vendredi 21 décembre 2012

De Pinheira à Rio Grande


 32°01.478S 52°06.423W
Rio Grande, Brésil

Le 12 décembre 2012 - Départ

Départ
19H10 : Je me décroche enfin de cette bouée qui me retient dans l’anse de Pinheira depuis bien trop longtemps à mon goût, et nous voilà repartis, Touline et moi, pour ce qui devrait être notre dernière navigation en tête à tête ; 600 milles jusqu’à Piriapolis en Uruguay.
Le choix du départ n’a pas été simple, je vous prie de le croire... Jusqu’à ce matin, je croyais encore que j’allais devoir encore poireauter à Pinheira dans les conditions merdiques que vous savez si vous avez lu mes deux derniers articles. Mais bon, une fenêtre c’est enfin ouverte, avec un vent changeant, mais globalement favorable qu’il va falloir gérer, notamment au passage du Cabo Polonio qui marque l’entrée dans le Rio de la Plata.
C’est la première fois que je pars le soir... Ça fait bizarre. Cap au 180°, plein Sud ! Le coucher du soleil sur les montagnes est magnifique.



Le jeudi 13 décembre 2012 - Le Seigneur des Mers du Sud

06H00 : Est-ce le fait d’être parti un soir, mais je n’ai pratiquement pas dormi de la nuit. Tout d'abord, le vent est monté vers 22H00, m’obligeant à réduire le foc de moitié. Et malgré cela, la Boiteuse a filé ses six nœuds comme une fusée durant plusieurs heures. Puis, ça a été les pêcheurs... Toute le reste de la nuit j’ai dû faire gaffe à ne pas me mettre sur leur route ou dans leurs filets.
Tôt ce matin, le vent a viré à l’Ouest et j’ai dû changer d’allure (le côté d’où vient le vent par rapport au bateau), et nous sommes maintenant au bon plein, cap au 220° à 4 nœuds dans une mer un poil agitée.51 milles ces dix dernières heures, c’est pas mal du tout.
Aujourd’hui, logiquement, je vais devoir jongler avec les vents. En effet, il est prévu qu’une petite perturbation passe rapidement, ce qui va m’obliger à surveiller attentivement cap, voiles et régulateur. Il devrait pleuvoir en plus... Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire dans la vie je vous jure !

Hier, ou était-ce avant-hier je ne sais plus, nous avons décidé avec Zoé qu’elle attendrait mon arrivée à Piriapolis pour ensuite sauter dans un avion et me rejoindre. En effet, étant donné les conditions météo dans la région, il est illusoire de vouloir se donner des rendez-vous. C’est déjà pas mal compliqué en temps normal lorsqu’on navigue à la voile, mais là cela relève de l’utopie totale.

07H00 : D’accord, je m’étonnais aussi de me retrouver vent debout ! J’ai regardé mes prévisions météo, et la perturbation a semble-t-il six heures d’avance ! Sur une prévision à 24 heures, c’est ce qu’on appelle une belle erreur... Ou un plantage complet, comme on veut. Il commence à pleuvoir...
En fait, je me demande si on a bien fait de se fier à cette fenêtre. À partir de maintenant, le mieux à faire est de se tenir prêt à tout.

C'est pas du fil dentaire !
08H30 : Ça se pétolise. 3,3 nœuds au près serré. Touline a décidé que le boute qui sert à maintenir la barre horizontale était idéal pour se faire les dents. Elle va y laisser une quenotte si elle ne fait pas gaffe !

08H40 : Oh putain, ça monte ! Je vais être obligé de m’écarter de ma route et peut-être virer de bord si je veux éviter de casser quelque chose.

10H25 : Pfff... C’est compliqué de naviguer dans de telles conditions, croyez-moi. La mer est dure, le vent capricieux, je suis obligé de faire cap au 160° et de rallonger ma route. Mais bon, je pense que je vais pouvoir rattraper tout ça sans peine plus tard. Consolation, et pas des moindres, je viens de voir mon premier albatros. Le Seigneur des Mers du Sud en personne est venu nous saluer de ses longues ailes. C’est un ravissement que de voir une telle merveille.

10H55 : Archétype du navigateur solitaire, j’écris avec ma chatte sur les genoux. Le vent vient de brusquement tomber et la mer s’est un peu calmée.
J’ai beau essayer de lire (je suis en train de relire l’élégance du Hérisson de Muriel Barbery), dès que je décroche un tout petit moment, mes pensées s’envolent vers ma destination, et vers celle qui me rejoindra bientôt. Cette fille, pardon, cette femme, m’obsède ! Je passe mon temps à imaginer notre vie à bord de la Boiteuse et j’aime croire que cela durera longtemps. J’aime penser à elle comme à une amie, une équipière, sur le bateau comme dans la vie. Une amante aussi... Mais peut-être que j’en demande trop ? Mes amis me disent que oui. Que je ferais mieux de prendre les choses comme elles viennent et ne pas trop bâtir de châteaux en Espagne. Mais je se sais pas faire ça... Je n’ai jamais su.
D’ailleurs, si je l’avais su, je ne serais pas là en ce moment en train de naviguer dans l’hémisphère sud !

Le Seigneur des Mers du Sud
12H00 : 77 milles effectués depuis mon départ hier au soir. C’est très bien, même si pour l’heure j’ai été obligé d’allumer le moteur pour pallier l’absence de vent.
J’ai faim ! Alors au menu il y aura un reste de cappellettis au fromage, avec fromage de tête sur toasts grillés. Ils le font super bien le fromage de tête au Brésil.

