue depuis un mois.

Je pense logiquement mettre les voiles dans le courant de la semaine prochaine. Mais avant ça vous aurez droit à un petit reportage sur le premier tour des élections législatives à Mindelo !
Je souris déjà en imaginant la tête que doivent faire certains d’entre vous qui doivent se dire : « Oh non, encore de la politique ! Il peut pas se contenter de regarder les couchers de soleil celui-là ! ».

Et ben non, il ne peut pas.

C'est beauuuuuuu....
Qui n'en veut de la salade ?

12 commentaires:

O S E M a dit…

Ta force de caractère et ton courage force mon admiration depuis ta décision de mettre les voiles. Tu as raison, la vie ne tient parfois qu'au fil d'une circonstance c'est pour cela qu'il faut se donner les moyens de vivre ses rêves pour vivre intensément...Merci de partager ton chemin

Anonyme a dit…

muitas saudades....
um abraço
Domi

cazo a dit…

Au travers de tes récits, chacun aura pu apprécier l'humain que tu es... un de ceux qui redonnent quelques lettres de noblesse à notre espèce.

Il te reste bien des pages de ton histoire à écrire... et tes lecteurs assidus n'oublieront rien des précédents chapitres.

Une légende dit que chaque marin qui meurt devient une mouette... Sûr que José en sera... et te rendra visite en bien des endroits de ton périple.

Il est temps pour toi de continuer... car, je me demande si en fait de salades, il ne s'agirait pas de racines !!

Bons préparatifs, marin, un plat de feijoada sur un air de samba t'attend de l'autre côté !!

Gwendal Denis a dit…

@OSEM : Des compliments que je ne suis pas bien sûr de mériter, mais merci... La route continue et me réservera d’autres moments tristes je le sais. Mais qu’importe.

@Dominique : Muito obrigado ! Eu necessidade de ais de um tradutor. Você disponibla são?

@Cazo : Je vais reprendre à mon compte la phrase de Prévert cité par Trintignan au soir du festival de Cannes : Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ?

Thrse a dit…

Très heureuse que tu avances! Je vois que Touline suit de près ton avancement!

J'espère de tout coeur que tu va vite avancer maintenant...
Je t'embrasse fort et te souhaite tout plein de bonnes choses..
Gros bisououous!

lucifer ! a dit…

ébin ! moi, j'aime beaucoup la salade, mais pas celle là !
s'il est vrai que les marins trépassés deviennent des mouettes, je crois que les pierres, au fond d'un sac à dos, finissent par fleurir !à preuve: les roses du désert .Si, après cette épreuve , le tonus est intact , plus vif peut-être, c'est que tu as traversé cette tempête avec justesse.
Peut-être pourrais-tu penser à naviguer pour toi aussi!
Surtout pour toi !

Gwendal Denis a dit…

@Thérèse : Touline est toujours prête à fourrer son nom partout... Une vraie gonzesse !

@Lucifer : J'y travaille ma Lucifer, j'y travaille...

Monique a dit…

Je comprends bien ta réaction: je suis aussi de ceux/celles à qui les chocs de la vie donnent envie de vivre encore plus intensément.

Et je savais déjà..pour les mouettes !

J'aurais bien envie d'un petit skype avant la grande traversée...
Ce week - end je suis dispo....

la Lésion d'Honneur a dit…

Costaud le garçon mais on le savait déjà ! Bonne préparation, et bravo encore pour ne pas t'arrêter aux seuls couchers de soleil !

Gwendal Denis a dit…

@Monique : L'important est de rebondir...

@La Lésion : C'est très surfait un coucher de soleil finalement... Y'en a tous les jours !

bruno0578 a dit…

Je te souhaite bon vent pour cette traversée..prends grand soin de la boiteuse et ménage toi...Nous on t'attendra sagement..et dés que tu peux, rassure-nous.
Amitiés sincères..

Anonyme a dit…

as minhas desponibilidades vao ser muitas desde o mes de julho...... cuando quizer é so dizer...... um abraço grande
Domi