dimanche 3 avril 2011

Premiers adieux…

Le samedi 02 avril 2011

43°25.359N 06°45.848E
Saint Raphaël

Ce samedi, je me suis levé comme à mon habitude assez tôt. Mais pas trop quand même…Tout doucement, un nouveau rythme s’impose à moi et bouleverse ma chronobiologie. Je m’adapte à ma nouvelle vie, parfois dans la douleur, mais je me découvre aussi des réserves insoupçonnées d’énergie.
Dehors Saint Raphaël se réveille sous la brume, et moi j’ai les boules.

La veille au soir j’ai contacté mon père pour que nous puissions nous voir, mais celui-ci m’a alors répondu que ça n’allait pas être possible… Trop accaparé par son travail qu’il dit… J’ai tout essayé pour lui facilité la tâche, lui proposant même de prendre le train, le car, de marcher s’il le fallait, pour que nous nous voyons avant mon départ. Mais rien n’y a fait. Il s’est perdu en explications vaseuses et futiles, à un point tel que je me demandais s’il réalisait vraiment ce que j’étais en train de faire. Comprenait-il vraiment que son fils partait seul sur les flots pour des mers inconnues ? Réalisait-il qu’il allait avoir 80 ans cette année et que c’était peut-être la dernière fois que nous aurions cette occasion ?
Je ne savais pas… J’étais choqué, triste. Déçu.

Heureusement, une bonne âme en la personne de Sainte Thérèse de Salerne m’a réconforté pendant plus d’une heure au téléphone. Mais malgré son aide, le lendemain, j’avais les boules.

Faites chauffer la poêle !
Alors que la ville émerge de sa torpeur, je pars en vadrouille à la recherche d’un signal wifi à me mettre sous la dent. Hélas, le wifi n’est offert que pendant les heures d’ouverture. Il va me falloir attendre dix heures… Pas grave, je me balade. J’avise un magasin de pêche ouvert pour ses clients matinaux et je me procure enfin ce que je cherchais depuis un bout de temps : Un kit de pêche à la traine.
Soyons franc, je n’y connais rien. Mais il parait que ces trucs font des miracles sans qu’on n’ait rien à faire. Et ça, c’est exactement qu’il me faut. Selon le professionnel de la profession, je devrais pouvoir ramener des maquereaux, des dorades, des bonites… Mouais, on verra bien… N’empêche que le premier poisson que j’attrape avec ce truc, quelque soit sa taille ou son espèce, je le bouffe !

Retour au bateau. Je m’attelais à la confection d’une petite liste de chose à faire en ce samedi devenu vide de projet, lorsque mon téléphone sonna. C’était mon père.
Il me dit qu’il a mal dormi (et moi alors ?), qu’il a réalisé (ou qu’on lui a fait réaliser) que c’était peut-être important pour moi que nous nous voyons… Qu’il peut se libérer pour le déjeuner…

Ni une ni deux, je fonce à la gare pour attraper le premier train.

Travailleur de la mer...
Alors on s’est vu. Je lui ai montré des photos de la Boiteuse. Il m’a posé quelques questions sur mon itinéraire, mes moyens de subsistance. Je me suis abstenu de le questionner sur ses hésitations à se libérer. Nous avons mangé ensemble à la cafétéria d’un supermarché, et puis nous nous sommes dit au revoir. J’ai promis d’être prudent, et lui de ne pas caner avant mon retour.
Comme d’habitude nous ne nous sommes pas vraiment parlé… Il n’y a pas eu de grandes révélations, pas d’effusion de larmes. Il est sans doute trop tard pour ça. Nous avons échangé quelques banalités, mélangées avec quelques mensonges. Nous avons joué le jeu, lui dans son rôle et moi dans le mien.
Même si ce ne fut pas tout à fait satisfaisant, j’ai fais mon devoir de fils. Je peux donc partir l’esprit tranquille. Mais affaires, publiques ou privées, sont en ordre.

Retour à Saint Raphaël, je fais quelques courses pour la sortie du lendemain, je me connecte pour lire mes messages. Le soir, après diner, la nuit tombe sur le port de Saint Raphaël et je suis sur le pont en train de fumer ma dernière clope. Pendant que je pisse par-dessus bord, une chauve-souris vient dessiner des arabesques à angles droits au dessus du gréement. C’est bien.