14H540 : Toujours au moteur... Tout à l’heure je surveillais du coin de l’œil une flottille de trois bateaux de pêche, quand j’ai soudain aperçu les petits flotteurs d’un filet à dix mètres devant l’étrave ! Heureusement que je regardais dans la bonne direction au bon moment, et que nous étions au moteur ! J’ai dû virer de bord en urgence et faire un grand détour pour contourner ce filet dérivant de merde.

18H00 : J’ai coupé le moteur il y a une demi-heure, et je me traîne comme une larve à deux nœuds et des brouettes. Allez, serre les dents Capitaine ! Le vent ne devrait (va !) virer au Sud-Est dans la nuit et monter jusqu’à 15 nœuds. Avec ça, on avancera.
J’ai dormi un peu cet après-midi, histoire de me remettre de cette nuit blanche, mais je sens que cela ne sera pas suffisant...

19H10 : ZUT ! J’ai raté ma vacation radio que nous avions prévu du faire avec Loïck !
Pas grave finalement, ça n’a jamais trop bien marché jusqu’à présent.

20H15 : Le soleil se couche avec une couleur et un flamboiement que j’ai rarement vu... L’astre, que je n’ai pas pu voir de toute la journée, semble vouloir terminer son service en faisant du zèle... A demain les gens !


Le vendredi 14 décembre 2012 – Le ruban de Moebius

06H15 : Comme prévu le vent a changé de direction pendant la nuit, mais il l’a fait à son rythme ! Ca veut dire que j’ai finalement pu virer de bord seulement vers 03H30, et qu’avant ça on s’est quand même traîné à 2,5 Nds u 140°... C'est-à-dire, ni dans la bonne direction, ni à la bonne vitesse.
Pour l’instant les choses ont l’air de rentrer dans l’ordre. On avance à 5 nœuds au 215° dans une mer toujours un peu agitée. La Boiteuse rentre dans la vague comme si elle lui en voulait personnellement. À moins que ce ne soit le contraire, faut voir.

Puffinus gravis
06H40 : Pas d’albatros ce matin, mais une espèce de puffin, brun et courtaud avec un croissant blanc juste derrière l’œil. Comme d’habitude, Touline est extrêmement attentive à leurs évolutions. Ah si ! Voilà notre ami l’albatros !
J’y pense, cela fait un bout de temps que je n’ai pas vu de dauphins... Ils me manquent mes copains. Logiquement à Piriapolis on devrait voir des lions de mer. Je sens que la chatte va adorer !

07H30 : Mmmm... Le soleil apparaît de derrière les nuages. Que c’est agréable ! Et puis je ne sais pas trop comment cela se fait, mais tout à coup les chaos du voyage se font moins rudes. L’éclairage d’une situation aurait son importance dans la façon dont nous la visons ? Sans doute.
Il n’empêche, la Boiteuse, et a fortiori son équipage, sont pas mal secoués ce matin. Vous connaissez le tangage et le roulis bien sûr. Le tangage c’est quand le bateau bouge selon son axe transversal, un peu comme une balançoire. Et le roulis c’est quand le bateau bouge par rapport à son axe longitudinal. On penche alors à droite et à gauche.
Et lorsqu’on a les deux en même temps comme à présent, ça fait quoi ? Et bien ça fait un huit en 3D. Plus précisément, ça fait comme le fameux ruban de Moebius.
Pour vous représenter la chose, étendez votre main à l’horizontale, paume vers le bas. Faites plier votre poignet, doigts tendus, comme pour dire au revoir : c’est le tangage. Maintenant, faites pivoter votre poignet comme si vous alliez ouvrir une porte : c’est le roulis. Et à présent, essayez de faire les deux en même temps... Pas facile hein ?
Mais si c’est facile, vous n’avez qu’à faire un huit ! Et maintenant imaginez que vous êtes une petite coccinelle perchée sur l’ongle de votre majeur pendant que votre poignet continue son mouvement... Burpl ! Je ne vous le fais pas dire.
Heureusement que je suis amariné maintenant, mais cela n’empêche pas quand même mon estomac de vivre cette expérience avec un certain inconfort... Burpl !

09H00 : Et une vidéo, une !


11H00 : Pfiou... Je reviens d’une petite séance de taureau mécanique. Alors que je venais de vérifier mon cap sur l’ordinateur et de m’apercevoir qu’il serait peut-être opportun que je rajoutasse 15° d’ouverture à mon régulateur, ne voilà t-y pas que je vois une des jambes dudit, baguenauder joyeusement (comment c’est-y que je cause moi ? C’est l’influence du Hérisson)
Pendant une seconde, j’ai bien cru que ce fichu appareil m’avait encore une fois lâché. Mais en regardant de plus près, j’ai constaté que les soudures avaient tenu, mais que c’était le boulon qui n’avait pas résisté. J’ai donc dû le remplacer, à cheval sur le bâtit du régul’, dans les conditions de mer décrites plus haut (ruban de Moebius). Bref, cela s’est fait assez rapidement, et tout fonctionne normalement à présent. Il n’empêche, vous savez que je le surveille comme le lait sur le feu mon régulateur chéri ? Depuis son ultime réparation à Vitória il a l’air d’encaisser, mais j’ai toujours peur qu’il me pète entre les mains.

12H00 : C’est tout bon. Cinq nœuds de moyenne sur les dernières six heures. Nickel. En plus, le vent vire tout doucement vers l’Est, ce qui fait que ça va devenir encore plus nickel, et plus confortable aussi. Parce que les creux de deux mètres c’est bien joli, mais c’est comme le Kouign amann : Au bout d’un moment, ça gonfle.
Puisqu’on parle de bouffe, ce midi j’ouvre une boîte de dobradinha avec des haricots. Des tripes, j’adore ça !

