lundi 30 janvier 2012

D’Agadir à Marina Rubicon (2)

28°51.466N 13°48.880W
Marina Rubicon

La deuxième nuit fut très différente de la première. La température était nettement plus agréable, et la mer exempte de toutes lumières. Pas un bateau à l’horizon, seulement la lune qui souriait et la phosphorescence du plancton… A ce propos, vous ai-je dit que la lune sous ces latitudes sourit quant elle est en croissant ? Non ? Et bien je vous le dis. C’est encore un moyen s’il en était besoin de vous sentir ailleurs…

A quatre heures du matin, ce vendredi 27 janvier 2012, je rallume le moteur pour compenser une pétole. Puis je m’assoupi un peu, et à 05H45 exactement je me réveille en sursaut : Quelque chose cloche.
Je regarde mon pilote, mon cap, ma voile d‘avant, tout semble aller normalement mais quelque chose cloche toujours… Et soudain je réalise que le moteur est éteint !
Je bondis sur mes pieds, mets au point mort et me précipite vers le tableau pour redémarrer. Mercedes repart comme en quatorze, mais dès que j’enclenche la marche avant, pouf, plus rien… Merde ! C’est quoi encore que ce bordel ! Je réveille tout le monde et leur annonce la nouvelle. Pendant que Jeff et Jonas se lève sans trop comprendre ce qu’il se passe, je plonge dans la couchette arrière complètement encombrée par un bric-à-brac incroyable pour accéder à l’inverseur et le démonter. Je check l’ensemble, tout à l’air de bien fonctionner… Mais qu’est-ce qui se passe encore ?
Et là j’ai une intuition, je soulève la trappe d’accès à l’arbre d’hélice pour constater qu’il ne tourne pas. C’est bon, j’ai compris, on vient de se prendre quelque chose dans l’hélice.

Ne surtout pas réfléchir !
Il était six heures du matin, il faisait nuit, je ne pouvais rien faire pour le moment. Tout le monde est retourné se coucher et j’ai repris mon quart sans même la moindre envie de fermer l’œil. Pendant un moment je suis resté à cogiter sur la probabilité que sur les milliers de kilomètres carrés que représente la portion d’océan entre le Maroc et les Canaries, pourquoi a-t-il fallut que ce soit moi qui me prenne quelque chose. Hein ? Pourquoi moi ? Et pourquoi à ce moment-là ? C’est effrayant quand on y pense.
Puis, le soleil c’est levé, mais une épaisse couverture nuageuse persistait sur l’est et j’ai dû attendre qu’il soit suffisamment haut et clair avant de me lancer dans une autre de mes grandes premières sur ce voyage : La plongée sous la coque en plein océan atlantique.

Je vous avoue que je n’en menais pas large car j’ai une sainte horreur de ne pas voir le fond lorsque je nage… C’est comme ça. Trop de films avec des monstres des profondeurs sans doute.
Mais bon, j’avais à côté de moi deux passagers et il convenait de faire bonne figure devant eux. Je me suis déshabillé, j’ai chaussé mon masque et mes palmes, me suis ceinturé avec un bout que j’ai confié à Jeff, et sans trop réfléchir à ce que je faisais (ne surtout pas réfléchir !) j’ai sauté dans l’eau.
La première surprise ça a été la température de l’eau. Je m’attendais à un truc plutôt vivifiant, à Agadir elle était de 14°, mais en fait elle n’était pas si froide. 17° je dirais. Et la deuxième surprise c’est quand j’ai plongé ma tête sous l’eau et que j’ai aperçu cette grosse corde enroulée autour de mon hélice… Ouf ! C’était donc bien ça !
Gagné !
Il me fallut tout de même une demi heure de travail acharné pour arrivé à dégagé l’hélice. Armé de mon couteau à pain (ben oui, c’est encore ce qui coupe le mieux), j’enchainais les plongées en apnée, tout en essayant de me maintenir au niveau du bateau qui dérivait. Concentré par mon travail, je ne voyais ni ne sentais les coquillages qui me déchiraient la peau…  Lorsqu’enfin j’arrivais à ôter le dernier brin de polypropylène, je pus alors rejoindre à la nage l’échelle de secoure qui pendait à l’arrière de la Boiteuse…
Je ne vous dis pas dans quel état de fatigue j’étais. Mes jambes me portaient à peine, mon souffle manquait et j’eu du mal à sourire pour la photo finale. N’empêche que je l’ai eut cette sal… saleté !
Ensuite, même pas encore rhabillé, je relançais de nouveau le moteur qui démarra au quart de tour. Brave Mercedes…
Pendant que la Boiteuse reprenait sa route, et après avoir vérifié que tout allait bien par ailleurs, je m’excusais auprès de mes passagers et j’allais piquer un petit roupillon réparateur. Avec, bien entendu, mon petit réconfort perso perché sur ma poitrine.

