Le mercredi 27/10/10
Marines de Cogolin
43°16'2.88"N 6°35'5.44"E
Marines de Cogolin
43°16'2.88"N 6°35'5.44"E
Le matin, j’ai tout d’abord, et comme il était prévu, terminé de regarder dans les fonds. J’y ai trouvé tout un lot de bâches et tauds en tous genres, et puis la garde-robe du bateau, c’est-à-dire les voiles.
Des voiles, c’est bien simple j’en ai quatre. Seulement quatre devrais-je dire…
Une Grand Voile (GV) de 19,58 m² (notez que ce n’est pas 20 m²...), un génois de 38 m², un foc n°1 de 24 m² et un « blister » de 65 m².
Bon pour le blister je vous avoue ne pas trop savoir ce que c’est… J’imagine que c’est comme un spi asymétrique, mais franchement je n’en suis pas sûr. On verra bien lorsqu’il s’agira de l’envoyer.
Malgré la rosée qui persistait sur le pont, je me suis attaqué à l’extérieur… J’ai commencé par virer le taud qui couvrait la plus grande partie de la plage avant, pour la bonne raison que j’en avais marre de me prendre les pieds dans les garcettes de fixation. Déjà que la plupart du temps je ne suis pas très solide sur mes petons, il ne faudrait pas qu’en plus la partie la plus dangereuse du pont soit parsemée de chausse-trapes, hein ?
Et puis je me suis exercé à hisser la GV. Une fois, juste pour voir. Ce n’est pas très compliqué, le tout étant de faire gaffe à ce que le câble de la drisse ne fasse pas de pâté dans le cabestan et c’est cool.
Hissage ok, affalage ok, je devrais pouvoir m’en sortir.
Déjà dix heures du matin, il me faut donc aller acheter deux trois bricoles… J’enfourche mon vélo et direction le Uship local. Là, je fais l’achat d’une bouée fer à cheval, de trois feux à main, et d’un compas de relèvement, et me voilà à peut près en règle pour la navigation côtière.
Il ne me reste plus qu’à partir faire un essai en mer…
Mais avant ça, un petit sandwich pour se donner de l’énergie, et une Danette au chocolat noir pour se donner du courage. Car croyez-le ou pas, je n’en menais pas large. Pendant que je m’appliquais à passer les amarres en double, et que je me repassais mentalement la procédure d’appareillage, je sentais comme une boule à l’estomac. Et plus je me rapprochais du moment fatidique, plus la boule devenait grosse…
Car il faut que je vous dise que les manœuvres de port et moi, ça fait deux. Je n’ai jamais été un as, et je le sais. Et le fait de le savoir augmentait d’autant mon appréhension…
Mais bon, à un moment il faut savoir se jeter à l’eau. 13h30, j’allume le moteur, j’enclenche la marche avant et prends appuis sur mes pointes arrières. Tout va bien.
Je fonce à l’avant pour défaire la pendille. Ok. Bon, il n’y a plus qu’à… Les 37 pieds du Tom Kyle me paraissent soudain infiniment longs. Il va falloir que je vire sec si je ne veux pas me taper un des bateau d’en face…
Allez go… J’accélère légèrement et je largue les pointes. Je ramène la première en quatrième vitesse, la seconde suit dans la foulée, quand soudain un bruit attire mon attention vers l’avant du bateau.
Nom de dieu ! Là, à cinq mètres de mon étrave une des barges technique du port me passe devant à tout vitesse ! Oh putain… Les cons !
Ouf, ça passe… Mais moi je n’ai plus un poil de sec. Allez on continu. Je vire pour m’extraire de la place, le bateau suit impeccablement… Ca y est, je suis sorti !
Je peux recommencer à respirer.
Pendant toute la sortie du port, je n’ai de cesse de m’engueuler mentalement. Mais quel con, mais quel con ! Mais bon, je me pardonne finalement en me disant que voilà bien une connerie que je ne suis pas près de refaire…
Je passe la jetée du port et me voilà en eau libre. Enfin, pas si libre que ça car je distingue quelques casiers juste devant moi. Je laisse passer, avant de me positionner face au vent pour hisser la GV. Impeccable. Celle-ci monte au mât sans encombre.
Tout s’étant bien passé, je déploies alors le foc… Et coupe le moteur.
Et bien ça y est les enfants, on y est ! La Boiteuse, enfin le Tom Kyle, vogue de ses propres voiles. Et c’est qui qui tient la barre ? C’est Bibi !