14H40 : Bonne et belle sieste pleine de rêves qui font les réveils agréables. De plus, le vent a encore tourné dans le bon sens et la mer s’est calmée un poil elle aussi. J’abats de 20°, me voici grand largue. Je déroule le foc en grand et la Boiteuse continue sa route à 4 Nœuds avec des mouvements beaucoup plus fluides.

17H10 : L’après-midi se passe, lentement mais sûrement. J’ai fini de relire L’élégance du Hérisson, et j’ai re-adoré, et j’ai re-pleuré à la fin. C’est vous dire que c’est un bon livre.
Sinon, je viens d’avoir une longue conversation en anglais avec Zoé, où je tentais de lui expliquer pourquoi le relativisme culturel était à mon sens une erreur. Pire, une façon d’imposer dans les têtes le libéralisme économique en oblitérant le jugement politique du citoyen, et par là même sa capacité à dire non. J’espère avoir été convaincant !

Tudo bem !
Je sais ce que je vais faire maintenant. Je vais me fumer un cigare, et puis je vais faire une photo de moi en train de fumer mon cigare. On s’occupe comme on peut, comme vous le voyez !

18H00 : Il reste 425 milles jusqu’à Piriapolis, soit environ quatre jours de mer. À moins que je ne décide de faire escale à Rio Grande. Décision que je prendrais dimanche matin, aux vues du temps et de mon état de fatigue. On verra bien, mais là pour le coup je ne cracherais pas sur un téléphone satellite pour avoir des infos fraîches.

20H00 : Je vais laisser la voilure en l’état pour la nuit. De toute façon comme le vent continue de virer à l’Est, je vais être obligé de surveiller le cap et le régulateur. Orgie de bacon avec des pâtes : je me suis gavé ce soir... Allez, bonne nuit et à demain.

Le samedi 15 décembre 2012 - Conciliabules

06H15 : Nuit difficile. Le vent est maintenant au Nord-Est, ou quasiment, et la mer hachée. On est ballotté de façon hyperdésagréable. On a bien avancé cependant, même si j’aurais préféré faire une route plus directe. Sur bâbord, une énorme masse nuageuse très basse s’approche de nous. Le réveil est compliqué par Touline qui devient insupportable sitôt le capot ouvert, alors que je n’ai même pas encore pris mon café... Grrr !!!
Ça y est, il pleut. La journée est mal partie.

07H25 : Je commence vraiment à me poser la question de l’escale à Rio Grande... Car avec la route que je fais actuellement, c’est finalement aujourd’hui que je dois me décider à changer mon cap, ou non. 135 milles au 240° ou 370 milles au 220°.
Allez, faisons une liste pour et des contre.

Pour : J’y suis demain en fin de journée, au pire lundi matin. Ça me permettra de me reposer, et de prendre une météo fiable. Je joue la sécurité.

Contre : Je vais devoir mouiller dans un fleuve, au nez et à la barbe des autorités. S’il faut ma fenêtre est toujours viable, et je n’en aurais pas d’autre avant longtemps. Compte tenu de ma position, faire route sur Rio Grande serait perdre du temps globalement. J’ai rendez-vous avec Zoé.

Franchement, là, je ne sais pas quoi faire. Dans ces cas-là, il vaut mieux différer la décision... Mais pas trop longtemps.
D’un point de vue plus psychologique que logique, je devrais peut-être me poser la question autrement ;
- Gwendal, mon chéri d’amour que j’aime, est-ce que tu as envie de t’arrêter à Rio Grande ?
- Euh oui...
- Et pourquoi ?
- Parce que ça me gonfle d’être en mer, voilà pourquoi.
- Ah !!!
- Mais en même temps, je vais sans doute passer un bout de temps dans un port protégé avec tout le confort moderne, un nouveau pays à découvrir. Sans parler de la douce présence d’un ange pour m’accompagner... Alors, ça vaut peut-être la peine que je me fasse un peu violence, non ?
- Grrr...

08H40 : On va poser la question d’une autre manière. Si tu n’avais pas rendez-vous avec Zoé, qu’est-ce que tu ferais ?
La réponse est évidente, je me serais arrêté à Rio Grande, et ce quelles que soient les conditions météo. C’est ce que j’avais prévu de faire depuis le début. Là c’est clair, Zoé n’est pas encore là et j’ai déjà changé ma façon de voyager.

10H25 : Merde, le vent est en train de virer au Sud... Enfin, je veux parler de la petite brise toute molle qui nous fait avancer à 1,5 nœud depuis ce matin. C’est peut-être lui qui va décider pour moi tout compte fait.

11H35 : Visite express d’une bande de dauphins. Je n’ai même pas eu le temps de prendre une seule photo, ni de filmer. Touline était aussi désappointée que moi !
C’est drôle tout de même, hier matin je vous disais que mes copains me manquaient, et les voilà qui débarquent. Mais ils ont dû être déçus de ne pouvoir jouer avec un bateau aussi lent !

12H20 : 12 milles en six heures. Faites le calcul vous-même, c’est lamentable. La bonne nouvelle est qu’il fait beau, grand bleu même, et que le vent vient de virer de 30° ce qui me permet de faire une route correcte. Touline et moi on vient de piqueniquer d’une boîte de sardines, avec des tartines de pain beurrées.
Pour l’instant je fais route comme si je n’avais pas l’intention de m’arrêter à Rio Grande. On verra bien comment les choses vont évoluer dans les heures qui viennent.

14H40 : Au réveil de ma sieste, j’ai une jolie surprise avec un vent revenu à sa position de ce matin. Il ne casse pas encore des briques, mais nous faisons de nouveau route au 210°, presque au vent arrière.

