samedi 14 mai 2011

Deux visions de Valencia

39°25.893N 00°19.917W
Valencia

Aujourd’hui je vous propose deux regards sur la ville de Valencia. Deux visions radicalement différentes et pour cause elles proviennent de deux endroits différents. Enfin, pas tant que ça… Car dès que vous avez fini d’embrasser du regard la première et que vous vous retournez, vous pouvez commencer à contempler la seconde. Deux mondes qui se touchent et pourtant deux mondes qui semblent s’ignorer.

A l'abandon...
Depuis que je suis arrivé à Valencia, enfin au Real Club Nautico de Valencia, ce qui fait une énorme différence comme vous l’avez pu lire dans mon précédent article, ce qui m’a le plus impressionné dans cette ville, ce ne sont pas les processions religieuses, les ruelles de la vieille ville ou encore les courbes bizarroïdes de la cité des sciences... Non, ce qui m’impressionne le plus ce sont ces quartiers périphériques que je traverse en bus lorsque je veux me rendre en ville. Des quartiers pourris, à l’abandon, où s’entasse une population aussi hétéroclite que pauvre.

Vous allez me demandez, pourquoi est-ce que je m’attache tant à ce qui est moche et sale, alors que je me trouve dans une ville où l’histoire a laissé tant de merveilleux chef-d’œuvre architecturaux ?

Taudis...
Sans doute parce que parce que, comme souvent chez le voyageur, c’est la première approche, le premier coup d’œil qui forge l’impression générale et qu’il est difficile de s’en défaire par la suite. Ou peut-être aussi parce que ces quartiers de Natzaret et de la Punta sont pour moi une illustration parfaite de ce que le « progrès » peut faire comme dégâts à un tissu social... Le « progrès » et son cortège de cupidité et de mégalomanie immobilière.

Lorsqu’on parcoure ces quartiers, on devine ce qu’il s’y est passé depuis ces dernières décennies... D’abord était la terre fertile de la plaine de la Turia. De petites communautés d’agriculteurs s’y installent et prospèrent, alimentant la ville de leurs récoltes. Il faut imaginer cette plaine parsemée de ces petites maisons traditionnelles aux toits à deux pentes dont il reste ça et là quelques exemplaires. Puis au XIXème siècle l’habitat se regroupe autour d’une rue principale, les façades se décorent de faïences colorées. C’est l’époque de la prospérité qui s’affiche et dont il reste quelques exemples décatis.

Ancienne maison de ferme
Et puis la ville s’est agrandie… D’abord industriellement avec des entrepôts et quelques fabriques qui sont venus coloniser l’ancien territoire agricole. Puis on a voulu construire des logements peu chers pour les ouvriers de ces mêmes fabriques. Des immeubles en brique sans esthétisme ni confort.
Encore plus tard est arrivée le fric de la spéculation immobilière… On a vu grand, très grand. On a construit des routes et des ronds-points, viabilisé des parcelles. On a imaginé je ne sais quel riche avenir pour cette partie de la ville… Mais pour que cet avenir puisse voir le jour il fallait auparavant se débarrasser des vestiges du passé. Ces quartiers on donc été asphyxiés méthodiquement. Plus d’entretien de la voirie. Un réseau d’assainissement digne d’une favela brésilienne… Les habitants ont commencé à partir, et ceux qui s’entêtaient ont été expropriés.

Fin du rêve...
Et puis tout s’est écroulé. La boulimie immobilière a étouffée Valencia, stoppant net le « progrès » et ses grands projets immobiliers. Aujourd’hui, les entrepôts sont à l’abandon et les usines sont en ruine. Les belles routes ne conduisent plus nulle part, les parcelles prévues pour accueillir de somptueuses tours sont restées à l’état de terrain vague et les immeubles qui avaient commencé à pousser ressemblent maintenant à des mécanos qu’un enfant aurait abandonnés dans un coin de sa chambre. Les maisons jadis coquettes sont devenues le refuge des pauvres, des prostituées immigrées et des exclus. Et quand je dis exclus, je parle ici des gitans. Ces espagnols même pas blancs, voleurs de poules et chiffonniers.