La tension du départ a maintenant tout à fait disparue. Je me détends et branche le pilote automatique. Cap au 90 sous vent de travers tribord.
C’est le pied. Pendant toute la remontée du golf je vais m’amuser, oui m’amuser, à tester tout un tas de réglage pour optimiser l’allure. Je borde ici, je choque là… Un petit virement de bord juste pour voir ce que ça donne… Nickel. Si vous saviez toutes les fois où je me suis imaginé ces manœuvres en solo, me demandant comment je devais faire pour enchaîner les mouvements sans briser l’erre du bateau ! Et bien il semblerait que d’avoir visualiser tant de fois ces choses m’ait grandement aidé. Tout ce passe à merveille.
Au fur et à mesure que je m’extrais du golf de Saint-Tropez, le vent qui n’arrêtait pas de tourner jusqu’alors s’établi et se renforce. Un petit 15 nœuds à vue de pif.
Oui, je dis à vue de pif car je n’ai pas d’anémomètre, ni de loch d’ailleurs.
Ce qui fait que je n’ai aucune idée de ma vitesse, et ça franchement c’est rageant.
Mais bon, pas grave, on va faire ça à l’ancienne. Alors que je double la cardinale sud de la Sèche à l’huile, je fais un point avec mon compas de relèvement. Je note l’heure (15h05), et je continue au même cap pendant quarante minute avant que de refaire un autre point. Petite manip Qui Va Bien et toc ! Vitesse calculée 5,5 nœuds… C’est tout ?
J’aurais parié pour un peu plus… Mais bon, 5,5 c’est déjà pas mal…. M’est avis que si j’avais le génois à la place du foc… Mais non, ce ne serait pas raisonnable de se lancer dans un changement de voile sur enrouleur pour une première sortie. Et puis on est pas aux pièces hein ?
De toute façon il est l’heure de penser à rentrer si je veux arriver avant le coucher du soleil… J’ai pas envie mais il le faut bien… Tiens, c’est bien Saint-Raphaël qu’on voit là-bas ? Et si…
Non Gwen, sois raisonnable. Tiens t’en au programme et tout ira bien…
Avec regret je vire de bord et prend un cap au 260 pour rentrer.
Le retour se passa sans encombres. Limite je me suis fait chier… Alors pour m’occuper les mains et la tête j’ai pris la barre. D’autant que le vent ayant tourné un poil, nous nous sommes retrouvé à tenir un près serré. En plus, je sais que mon pilote est plutôt sous-dimensionné par rapport à la jauge du Konsul, aussi je préfère éviter de lui faire faire trop d’efforts. Et puis un près serré ça se barre au quart de poil, donc il vaut mieux que ce soit ma petite mimine qui fasse le boulot.
17h25, la jetée des Marines de Cogolin est en vue. Il me faut donc commencer à préparer le bateau pour son atterrissage… Là encore, la procédure est repassée dans ma tête avant que d’être mise en application.
On amène le foc, ok.
Allumage moteur, ok.
On affale la GV, ok.
Mise en place des parrebattages, ok.
Je passe l’entrée du port, tout est ok. Qu’est-ce qui manque ? Merde, les haussières !
Je m’active à les sortir du coffre et à les fixer aux taquets… Re-merde, ma barre ! Ouf, j’espère que personne ne m’a vu, mais il s’en est fallu de peu pour que je me paye un yacht…
La tension monte. Bordel à queue, que je n’aime pas les ports… Mon estomac recommence à se mettre en boule. C’est que cette fois-ci la manœuvre va être un peu plus difficile qu’au départ, car pour me remettre à ma place il faut que je le fasse en marche arrière…
J’avise le ponton P. Ok, reste calme mon Gwen… Je me positionne et entreprend de remonter le couloir… Elle où ma place déjà ? Merde, je l’ai loupée ! D’où je suis elle m’apparait minuscule…
Tout à ma déception je donne un coup de barre intempestif et la voilà qui m’échappe violemment des mains en se mettant à contre. Les voileux comprendons, cela arrive et c’est pour ça que la marche arrière est quelque chose de compliqué avec un voilier.
Sauf que cette erreur de barre m’emmène tout droit vers des étraves pointues !
Je m’emmêle un peu les pinceaux en remettant la marche avant à toute blinde… pour m’apercevoir que juste devant moi, un bateau se présente pour se mettre au même ponton que moi !
Mais c’est pas vrai ! Je les cumule ! Marche arrière toute !
C’est alors qu’un des types sur le bateau me lance « C’est un embouteillage ! ».