Boa tardé !
15H05 : Figurez-vous que le fait de changer de cap tout à l’heure m’a fait aller droit sur un bateau de pêche, et au fur et à mesure que je m’en approchais, l’idée de lui demander des infos sur la météo m’est apparue. Tout doucement, à la limite du déventement, je me suis approché du bateau immobile sur l’océan, et lorsque je suis arrivé à portée de voix j’ai crié : « Boa Tardé ! »  en levant le pouce. Il s’en est suivi un dialogue quasi irréel compte tenu des circonstances : deux bateaux qui discutent à 100 milles au large au milieu de rien.
Au final, le vent devrait souffler du Nord-Est doucement jusqu’à lundi, puis devenir fort pendant les deux jours qui suivent ? Pas de coups de Sud en vue !
Putain de Dieu ! Je suis content de moi sur ce coup là ! Bon, je crois que j’ai lé réponse à mon questionnement de ce matin : Let’s go to Piriapolis !

15H45 : Je repense à mes atermoiements de ce matin, et je me dis qu’il suffit de peu de chose pour bouleverser un moral. Je me réveille de mauvais poil, il fait gris et la nave est inconfortable, et je me mets à imaginer faire un arrêt. Quelques heures plus tard, il fait beau, on avance doucement, mais on avance, j’ai eu confirmation que rien de fâcheux ne me tombera sur la gueule, et me voilà près à enquiller quatre jours de mer supplémentaires avec le sourire aux lèvres. Plus besoin de logique pour justifier de tout ça. Il n’est même plus question de Zoé... On continue parce qu’on le peut, que c’est agréable, que le soleil brille.
Par contre, l’embouchure du Rio de la Plata risque d’être un peu sportive.
RIO DE LA PLATA, ça ne vous fait pas rêver un nom pareil ? Moi si.

18H00 : Comme je m’y attendais, nous n’avons pas vraiment progressé, mais nous avons quand même avancé » et c’est bien là l’essentiel. Pour l’instant je suis au moteur, car les batteries avaient besoin d’être rechargées. Cela me permet aussi de faire un peu de cap et de route à 4,5 nœuds, c’est toujours ça de gagner. Il reste 350 milles à faire, et à 4 nœuds de moyenne, on y est mercredi matin.

19H40 : Je relis Le monde selon Garp d’Irving. Je pensais que j’aurais du mal à accrocher, car je l’ai lu il y moins de six mois et l’histoire est encore toute fraîche dans ma tête, mais non. C’est toujours un régal de lire une telle prose.

20H00 : Un bol de nouille et quelques tartines pour dîner. Tu m’étonnes que je perde du poids ! 76,7 kg à Pinheira.
Les jours rallongent... et dans 10 jours c’est l’été. Bonne nuit.

Le dimanche 16 décembre 2012 - Amoureux

06H35 :........ Pardon, je crois que j’ai fait une petite grasse matinée, et j’ai encore la tête dans le cul. La nuit c’est bien passé, et pour autant qu’il m’en souvienne j’ai dû rester deux fois à faire le poireau le temps de parer à quelques lumières sur l’eau. Vers 04H00 le vent est tombé un peu, puis à repris au même régime. A vue de pif on a dû faire route toute la nuit au 180° à 3 nœuds... Je vous confirme ça dans un quart d’heure, le temps de terminer de me réveiller.

07H00 : Et bien, je ne suis pas tombé loin. 40 milles au 190°. C’est nickel. (là je fais le fiérot)

07H15 : J’empanne. Cap au 235°, droit sur la frontière.

07H40 : Vous savez ce que j’ai envie de faire lorsque nous serons à Piriapolis ? On se prendra deux ou trois jours avec Zoé et on ira visiter les chutes d’Iguaçu. Bien sûr, il faudra trouver un moyen de faire garder Touline, mais je vois assez bien ce que cela pourrait donner... Une balade en amoureux pour voir un des plus beaux sites naturels de la planète, avec une halte dans une petite pousada romantique... Pourquoi pas pour le Nouvel An ?

08H50 : Je marche encore au moteur, car le vent est tombé avec les premiers rayons du soleil. Nous sommes exactement à la latitude de Rio Grande, à 100 milles au large.

12H00 : Matinée consacrée à la lecture et à la rêverie sur une mer belle et sous un ciel bleu. Que demander de plus ? Un peu de vent peut-être ?

14H00 : J’ai arrêté Mercedes, car, comme hier, un petit vent vient de se lever en début d’après-midi. Je l’espérais bien celui-là !

17H20 : Après-midi encore plus tranquille à observer les oiseaux, rêver et lire. Fait suer, je n’arrive pas à faire de photos convenables de l’albatros qui nous tourne autour depuis ce matin. Ça m’énerve ! 
Zoé
18H00 : Reste 285 milles à faire. Je sais que je n’ai pas été très disert aujourd’hui, mais je vais me rattraper en faisant un peu de prospective.
Apparemment, le vent se renforce et ne devrait plus faiblir et m’est avis que je vais devoir plutôt freiner la Boiteuse si je veux arriver aux premières heures du jour mercredi... Le baromètre est en train de baisser et a perdu 6 millibars en douze heures.
Je réalise que je ne suis plus qu’à une poignée de jours, d’heures, de ce qui sera une étape importante dans ma vie. Je réalise vraiment.
Non pas que je crois avoir rencontré LA femme de ma vie (je n’ai pas l’air comme ça, mais il m’arrive d’être lucide !), mais plutôt qu’enfin, après tant et tant d’années, je vais m’offrir la possibilité, la chance, d’essayer de vivre une histoire d’amour.
Allez ma Boiteuse, ma clopineuse, emmène-moi ! Conduis-moi vers les doux bras de Zoé ! Fais en sorte que sa magie me transforme et guérisse ce boiteux du cœur que je suis !
Oui, je suis amoureux comme un adolescent. Je le reconnais. Mais aussi, je sais que je suis amoureux de l’idée d’être amoureux. Je vous l’ai dit, il m’arrive d’être lucide des fois...