Ces quartiers voués jadis à une mort programmée au nom du progrès survivent comme un furoncle, à deux pas de la démesurée Cité des Arts et des Sciences. Vraiment à deux pas… De l’autre côté de la route. Et que peuvent bien se dire leurs habitants lorsqu’ils regardent par leurs fenêtres ces délires architecturaux ? J’aimerais bien le savoir…

Contraste

Meeting
Autre jour autre lieux. Alors que je marche vers le centre, en passant devant les arènes je tombe sur un rassemblement politique. Un meeting du PSOE doit se tenir dans l’enceinte. Il y a beaucoup de monde… Les élections régionales et municipales ont lieux la semaine prochaine et tous les partis sont sur les dents, rivalisant de promesses électorales démagogiques. Je ne m’attarde pas car l’objectif du jour est de visiter un temple… Un temple de consommation, le Mercat Central.
Chaque ville espagnole a le sien, et celui de Valencia est de toute beauté. Un édifice en forme de croix où les vitraux laissent passer une lumière vive et colorée. Une église dédiée au commerce, le commerce des produits locaux et pittoresques, mais du commerce quand même.

Un autre genre d'église...
Comme dans les autres églises, il y a plus de touristes qui visitent ces lieux, appareil photo en bandoulière (comme moi !) que de croyants. Euh de clients ! Et ceux-ci viennent de partout. Surtout espagnols, mais également beaucoup d’étrangers attirés par le côté pittoresque de la chose. D’ailleurs c’est en parcourant les allées que j’ai entendu parler français pour la première fois depuis huit jours.

On s’extasie sur la fraicheur des aliments proposés. On photographie la tête de quelques poissons hideux. On lève les yeux pour admirer les charpentes d’acier… Une odeur particulière faite d’un mélange de tout ce qui peut se manger au monde flotte dans l’air. Tous les sens sont en éveil, charmés.

Mmmm...
Chaque corps de métier est représenté et ceux-ci ne se mélangent pas. Les bouchers avec les bouchers, les primeurs avec les primeurs et les poissonniers avec les poissonniers… Seule exception à la règle : Les tripiers. Eux on les a rangés avec les poissons. Allez comprendre…

Je m’extrais à regret du temple, non sans avoir oublié de verser mon obole avant de partir. J’ai dans mon sac deux steaks hachés… Eh oh, pas n’importe lesquels ! Des steaks hachés de mouton ! Ma viande préférée…

Pour rejoindre mon arrêt de bus il me faut marcher. Beaucoup. Je pourrais me l’éviter mais le temps est aux économies… J’explique : Le bus à Valencia est très cher, beaucoup plus cher qu’en France. 1,30 € le trajet, sans possibilité de changement. Et pour moi cela signifie que pour rentrer sans frauder cela va me couter 3,90 €. D’ailleurs maintenant que j’y pense, si l’on voulait interdire le centre-ville aux populations vivant en périphérie on ne s’y prendrait pas autrement…

Un pont et plus de rivière...
Alors je marche. Et mes pas m’amènent dans l’ancien lit de la Turia. Il me semble vous l’avoir déjà dit, mais la Turia est le fleuve qui traversait Valencia jusque dans les années 60 où il eut la malencontreuse idée de déborder un peu trop. Du coup la municipalité l’a carrément détourné et a aménagé sont lit en parcs et en jardins.
C’est agréable… J’y croise des enfants qui ont toute la place du monde pour s’ébattre, des sportifs qui font du sport, des étudiants qui étudient en puisant leurs idées dans la bouche de leur voisin (ou voisine !).

Et puis tout au bout on arrive à la Cité des Arts et des Sciences… Là, c’est tout autre chose. 

