dimanche 29 janvier 2012

D’Agadir à Marina Rubicon (1)

28°51.466N 13°48.880W
Marina Rubicon

On y go !
Contre toute attente, la douane marocaine fut relativement gentille avec nous. A peine avons-nous eu droit à quelques questions pièges et à une fouille visuelle du bateau. Entendez par là que le douanier ouvre grand ses yeux au milieu du bateau, demande si l’on n’a rien à déclarer, fait un tour sur lui-même et repart. La seule chose qui semblait le faire tiquer, c’est que je disposais d’une carte des côtes marocaines allant presque jusqu’à Dakhla… C’est-à-dire aux limites d’une zone qui est officiellement déclarée pacifiée, mais toujours sous gouvernorat militaire, et où la tension avec les indépendantistes sahraouis existe encore belle et bien… Mais bon, nous n’avions aucune intention de nous rendre à Dakhla, ayant pour ma part par-dessus la tête du Maroc.

13H45, nous larguons les amarres et c’est parti ! Le temps est un peu gris à cause d’une dépression stagnant juste au dessus de la baie d’Agadir, mais les prévisions nous disent qu’elle devrait s’estomper et disparaitre dans le courant de la nuit. Touline est enfermée dans sa cage, Jeff et Jonas sont fin prêts, la Boiteuse arbore son grand pavillon spéciale départs et arrivées. Je sonne de la corne comme à mon habitude pour saluer le port et les gens qui m’ont accueilli, mais le port est quasiment vide et la seule personne à assister à notre départ est un policier, qui nous salue de la main tout en nous souhaitant bon voyage.

Prétentieux !
Nous passons les feux de la jeter et mettons cap au 220°. Au loin, je distingue la voile de Gitana XV, et je me dis que ce serait vraiment du bol si nous pouvions nous croiser un peu de façon à ce que je puisse pendre des photos… Et effectivement, celui-ci ne tarde pas à faire route droit sur nous, voiles ferlées et suivi de près par son zodiac d’assistance. Je fais marcher la boite à image, nous saluons du geste et de la voix, mais ces messieurs semblent en conciliabule quant à la séance du jour et nous ignorent complètement !
Sympa… Les « pros » ne saluent pas les vulgaires vagabonds des mers, il y a des valeurs qui se perdent moi je vous le dis !

Devant nous, la dépression génère quelques grains. Le vent qui nous fait face augmente en intensité, et la GV (Grand Voile) faseye d’une façon qui ne me plaît guère en faisant un bruit que je ne lui connaissais pas. Peut de temps après, j’entends comme un « chlang », suivit d’un froissement encore plus fort. Je lève les yeux et je vois que le coulisseau en acier qui retient la bordure est complètement sorti de son logement.

Ça n'a pas l'air d'aller vous deux ?
Aïe, ça commence bien me dis-je.
Je bondis sur le pont et entreprends alors d’affaler ma voile, de la sortir complètement de la bôme pour enfin la réenfiler dans le bordel et de la re-hisser en prenant un ris pas la même occasion. Ouais, tout ça en même temps.
Pendant que je m’affaire, la pluie commence à devenir horizontale et au bout d’un quart d’heure, c’est complètement trempé que je réintègre le cockpit où m’attendent mes deux passagers. Je les rassure, tout va bien, je maîtrise… Mais je n’ai plus un poil de sec.

18H40, la nuit est tombée et nous papotons tous les trois à l’abri de la capote quand soudain retenti un gros « chtong » suivit de près par un barouf énorme, comme si un géant s’emparait de ma GV et la froissait entre ses mains. Là, c’est clair que c’est plus grave qu’un coulisseau sorti de son logement…
Je braque le faisceau de ma lampe frontale sur ma GV, et je la vois à moitié affalée. Je cherche la drisse… et ne la trouve pas ! Merde, la drisse de GV vient de casser.
Pas le temps de réfléchir, sans un mot pour mes deux passagers, je bondis sur le pont pour ferler ma voile avant que le vent n’en fasse de la charpie. Pendant que je m’affaire, Jeff et Jonas se demandent bien se qui se passe et ce n’est que mon travail accompli que je peux leur expliquer qu‘on est un poil dans la merde…