20H15 : J’ai mangé les restes de ce midi, du riz avec des saucisses de Francfort dégueulasses. Avec pas mal de sauce piment, ça devient à peu près mangeable. La chatte est enfermée, les feux de position allumés : je suis prêt pour la nuit. J’ai vérifié une dernière fois le cap, on est au 190°. Ce n’est pas top, mais ça fera bien l’affaire jusqu’à demain. Les vagues commencent à déferler... A demain.

Le lundi 17 décembre 2012 – Pampeiro

05H45 : Et merde... Je me suis pas mal écarté de ma route pendant la deuxième partie de la nuit, car le vent a viré, contre toute attente, au Nord-Ouest. Je ne sais pas combien de milles je me suis rajoutés avec cette connerie... Fais chier.
La nuit a été compliquée. Je ne suis pas arrivé à trouver le sommeil, la faute à un gros orage que je voyais se développer sur tribord et qui se rapprochait d’heure en heure. Je voyais les éclaires illuminer les nuées, et j’ai donc réduit la voilure en prévision d’un coup de tabac. Pendant un temps, j’ai même imaginé me prémunir contre la foudre en bricolant un paratonnerre de fortune. Dans ces cas là, vous sortez votre chaîne d’ancre, vous l’enroulez autour du mât et la laissez pendre dans l’eau. Si la foudre frappe le mât, elle se disperse ensuite dans l’océan. En théorie.
Vers minuit il a commencé à pleuvoir à grosses gouttes, mais cela n’a pas duré très longtemps. La Boiteuse filait ses cinq nœuds et nous avons laissé tout ça derrière nous assez rapidement. Exténué, je me suis finalement endormi vers deux heures du matin pour me réveiller trois heures plus tard faisant cap au 160° au lieu du 200°. J’ai empanné, et me voilà de nouveau dans la bonne direction.

06H00 : 265 milles de Piriapolis. C’est bien ce que je pensais, j’ai rallongé ma route de 30 milles avec cette histoire... Quel con !
En plus, le vent est tombé et je n’avance plus qu’à 3,5 nœuds. Triple buse ! Est-ce que tu avais besoin de dormir autant ?  Sans doute... Si je ne rattrape pas ce retard, je suis bon pour une arrivée de nuit à Piriapolis, mercredi soir.

06H30 : En fait, cela ne sert à rien de m’auto-insulter. J’ai fait ce qu’il fallait faire au moment ou il fallait le faire. J’ai continué sur une route qui me faisait éviter l’orage, c’était la bonne décision. Ensuite, j’ai dormi trois heures parce que j’en avais besoin. Là aussi, c’est ce qu’il fallait faire...

07H15 : Je crois que ce que j’aime le moins en mer, ce n’est ni l’inconfort, ni le danger relatif, ni même encore l’ennui, c’est ce perpétuel va-et-vient entre l’optimisme le plus béat et la dépression la plus sévère. De faire le yoyo entre ces deux sentiments extrêmes c’est ça, finalement, qui me fout en l’air. Seule l’arrivée, le moment où je coupe le moteur après avoir amarré le bateau, met un terme à cette valse incessante.
Pourtant, si l’on regarde bien, c’est toute la vie qui est comme ça. On la traverse en se faisant ballotter d’espoir en désespoir, d’optimisme en pessimisme, de rêve en résignation... Qu’est-ce que ça veut dire alors ? Que je n’aime pas la vie ?

08H25 : Putain, le vent s’établit à l’ouest et monte dans les tours. F4-F5. J’ai enroulé le foc de moitié et on file au près serré. Mais c’est quoi ce bordel ?

08H45 : C’est trop fort ! Je me mets en fuite ! Cap au 120°.

09H00 : Alors là, je ne comprends plus rien. En quelques minutes le vent est monté à plus de 30 nœuds et la mer s’est creusée. Les vagues explosent en déferlant de tous les côtés, j’ai l’impression d’être sous un bombardement. F6-F7, au bas mot, avec des vagues très courtes. Pour l’instant je me suis mis au grand largue, l’allure la moins éprouvante pour le bateau, c’est ce que l’on appelle « se mettre en fuite ». Je vais attendre jusqu’à midi pour voir comment ça évolue... Peut-être va-t-il falloir que je fasse demi-tour.

09H45 : OK, j’ai empanné et fait cap au 20°. Quitte à fuir, autant le faire dans la direction du port le plus proche : Rio Grande.

Force 7, creux de 4 mètres...
10H10 : Je suis en train de me demander si j’ai bien compris ce que m’a dit le pêcheur à qui j’ai parlé... Possible que je me sois planté. Possible aussi qu’eux-mêmes n’aient pas eu les bonnes informations. Possible encore que le phénomène ait été trop soudain pour être prévu... Je ne sais pas.
Toujours est-il que sans être en danger, je suis quand même dans la merde. C’est là qu’on va voir si tu es un bon marin Gwendal. En attendant, la mer est devenue forte et j’ai des creux de quatre mètres.