Dors mon Papa... Tu l'as mérité !
Depuis l’aube les côtes de Lanzarote étaient en vue, et nous nous en approchâmes tout au long du jour pour finalement doubler la pointe Papagayo vers 18H30. Une demi-heure plus tard nous étions amarrés au ponton d’accueil et reçu par deux marineros. Le soleil se couchait dans notre dos, pile poil au niveau du timing.
Les formalités prirent un peu de temps car je n’arrivais pas à remettre la main sur mon certificat d’assurance… Il faut vous dire tout de même qu’aux Canaries ils se foutent royalement d’où vous venez, si vous avez la peste, si vous transportez ou pas des immigrés clandestins, de la cocaïne ou des chattes orientales non déclarées. Ce qui leur importe le plus, c’est que vous soyez assurés !
Le temps que je fouille un peu, Jeff, Jonas et Touline se précipitèrent sur le ponton pour se dégourdir les jambes. Tous les trois couraient dans tous les sens sous les yeux ébahis des clients du restaurant qui surplombait le quai.

Lanzarote
Une fois mon certificat retrouvé, bien rangé où j’avais oublié qu’il était bien sûr, nous pûmes alors rejoindre notre place. La Boiteuse à peine amarrée, j’eu la surprise (enfin la demie surprise) de voir débarquer Norbert, de Takarii.
Norbert, c’est bien simple je le connais depuis bientôt deux ans. En effet, lorsque j’en étais à imaginer ce que serait ma nouvelle vie, j’avais prospecté pas mal de blog pour me faire une idée de ce qui m’attendais. Et parmi les tous premiers blogs figurait celui de Norbert qui avec son premier Takari avait traversé l’Atlantique en solitaire.
Deux ans plus tard, nous nous rencontrions enfin. Cool comme histoire non ?

La capitainerie de Marina Rubicon
Et j’en ai encore une autre à vous raconter (quoique si vous lisez attentivement les commentaires vous ne serez pas étonnés), devinez qui s’est pointé le lendemain matin au pied de la passerelle ? Denis Vleurinck et sa femme Michelle de l’agence Plaisir d’O, ceux-là même qui, il y a presque un an et demi, me vendirent la Boiteuse…
Et dans la même veine, Franck un ami skipper rencontré à Agadir venait prendre un verre le soir même dans le cockpit. Comme quoi je vous le dis souvent, mais le monde est décidément fait de drôle de coïncidences.

Le soir de notre arrivée, Jeff et Jonas dormirent encore à bord, et ce n’est que le lendemain, profitant de la voiture de Denis et Michelle, qu’ils reprirent leurs chemins. Pour eux, il s’agissait de leur première croisière en mer, et j’espère qu’ils en garderont un bon souvenir, même si la Boiteuse les a quelque peu malmené dirons-nous.
Mais cette traversée fut aussi pour moi l’occasion de grandes premières. Première fois avec deux personnes à bord. Première rupture de drisse de GV et première navigation au spi. Première plongée sous la coque en plein océan… Bref, moi non plus je ne suis pas prêt de l’oublier cette traversée.

On parle de moi ?
Sans oublier bien sûr Touline… Alors là, je tiens à informer son fan-club que cette chatte s’est comportée de façon admirable pendant toute la traversée. Sage comme une image, pas malade un seul instant, elle supportait sans broncher son harnais et la laisse lorsqu’elle partait en exploration dans le cockpit. Il fallait la voir se pencher pour voir l’eau qui défilait sous la coque ! Même pas peur la Touline !
Elle a même attendu d’être sur la capote d’un bateau à moteur voisin, pour faire son premier caca depuis trois jours ! Si c’est pas de la tenue ça !
Non, sans blague, elle a été super cette chatte. Et à peine arrivée elle a déjà conquis les habitants du ponton par son sans-gène et sa propension à grimper sur les bateaux et sur les gens sans invitation.