Touline par contre, ça va !
Les faits sont les suivants : On n’a plus de Grand Voile, juste un petit Foc de 24 m² à l’avant et pas assez de gasoil pour faire la traversée uniquement au moteur. Alors soit on fait demi-tour et dans six heures on est rentré à Agadir avec tous les ennuis que cela suppose avec l’émigration. Soit on continu mais ça va être un poil plus long. Sachant que si on plante le moteur et le foc par la suite on se retrouvera vraiment dans la merde…
Mes deux comparses sont partants. Jeff est enthousiaste et Jonas un peu moins… Mais suit tout de même le mouvement. Moi je m’accorde quelques minutes de réflexion supplémentaires, puis jugeant finalement que même si on cumule les emmerdements on ne sera jamais en danger de mort ni jamais très loin des côtes et toujours à portée des secoures, je décide de continuer.

Et c’est donc au moteur que nous passons notre première nuit en mer. Jonas et Jeff ne sont pas très vaillants car le mal de mer les barbouille un peu, mais ils prennent cependant leurs quarts respectifs. Jonas de 21H00 à 00H00. Jeff de 00H00 à 03H00, et moi à partit de 03H00 jusque vers le milieu de matinée.

Le jeudi 26 janvier à 10H00, je coupe le moteur et nous n’avançons plus qu’avec mon misérable petit Foc et un petit F2 du Nord. La Boiteuse se traine entre trois et quatre nœuds, ce qui est indigne d’elle étant donné les conditions idéales de navigation que nous avions, 


Ce fut alors une journée que je qualifierais de… A la fois tranquille et mouvementée. Tranquille parce qu’il faisait beau et que le temps s’écoulait de façon agréable. Mouvementée car avec la houle du nord et le peu de vitesse que nous avions, la Boiteuse roulait du cul comme une prostituée. Mais bon, le moral était bon, et mes deux passagers ont même retrouvé un semblant d’appétit vers midi.

Nous eûmes même droit à la visite d’une bande de dauphins, des blancs-bleus. Jeff et Jonas étaient aux anges devant ce spectacle qui était une première pour eux…
D’ailleurs voici une petite vidéo de ce moment toujours aussi magique pour moi…



Sur les coups de 13H00, je décidais qu’il était temps de faire un essai avec mon spi… depuis le temps que ça me démangeait ! Le vent était parfait,  à vue de pif moins de dix nœuds au grand largue (trois-quart arrière si vous préférez), et la mer pas trop houleuse… J’en informe les deux autres et je commence à installer mon bazar. Je cafouille un peu au début, mais les gestes que j’ai répété dans le port d’Agadir me reviennent vite en mémoire. Quelques minutes plus tard tout est prêt, il n’y a plus qu’à déployer l’engin… Et tadaaaaaa !

C'est bôôô....

Aussitôt la Boiteuse tirée pas ces 65 m² de toiles, se met à sauter par-dessus les vagues. Je regarde le GPS et celui-ci, après quelques réglages de la sensibilité du pilote, commence à grimper… 6,5... 7,8... 8,5 nœuds ! Putain ça dépote !
La Boiteuse file comme une bienheureuse mais moi je vous avoue que j’étais un peu à cran… C’est que mine de rien j’ai quelques mauvais souvenirs avec des spis, et je sais que ces voiles-là ça peut vous foutre un bateau au tapis en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Du coin de l’œil je surveillais la mer, et au loin j’aperçois des frisotis qui ne m’inspirent pas vraiment confiance… Bon les copains, c’est bien joli tout ça, mais je crois qu’on va remballer !
Et c’est ce que nous avons fait. Cependant je garde une excellente impression de cette première fois, et il me tarde de pouvoir envoyer de nouveau cette magnifique voile…

Mais ? Tu fais quoi là ?
Deux autres petites anecdotes méritent d’être citées car elles ont agréablement colorées cette journée. La première c’est quand Jef m’a demandé candidement comment il pouvait faire pour se laver…
Je ne sais pas trop la tête que j’ai dû faire en l’entendant, mais je peux vous jurer que j’étais sur le cul. Se laver ? Mais pourquoi faire ? Ca peut pas attendre deux jours qu’on arrive ?
Et ben non, ça ne pouvais pas attendre… Et le Jeff est allé se débarbouiller sur le pont avec sa bouteille d’eau douce et son savon. Au début, un peu énervé par l’incongruité de sa demande, je vous avoue qu’à la fin, de le voir en caleçon en train de se passer le savon sous les bras, j’étais mort de rire !
La seconde bonne partie de rigolade c’est quand j’ai piqué un bout de son sandwich à Jonas… What is it ? Lui demandais-je tout en enfournant goulument ledit bout. Et c’est là qu’il me répond « Cheese-banana » ! Gloups ! J’ai avalé, mais je peux vous dire que les finlandais ont vraiment des goûts bizarres !