12H00 : Il est clair maintenant que j’aurais dû m’arrêter à Rio Grande. Mais ça m’avance à quoi de le reconnaître, hein ?
J’ai fait le point, et Rio Grande se trouve à 115 milles au nord-nord-ouest (312°). Continuer à fuir vers le sud c’était prendre le risque de me retrouver vent debout pour rejoindre l’Uruguay, voire même de ne pouvoir le faire et de me retrouver en Argentine. Pour l’instant j’avance au 05° à 110° du vent apparent. Il faudrait que j’arrive à gratter 55° pour faire route vers Rio Grande. C’est jouable, mais ça va nous faire une sacrée gite avec des déferlantes sur le pont et le bateau va souffrir...
OK, je m’avale un bol de nouilles et on fait ça. Le plus drôle c’est qu’à part le vent et l’état de la mer, il fait un temps splendide.

14H00 : Je l’aurais parié... Il suffit que je dise qu’il fait beau pour que deux heures plus tard le temps devienne gris et moche. Pour l’instant j’arrive à tenir mon cap, mais le bateau souffre énormément. Je l’entends, je le sens dans mes tripes. Le pont de la Boiteuse est régulièrement submergé, et les chandeliers sont dans l’eau la plupart du temps.

17H25 : Ça a l’air de se calmer un peu... J’ai passé l’après-midi allongé dans le fond du cockpit, planqué sous mon duvet. Les voiles sont au minimum, il n’y a plus rien d’autre à faire qu’attendre en serrant les fesses. Et si ça se remet à souffler dans l’autre sens, je fais quoi ?
La réponse a l’air évidente, je vais quand même à Rio Grande. J’ai besoin de récupérer et d’avoir des prévisions météo fiables. D’ailleurs, je suis sûr que Caroline et Hughes sont déjà là-bas. Comme le mois dernier ils ont dû être avertis à temps.
Ma pauvre Zoé... Je crois que nous l’aurons bien mérité notre histoire d’amour.

Enfin, je dis plus haut que la réponse est évidente, mais pas tant que ça finalement. J’ai vraiment envie de continuer ma route. Faire demi-tour me faire royalement chier. Mais on n’est pas en train de jouer là. C’est du sérieux. Et du point de vue de la sécurité, c’est tout de même plus prudent que je renonce à rallier Piriapolis.. Je ne sais absolument pas ce qui m’attend dans les jours à venir et le Rio de la Plata n’est pas une mare aux canards.

Réconfort
18H00 : Il reste 85 milles jusqu’à Rio Grande. Nous devrions y être demain en fin de journée si le vent se maintient. Par contre s’il vire... On verra. En tous les cas, ça va beaucoup mieux maintenant. Tout ça est en train de se calmer peu à peu et le baromètre est en train de remonter. Il y a encore quelques grosses lames qui surgissent à toute vitesse et qui déferlent dans le cockpit. Tout est trempé.

19H55 : En relisant ce que j’avais écrit plus haut, sur le yoyo des sentiments extrêmes, je me rends compte que cette journée en est la plus parfaite illustration. Ce matin je n’étais plus qu’à deux jours et demi d’un nouveau pays, d’une nouvelle vie, et ce soir je me retrouve en train de faire route en sens inverse. Je ne sais plus trop quoi penser de tout ça.
Finalement, est-ce qu’on est obligé de passer par toutes ces frustrations pour trouver le bonheur ? C’est écrit quelque part ? C’est une loi ?

Je ne crois pas. Je ne veux pas. On doit pouvoir faire plus simple. Allez, j’en ai plein le cul. Je vous laisse.

Le mardi 18 décembre 2012 - Arrivée

06H00 : Une nuit magique, ou ensorcelée, selon la manière dont on voit les choses. Pour ma part je dirais bizarre.
J’ai dû m’endormir vers 21H00 dans une mer encore bien formée, la Boiteuse filant à 4,5 nœuds au 315°. Puis, vers 23H00 je me suis réveillé dans un tout autre lieu. La mer était calme, la brise légère. J’ai déroulé le foc en entier pour garder de la vitesse, et je me suis rendormi. Nous étions alors à 60 milles de Rio Grande.
Plus tard, alors que je rêvais, voilà que la voiture qui était dans mon rêve se met à faire de grands bruits. Paf ! Paf ! Paf ! J’émerge péniblement et je constate alors que le vent est complètement tombé, que le régulateur a décroché, et que le bateau est quasiment immobile. Les bruits que j’entendais dans mon rêve, c’était en fait le cul de la Boiteuse qui tapait contre les vagues. Il était 03H00 du matin.
Pétole de chez pétole. J’allume donc le moteur, et nous voilà repartis. Et je me rendors.
Et ce matin à 05H40, je me réveille avec les premières lueurs de l’aube. Je veux vérifier ma position, mais je me dis que ça attendra bien vingt minutes que je prenne le temps de boire un café, histoire d’avoir les yeux en face des trous.
Er c’est en sirotant mon café que je commence à me dire que quelque chose ne va pas. Je ne sais pas quoi, mais ça va pas... Et je réalise alors que le soleil n’est plus à la même place que tout à l’heure !
Un coup d’œil aux instruments me fait comprendre que nous faisons cap au 210°. Un deuxième coup d’œil au pilote électrique et... Pourquoi il ne marche pas ce con ?
Oh putain de dieu ! Il est débranché !

Et je comprends alors l’horreur, en même temps que l’ironie de la situation. Cette nuit, pas aussi réveillé que je le pensais, j’ai bien branché le pilote, mais en omettant de visser la prise... Et pendant mon sommeil, j’ai dû la débrancher avec mon pied ! (T’en veux des conneries à la Gwen ?)
J’allume alors l’ordinateur, et je vois que le bateau n’a pratiquement pas bougé depuis la dernière fois que je m’en suis servi, c'est-à-dire à minuit. Pourtant, le loch indique que depuis, nous avons fait 25 milles de plus ! Oh bordel, j’ai tourné en rond !