Le dimanche 03 avril 2011

Réveil à quatre du mat. Normal quand tu te couches à neuf heures du soir, mais bon… J’aime bien les fins de nuits. Je trouve que c’est le moment idéal pour écrire. Le moque de café à portée de main, une pipe qui fume posée dans le cendrier, et les mots arrivent en rangs serrés. Prêts à être couchés sur le clavier.

Le Capitaine et ses deux mousses
J’arrange le bateau, prépare une salade de pâte et achète du pain frais pour les sandwichs. Onze heures, Thérèse et ses enfants, Jon et Doreen, arrivent. Nous ne tardons pas à partir, et dehors le temps est splendide. Une toute petite brise du Sud nous propulse à trois nœuds et on est bien. Les enfants sont aux anges, et j’essaye tant bien que mal de leur montrer les rudiments de la navigation à la voile.
Jon est doué pour barrer et tenir un cap au près, même s’il a tendance à se déconcentrer assez vite. Doreen elle, elle a huit ans et ses bras sont encore un peu trop maigrichons pour pouvoir manier la barre… Qu’importe, la paire de jumelles est l’objet idéal pour occuper un enfant sur un bateau !

Jon
Nous déjeunons après avoir viré de bord et abattu un peu pour mettre la Boiteuse sur une allure plus confortable (moins de gîte). Les gosses font un sort à mon saucisson à peine entamé (400 g quand même !), et se régalent de ma salade de pâtes.

Vers 14H00, alors que nous longions d’assez près la côte de l’Estérel, nous voilà encalminé dans la pétole. Plus un souffle d’air ! Nous dérivons tranquillement. Mais je garde un œil sur la sonde, et à 15 m de fond, je décide d’essayer de m’éloigner un peu…
Je pousse la barre à fond et la Boiteuse pointe le nez vers le large. Un peu rassuré, je descend alors dans la carré à la recherche de je ne sais plus quoi…
Et c’est à ce moment qu’Eole nous tombe dessus à bras raccourcis, et en moins d’une minute, le vent se met à souffler, à souffler, A SOUFFLER !
Le temps que je remonte, la Boiteuse affiche déjà 7 nœuds au compteur. Bigre !
Heureusement que je venais de virer de bord quelques minutes plus tôt, sinon nous allions sur les cailloux !

Le Capitaine et son second
Instinctivement, Thérèse a saisi la barre et lutte pour redressé le bateau qui lui n’a qu’une envie, se coucher ! Je jette un œil aux enfants et je vois qu’ils s’accrochent mais que ça a l’air d’aller… Limite ils rigolent les p’tits c…. !
Thérèse se débrouille très bien, mais je décide de l’aider un peu en choquant la Grand-voile pour déventer et réduire la puissance. Pendant un moment c’est elle qui barrera la Boiteuse, à plus de six nœuds, au près et avec une gîte de presque 30° !

Quelques minutes plus tard, j’ai repris la barre, réglé les voiles et mis le cap sur Saint-Raphaël. La balade, c’est bien, mais je n’ai absolument pas l’intention de prendre des risques avec quelqu’un (et a fortiori des enfants) à mon bord. Donc on rentre. Et tant pis si les kids s’amusent de voir le bateau secoué dans tous les sens par la mer qui s’est levée. Moi, j’aime pas.

Doreen
Le vent continu de souffler à plus de vingt nœuds et le retour se fait à la vitesse grand V. Un bord de travers, un empannage, un deuxième bord de travers, j’enroule le foc et abat la GV. Moteur en marche nous entrons alors dans le port et le nœud que j’avais à l’estomac se resserre un peu plus lorsque je constate que celui-ci est agité dans tous les sens par la houle. Bordel, ça va être Rock & Roll !
Et ça l’a été. J’ai dû m’y reprendre à deux fois pour pouvoir faire accoster la Boiteuse, et encore la deuxième fois fut lamentable… No comment, c’est ma faute.

Ouf, nous y sommes !