Bon sinon, rien d’autre à dire sur cette journée… Si, tout de même, après avoir observé le haut de mon mat à la jumelle, j’ai pu voir que c’était le manillon de la manille de ma drisse qui avait cédé, et que la manille elle-même était restée coincée dans le réa. En clair, ça allait être beaucoup plus simple pour la récupérer.
N’empêche, je suis resté un long moment à la regarder cette foutue manille… On aurait dit qu’elle me narguait, là haut, tout en haut du mat… Je la voyais distinctement qui dépassait et qui semblait me dire que je n’aurais pas les c… le cran d’aller la chercher. Et elle avait raison la bougresse ! Ça allait devoir attendre que nous soyons tranquillement dans un port, et qu’on me prête le matériel adéquat pour que je puisse la récupérer.

Suite au prochain épisode !

D'autres photos.

Jeff et Jonas au début...


Le lendemain matin...
ils font moins les fiers !
Mais euh.... Y'a quoi là dessous ?

9 commentaires:

Monique a dit…

Avec tout le temps où tu es resté au port , tu n'as pas trouvé moyen de vérifier tes drisses ?????
J'attends le jour où tu vas nous raconter une traversée sans histoires !
En fait, non, ce serait moins excitant !!!
Bon je dirai rien sur tes compagnons de voyage, charmants au demeurant, car j'aurais eu à peu près la même gueule de bois à leur place.
Quant au spi...oui, il est bôôôô !

cazo a dit…

Quand on sait même des voileux pros on systématiquement le mal de mer, z'ont pas à rougir, Jeff et Jonas, je trouve même que leur état était pas si pire !!

Sinon, une nave... normale !! Mis à part ce MAGNIFIQUE spi !! La classe !!! Et efficace avec ça !!

Bon séjour aux Canaries... prépare bien La Boîteuse pour le grand saut histoire de pouvoir profiter sans trop te prendre la tête !!

Gwendal Denis a dit…

@Monique : Le jour où ce sera une traversée sans histoire, ben y’aura rien à raconter, forcément… Et OUI, j’ai vérifié ma drisse avant de partir ! Non mais, tu me prends pour qui ?

@Cazo : J’ai hâte de maitriser mieux l’engin afin de pouvoir l’envoyer le plus souvent possible. Car avec lui, on gagne un temps fou !

Franck a dit…

Belle gestion de l'incident, merci pour ce récit !
Pour le spi, la chaussette est intéressante, elle permet d'étouffer la voile très rapidement, et de la renvoyer aussi rapidement.

Enjoy ;)

Thrse a dit…

Trop beau ton spiiiii!!! Quelle allure! Magnifique! C'est pas le cas de tes coéquipiers! Lol! Il ne sont pas tous de ma trempe! Hi, hi!

Bon, je te fais confiance, tu va vite réparer comme à ton habitude!

Gros bisous et dommage que je n'étais pas là pour la toilette! hi, hi!

Gwendal Denis a dit…

@Franck : Merci pour l’appréciation, de la part d’un pro ça fait toujours plaisir !

@Thérèse : Tu es certes une coéquipière douée ma chère Thérèse, mais j’hésiterais cependant à t’embarquer avec d’autres passagers masculins… Tu me les affolerais !

cazo a dit…

Comme quoi, la delphinothérapie, ça marche !!!

Bon, ça y est, Touline est devenue un vrai chat de pêche et a appris à se mettre à l'arrêt !! Maintenant, faut que tu lui apprennes à le faire pour les poissons qui se pêchent, pas pour les dauphins !! ;-) !!

Gwendal Denis a dit…

@Cazo : Ben, ça se mange le dauphin ! Non ? Ah bon, je croyais…

cazo a dit…

Cannibale !!!