Je ne sais pas pourquoi, mais ce nouveau rebondissement n’arrive pas à me saper le moral. Peut-être existe-t-il une limite dans les impondérables, au-delà de laquelle ceux-ci n’ont plus prise sur vous ?

06H50 : Toujours aucun vent. Seul un vieux reste de houle venant de l’ouest agite la surface de l’eau. Avec ce qu’il s’est passé cette nuit, je ne serais pas à Rio Grande avant 22h00 ce soir... Je ne sais pas très bien ce que je vais faire, mais sachez que si le vent revient au Nord-Est, je suis tenté de reprendre ma route vers l’Uruguay. Je sais, je me souviens très bien de ce que j’ai écrit hier à ce propos. Mais que voulez-vous...

07H00 : Je viens de contacter par radio un pétrolier qui passait dans mes parages et l’homme de quart m’a donné des infos météo pour les deux jours à venir. Le vent va souffler sud-ouest dans la journée, puis virer nord-est et ensuite de nouveau sud avec un avis de Gale Warning. Donc, je n’ai plus le choix, on va à Rio Grande.
J’espère que cette fois-ci j’ai bien tout compris ce que m’a dit le type en anglais. C’est là que l’on sent l’utilité d’avoir une Zoé à son bord.

Crevé
07H50 : J’ai rajouté trente litres de gasoil dans le réservoir principal. Avec ça on est paré pour faire les 50 milles qui restent. J’aimerais bien quand même que le vent vienne un peu soutenir le moteur... J’ai regardé les horaires de marée pour Rio Grande. Je n’y ai rien compris. On dirait qu’il y a deux marées en même temps en fait... (Plus tard j’ai regardé dans le bouquin des Glénans, et on appelle ça une marée mixte, avec deux trains d’ondes différents).

09H30 : Toujours pas de vent. J’ai réfléchi un peu à ce qui m’arrive depuis hier... Et je me suis demandé si j’avais fait des erreurs, et si j’avais pris les bonnes décisions pour y remédier.
Clairement, je n’aurais pas dû tenter de rallier Piriapolis en une seule fois, et ce, dès le départ. La météo régionale est beaucoup trop changeante, et partir pour une semaine de mer était illusoire. Mais mon aveuglement amoureux m’a fait croire en des choses qui n’étaient pas. J’y ai cru, parce que je voulais y croire, parce que ça m’arrangeait quelque part. Et je me suis planté.
Ceci étant, lorsque le vent a changé, j’ai bien fait de faire demi-tour presque aussitôt. C’était la décision la plus sage. Quant à mon étourderie de cette nuit qui m’a fait perdre quatre ou cinq heures... Que dire ? Rien. Si, je vais devoir arriver de nuit dans un fleuve que je ne connais pas et mouiller de nuit en me fiant seulement à mes cartes et mon GPS. Le soleil se couche à 20H32, donc concrètement on n’est pas encore sortis de l’auberge.
Par contre, contacter le pétrolier par radio était LA bonne idée. Ça m’a empêché de faire une erreur encore plus grande que celle du départ. Mais que voulez-vous, j’ai hâte de retrouver ma Zoé...

10H45 : Je repense à cette histoire de yoyo, et je me dis que ce soir, lorsque j’aurais laissé filer l’ancre au fond du fleuve et éteint le moteur, j’aurais de quoi être plutôt content de moi. Heureux pas vraiment, mais content. Soulagé si vous préférez. Et puis un peu fier aussi.

12H00 : il reste 30 milles. Je serais, je pense, aux premières bouées du chenal vers 19H00, puis il me faudra encore remonter le fleuve sur 12 milles avant que de rejoindre la zone de mouillage qui se situe juste à côté de la marina.

15H00 : Yes ! J’ai un peu de vent du nord-est qui vient gonfler les voiles et appuyer le moteur. On accélère un peu. On arrive à l’entrée du chenal dans moins de quatre heures. Toutes les minutes que je peux gratter sont autant de gagnées sur la nuit. Je vois quelques pétroliers au mouillage, mais pas encore la côte.

17H30 : La brise s’est renforcée et nous avançons maintenant à 54,5 nœuds.

On arrive !
18H25 : YES ! Je viens de passer la jetée avec 25 minutes d'avance sur mes prévisions. Derrière le rempart de pierre l’eau est calme, et je file à 7,5 nœuds ! Plus que 12 milles...

19H00 : Après avoir longé les grues du port, un navire de guerre et quelques bateaux de pêche, j’attaque le fleuve pour de bon avec le courant et le vent dans le nez. Je garde ma GV pour gagner quelques nœuds...

19H35 : Le vent souffle de plus en plus fort. Ca va être duraille je le sens... Le fetch est important.

20H40 : Le fleuve tourne et je me retrouve vent arrière. Ma GV porte et on continue à jouer contre la montre. Alors que je longeais au plus près (mais pas assez) des bateaux de pêche amarrés le long d’un quai, j’ai senti que la quille de la Boiteuse touchait le fond. J’essaye de faire marche arrière, de forcer dans un sens ou dans l’autre : rien à faire.
Tout à coup, ma Grand voile empanne et passe violemment de bâbord sur tribord, arrachant son frein et explosant son taquet coinceur. L’embardée a eu comme effet de me dégager du banc de sable, mais je vois alors que la voile n’a pas du tout aimé ça. J’aperçois deux déchirures sur la chute. Putain...