Je cherche désespérément une cigarette pour décompresser un peu… Impossible de mettre la main sur mon paquet ! Je me rabats sur ma pipe, et enfin je peux m’assoir et respirer un peu.
C’est clair, si j’avais une note à donner sur ma prestation ce serait « peut mieux faire ». Et il est clair également que je préfère cent fois naviguer seul…
Je crois que la Boiteuse et moi, nous sommes en train de tomber amoureux l’un de l’autre. Et cette histoire d’amour qui se construit entre nous ne supportera probablement pas la participation d’un tiers.

Sportif !
Un café accompagnés de quelques biscuits plus tard, et il est déjà temps de nous quitter. Séquence émotion. Les enfants pleurent sans bruits, je ne suis pas loin de faire de même… Lorsque je regarde la voiture disparaitre au coin du quai, je me dis que décidément la vie est mal faite. Pourquoi faut-il que je rencontre des gens formidables et que je doive les quitter un an plus tard ? C’est pas juste.

Mais je crois que la vie est un peu comme une ex à moi… Elle savait offrir parfois beaucoup, mais elle savait aussi le faire payer très cher.


Demain, on repart vers l’Ouest, avec soit un mouillage aux îles du Levant, ou bien une escale au port… Lequel, et qui décidera de tout ça ? Eole bien sûr !

7 commentaires:

cacahuette83 a dit…

Tu as marqué deux fois Moreen au lieu de Doreen! Bouh vilain!

Moi je suis fière de moi! Si si! En plus mes photos sont belles! Trop contente!

Je ne suis pas prête d'oublier cette magnifique journée passé ensemble et même si tu préfère être seul à naviguer, je dois dire que tu es un super prof avec les enfants! Ils ont adoré!

C'est vrai que notre balade a été sportive mais en même temps, ça nous a appris comment se comporter en ces occasions!
Par contre, je viens tout juste de me poser sur mon lit et je ressens encore le tangui du bateau!

J'adore notre photo à nous deux et pas peu fière du titre! Waouh!

Gros gros bisous mon très cher Gwendal et encore grand merci à toi pour cette superbe journée!

Lucifer ! a dit…

salut les frimousses de l'équipage !
et salut leur maman !
journée intense je crois .............................

"Partir, c'est mourir un peu ,
Mourir c'est partir beaucoup "

Monique a dit…

Que d'émotions! En deux jours et sans avoir déjà quitté le Côte d'Azur! ça promet !!!

Salut à Cacahuète et aux petits mousses...!

Pour la suite, je te l'ai dite au téléphone...

Thrse a dit…

Merci Lucifer!
Gros bisous à toi Monique! J'espère qu'on arrivera à se voir un jour!

Bisous

Bourreau fais ton office a dit…

Après un départ plutôt pépère, voici que Neptune sort de sa bienveillance, et décide de te donner un avant-goût de ce que tu vivras sans doutes souvent ...

Il y a comme un fil conducteur, ds ce billet : la filiation. Les rapports un peu décevants entre le père et le fils, et le fils qui fait figure paternelle, non décevante, auprès des enfants. Y a de l'espoir.

Mais surtout ! puisque tu parles de pêcher, je te ressort le mot "ichthyoalleinotoxisme" ... fais gaffe ...

Exemple : http://forum.lucid-state.org/content.php/505-Intoxication-hallucinog%C3%A8ne-due-%C3%A0-des-animaux

Bon, sinon, tu dois être au courant de ce que je ne pourrai venir au baptême de la Boiteuse ... grrr ... mais je serai là en pensée.

lucifer! a dit…

oui, grrr grrr ...
J'espère que tu vas penser fort ,Bourreau!

Gwendal Denis a dit…

@Cacahuette : Voilà, c’est corrigé ! Désolé-pardon-le-ferais-plus-promis !
Oui, tu peux être fière de toi, sincèrement.

@Lucifer : Intense weekend sur tous les plans.

@Monique : Oui, de l’émotion. Et tu as raison, ce n’est pas fini !

@Bourreau : J’ai commencé à souffrir de ton absence au moment où Momo me l’a annoncé… Tu vas me manquer Thomas. Mais à ma première intoxication alimentaire je vais penser très fort à toi ! Promis !