Je ne sais pas, mais le ton de sa remarque eut le don de me faire lâcher un peu de pression… Tout de suite nous nous organisons. Ils vont se mettre à quai, et ensuite viendront me filer un coup de main. Cool !
Du coup la manœuvre c’est passé comme à la parade. Le fait d’avoir décompressé pendant que j’attendais et de savoir que deux types étaient là pour parer au pire, j’ai fais ça comme un pro.
Bon, alors que j’arrondissais mon virage j’ai bien entendu une remarque goguenarde du genre : « C’est qu’il est concentré ! On voit bien qu’il ne veut pas le casser son nouveau bateau ! » Remarque à laquelle j’ai répondus pas un « ta gueule !», avant que d’éclater de rire. Tout allait bien et comme je vous l’ai dis je me suis posé comme une fleur sans même toucher les bords.
Donc, sur ce coup-là, merci les gars !
Une fois m’être amarré, je me suis assis sur le bord du ponton pour fumer une clope et réfléchir un peu à tout ce que je venais d’accomplir pour la première fois.
Première sortie en mer en solitaire, ça veut dire plein de premières fois en fait. Premier virement de bord… Première navigation… Premier appontage… Premier pipi par dessus la filière !
J’ai, je crois, pris la pleine mesure de ce moment. J’en ai goûté jusqu’au plus infime détail, savouré chaque minute. J’étais fier de moi. Fier comme je ne l’avais pas été depuis un temps infini… Et croyez-moi si je vous dis que ça fait du bien.
Il a fallut que je me fasse violence pour me lever et me lancer dans le rangement du bateau. Mais bon, j’ai appris à ne rien laisser trainer après une sortie en mer, et quelque soit mon état de fatigue il me faut donc me mettre à la tâche.
La nuit commençait à tomber alors que je terminais mon ouvrage.
Ensuite je me suis retiré dans mes quartiers. J’ai fais un peu de rangement et me suis préparé une bonne platrée de carbonara. C’est que les émotions, ça creuse !
Un peu de lecture avant que de me coucher, et puis alors que je reposais sur le dos à attendre que le sommeil me gagne, j’ai ressenti dans mon corp toute la fatigue de cette journée inoubliable. J’avais mal, mais de ces douleurs qui font du bien. J’étais heureux.
6 commentaires:
Et voilà, premières vraies prémisses de la vraie aventure : piloter son bateau vraiment à soi vraiment en solitaire (sauf pour se garer) !
J'aime la dernière photo : satisfaction du travail accompli et appel du large mêlés.
Celle où t'es tout jouass' sur TON voilier à TOI n'es pas mal non plus :)
Moi aussi je goûte les douleurs qui font du bien et qui font dormir comme un bébé. la dernière fois que ça m'est arrivé c'est quand j'ai combattu à la machette le golem de ronces du jardin de mon frère. Avec l'air du large ça doit être encore mieux !
ébin dis donc ! mon pacha !(2ème photo ) t'as pas l'air si malheureux que ça!
Naturellement, je ne comprends presque rien à ton nouveau jargon;va falloir que je m'habitue, et je regarderai les images .
j'ai tout de même compris que pipi par dessus bord , ça le fait !
luxe réservé à quelques élus .
eh Bourreau , je ne te connaissais pas si audacieux et présomptueux ! A la machette !!!
Bravo pour le baptême de l'eau en solo!
Ce n'est qu'un début..continuons le combat ! Qu'ils crient dans la rue!
C'est un peu pour toi aussi...
Prends le temps de te relaxer le soir, vraiment, sinon dans quelques jours, tu vas être tendu comme un slip et tu ne pourras plus manoeuvrer !!
Ah! si j'étais près de toi,je te ferais bien quelques bons petits massages!
Tiens, à rajouter sur ta liste : une masseuse !!
Comme tu racontes bien... On y est, juste derrière ton épaule, à frémir en mesure avec toi à mesure de s'accumulent les frayeurs... Très bon, très bon... 'Tain, avec une qualité d'écriture pareil, ça va être le pied de te suivre jusqu'au bout du monde...
"J’étais heureux."...Nous aussi...
@Bourreau : De saines douleurs pour justement apprécier ce que la vie a de saint…
@Lucifer : T’inquiète, tu t’y fera au langage maritime. En attendant tu as un lexique dans la marge de gauche si tu veux.
@Monique : Pas le temps de me relaxer puisque je m’endors aussitôt la tête posée sur l’oreiller !
@Tsuki : Rhhhooooo… T’es trop gentille…
@RPH : C’est le but mon cher RPH, c’est le but.
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