Bon, ben je crois que j’en ai terminé avec le récit de cette aventure. J’espère que ça vous a plu. Nous allons rester à Marina Rubicon jusqu’à jeudi matin, puis nous prendrons la route vers Gran Tarajal pour aller saluer quelques amis. Ensuite, ce sera Las Palmas…

Ah oui, j’allais oublier. En arrivant au port j’ai vérifié sur la carte et lorsque j’ai plongé sous la coque, il y avait quelque chose comme 1100 m de fond… Brrrrr !!!!!!

D'autres photos :

Sans commentaire

Aquaman
Dis ma Touline, tu penses à quoi là ?
La Punta Papagayo
Marina Rubicon
La Boiteuse au repos

10 commentaires:

Monique a dit…

Ben oui !! C'était vivant comme traversée, finalement ! Pas le temps de s'ennuyer !!!
Denis et Michelle n'ont pas du la reconnaître, la Boiteuse ? Elle a bien changé...elle aussi !!!!!!!!

cazo a dit…

Heureusement que c'était deux jours de nave... sinon, tu aurais été obligé de nous faire un roman !!!

Super à lire confortablement assis sur son siège sans roulis ni tangage à l'abri des embruns derrière son écran !!

Ceci dit, au delà de quelques mètres de fond... que ce soit une fosse marie ou pas... ça change pas grand chose, non ?? A mon humble avis de terrien, il va peut-être falloir que tu investisses dans une combi de plongée bien chaude... on ne sait jamais !!

Et quelle a été la réaction des anciens proprios de La Boîteuse quand ils l'ont vu dans sa nouvelle livrée, après tous ces soins esthétiques, rajeunie ??

Quand je pense à tous ceux qui naviguent avec des voiliers flambants neufs, je comprends qu'ils n'aient pas besoin de tenir un blog... pour écrire quoi ? Aujourd'hui, avons fait tant de miles, RAS. Quel lecteur suivrait un récit aussi plat qu'une pétole ???

Bon séjour aux Canaries, qui s'annonce d'emblée sous de meilleurs auspices... tant mieux pour toi !! Mais va falloir trouver quelques péripéties pour tenir le lecteur assidu en haleine...

;-)

Gwendal Denis a dit…

@Monique : De leur propre aveu elle a quand même une autre gueule en blanc plutôt qu’en vert !

@Cazo : Tu as raison, passer 15 ou 20 mètres il n’y a pas vraiment de différence… Sauf dans la tête ! Pour les eaux se pissent, je sais pas, on verra avec le temps qu’il fera !

Thrse a dit…

Ca dû leur faire bizarre aux anciens proprios de revoir la boiteuse en si bonne santé! Hi, hi!
Touline m'impressionne! Elle est super cette chatte!
Sinon, bravo pour ton aventure! Je te félicite d'avoir braver tes peurs pour la plongée! Mais tu ne t'es pas équipé?

Tu m'as donné froid de plonger comme ça!

Bisous mon cher Gwen, embrasse bien Touline pour moi!

Benoit a dit…

c'est ça la vie de grands navigateurs ce demander a chaque minutes que va-t'il ce passer ??
Mais comme dit cazo une petite combi c'est pas mal quand même ça protège du froid mais aussi de ces satanés coquillages que nous promenons sous nos bateaux
C'est toujours un plaisir de lire tes récits a bientôt

Gwendal Denis a dit…

@Thérèse : J’ai prévu de m’acheter une combinaison d’occasion dès que j’arriverais à en trouver une pas trop chère. Comme ça la prochaine fois, j’aurais bien chaud !

@Benoit : Tu sais, c’est bien aussi quand ça s’arrête… l’incertitude !

lucifer ! a dit…

La ronronthérapie, comme c'est précieux!
Surtout pour les héros!

Gwendal Denis a dit…

@Lucifer : Faut pas pousser tout de même, j'ai juste fais ce qu'il y avait à faire.

lucifer ! a dit…

mais si, mais si, tu as fait le héros;
mais surtout tu n'as pas oublié d'exhiber ta ssuperbe plastique ... !

Gwendal Denis a dit…

Faudrait que je trouve deux photos pour faire un Avant-Après ! :)