21H00 : Je jette l’ancre dans 3,5 m de fond, juste à l’entrée du Yacht Club. Le vent continue de souffler fort, mais ne soulève pas trop de vague. L’ancre à l’air de tenir, mais je vais encore attendre avant de couper le moteur. Je m’offre un cigare que je déguste en observant la nuit tomber. Je suis arrivé juste à temps.

Au mouillage
22H00 : j’ai mangé mes nouilles comme si j’étais en mer. D'ailleurs, c’est un peu le cas. Je ne suis pas tranquille. Le bateau se comporte bizarrement, poussé d’un côté par le vent qui souffle à 25 nœuds, et de l’autre côté par le courant. En fait, on est au travers de tout.
Je sens que je ne vais pas trop dormir, car je veux être réveillé lorsque la marée deviendra descendante. J’ai peur qu’alors l’ancre ne se décroche...
Ensuite ? Et bien demain je vais essayer de trouver un moyen de me connecter à internet pour prévenir Zoé et prendre les dernières prévisions. J’ai l’intention de partir le plus vite possible.
Ah oui, Loïck n’est pas là... À moins qu’ils ne soient dans la marina ? Je vérifierai ça demain, et j’en profiterai pour tâter le terrain pour voir si par le plus grand des hasards un clandestin ne pourrait pas trouver une petite place. Mais pour l'heure, excusez-moi, je vais aller m’étendre sur la banquette du carré. Je suis crevé.

Épilogue :

Le lendemain, c’est avec joie que j’ai retrouvé Hughes et Caroline qui profitaient de la vie confortablement installés dans le Yacht Club. Le secrétariat de la marina n’étant pas très regardant, j’ai pu alors moi aussi trouver une place... Je ne vous dis pas le plaisir que c’est que de se retrouver à l’abri après deux mois de bivouac mouillé ! Et cerise sur le gâteau, j’ai pu prendre ma première douche chaude depuis... Les Canaries !
Par contre pour la météo, ce n’est pas la joie. Pour l’instant, à l’heure où je publie, rien de favorable ne se dessine... Je suis désolé, ma Zoé.

Un repos bien mérité...
Pour tout le monde !

Go !
Cap au 240° !

12 commentaires:

Sonia a dit…

Tu sais que Tanguy, il l'a filmé lui, l'albatros ? :p

Gwendal Denis a dit…

@Sonia : Pfuit !

lucifer ! a dit…

oui, ben avant, avant de te lire ,je savais bien évidemment reconnaître roulis et tangage ; mais alors maintenant ...je ne sais plus rien de rien !
Comment ?Faire garder Touline ?
ai-je bien lu ? Est-ce qu'elle va faire les frais de ton confort ???
dis-moi que j'ai mal lu !

Zoé est bien jolie !
bon boooonnn ; ne sois pas fâché !
toi aussi tu es très beau quand tu dors !
avec toutes les bises de la nouvelle année ,bulles promesses de bonnes-heures .

Monique a dit…

Et oui la vie est un yoyo et il faut savoir donner le petit sec du poignet pour le faire remonter parfois...
A moins que ce soit le courant d'air qui s'en mêle ou qui emmêle !!!

Contente que tu sois toujours assez intuitif pour prendre les bonnes décisions. Je te fais de plus en plus confiance, le métier s'apprend d'heure en heure et la vie te sourit, malgré les petits accrocs qu'elle fait à tes rêves...

Allez, tu fêteras l'année nouvelle qui sera la tienne, même si ce n'est pas celle du calendrier grégorien.
Le calendrier Gwendalien commence bientôt et le premier jour sera le plus beau ! Kiss ....

...toussaint a dit…

Bonnes fêtes à toi camarade, et la realisation de tous tes souhaits. Que fumes tu comme marque de cigares..? J'ai fait une cure de deux mois de Cohibas siglos VI....
A l'année prochaine...

Gwendal Denis a dit…

@Lucifer : Ben oui, trouver quelqu'un pour la nourrir pendant qu'on part en vadrouille ! Une baby-sitter quoi !
(Je sais qu'elle est jolie !)

@Monique : 2013, l'année des fraises !

@... : Je fume ce que je trouve, et de pas cher. Les brésiliens font des cigares correctes à 2,5 euros pièce... C'est bien.

cazo a dit…

Combien de miles et d'aventures tu auras traversés pour enfin trouver l'Amour!! Mais quelle bien belle récompense pour tous tes efforts !! Et quel plaisir pour tes amis que de partager ton périple et bientôt ton bonheur !! Allez, que les vents vous soient favorables, c'est tout ce qui nous importe à présent !!

Gwendal Denis a dit…

@Cazo : Merci mon poteau ! Pour le vent je ne suis pas sûr, mais pour le bonheur je m'accroche encore.

Benoit a dit…

Salut mon Gwendal
Tout d'abord je te transmet le bonjour de Samir de Agadir et oui il se souviennent de toi et de Touline !! Ensuite nous avons pris l'apero a Hierro he oui ! les éruptions sont terminées, avec Patrick et Patou Sikaflex est resté a bord lui !
On te souhaite que le bonheur passe du futur au présent...

Gwendal Denis a dit…

@Caroline et Benoit : Salut les Magaïens !
D'un point de vue strictement égotique, ça fait plaisir de voir que l'on se souvient de moi. Du moment que c'est en bien !

la Lésion d'Honneur a dit…

C'est quand que tu le sors le bouquin de tes exploits et autres yo-yo (comme disait ma Tata ;-))?

Gwendal Denis a dit…

@La Lésion : Je doute de publier un jour ces pages... Je suis trop jeune encore. Par contre, un roman me tenterais bien ; j'y travaille.