Star Trek
On est dans le délire le plus assumé ; Le palais des arts ressemble à un vaisseau spatial et le palais de la science ne ressemble à rien… Enfin si, avec un peu d’imagination on pourrait peut-être, à la rigueur, y deviner les détails de quelque échinoderme marin… M’enfin, l’art moderne et moi cela fait deux, aussi je ne prétends pas être un observateur impartial.
J’observe cependant que malgré le spectacle plaisant de quelques jolies touristes la foule nombreuse ne parvient pas à remplir tout l’espace… C’est trop grand. Oui c’est ça que je n’aime pas, tout est fait pour rendre l’humain minuscule. Même l’espace entre les constructions, comblé par d’immenses plans d’eau, fait que l’on se sent comme écrasé par le gigantisme… Qui a pu avoir cette idée saugrenue de vouloir à ce point exclure l’être humain en le ridiculisant ainsi ? C’est la question que je me posais alors que je m’asseyais enfin sur le banc de l’arrêt de bus.

Trop grand...
Et puis je me demandais de nouveau ce que pouvaient bien penser les habitants des quartiers de Natzaret et de la Punta de tout ça. Eux qui ont quand même réussit à maintenir un semblant d’humanité dans ce no man’s land où ont les a parqué, que pouvaient-ils se dire en regardant ce que le progrès avait façonné ?








 D'autres photos :

Splendeur passée

Tâche bleue


Structures

Perspectives




Or rouge
Couleurs

7 commentaires:

Patrick Guéguen a dit…

Instructive, la visite commentée...
Merci pour cette balade.
Cothraige

Bourreau fais ton office a dit…

Les habitants de Natzaret et de la Punta craignent peut être que leurs quartiers tellement authentiques ne soient l'objet d'une "gentrification", et qu'ils devront vivre ds des HLM avec tout le confort moderne ...

Cette Cité des Sciences me rappelle l'expo universelle de Lisbonne en 98, mais en nettement mieux. Différence de tempérament : moi ce gigantisme me rassurerait plutôt, je me sentirais seul au monde, libre, pas coincé entre quatre murs étouffant ds la foule.

J'ai l'impression que je me sentirais bien au mercat aussi, et ds l'ancien lit de la Turia ! bref, un reportage qui fait se sentir bien ; une fois passé le port-usine et les routes qui ne conduisent nul part.

Monique a dit…

Chouette balade, en effet !
Moi non plus, le gigantisme ne m'effraie pas...je suis plutôt claustro....

J'aime assez l'idée des routes qui ne conduisent nulle part..c'est du Dali grandeur nature.

Ce soir, nous étions avec un "passeur d'histoires" qui m'a fait visiter Grenade...simplement avec le pouvoir de ses mots.
Un peu comme toi..on n'est pas si loin !

Gwendal Denis a dit…

@Cothraige : Il n’y a pas de quoi ! A quoi cela servirait-il de voir des choses nouvelles si je n’ai personne à qui les décrire ?

@Bourreau : Ce que craignent les habitants de ces quartiers c’est que leur mode de vie et leur tissu social soir sacrifié sur l’autel fictif du progrès, alors que c’est au nom de la cupidité de quelques-uns…

@Monique : Je ne crois pas que ce soit qu’une question de taille en fait, ni même de style… Mais plutôt une question de rapport à l’être humain. Pour moi une architecture doit inclure l’homme et non-pas l’exclure. D’ailleurs c’est valable pour tout finalement…

Thrse a dit…

Suis comme toi, je préfère l'ancien! Le nouveau ne me donne pas envie du tout! Les formes arrondies en verre ne me tentent pour rien au monde!

J'aime beaucoup tes couleurs de fin ainsi que ton or rouge...

Gros bisous et bonne fin de journée!

cazo a dit…

Manque juste les odeurs et la balade serait parfaite !!

Bon, vu que le temps est aux économies, je suppose que la visite du musée océanographique n'est pas au programme.. dommage, car il paraît que c'est le plus beau d'Europe.. et se balader dans un tunnel de verre avec des requins qui passent au-dessus, wouaahh.. ça me botterait !!

Quant aux disparités économico-architecturales, plus tu vas aller vers le sud plus ça va être criant !! Et je te parle pas des désastres écologiques...

Bon, j'espère que la pompe va pas tarder et que tu vas pouvoir t'extraire de ce port pour en rejoindre un où il y aura un peu plus d'humanité !!

En tout cas, merci pour tes récits, une bouffée d'oygène qui me permet de m'évader !

Gwendal Denis a dit…

@Thérèse : Ancien ou neuf, tant que l’humain reste présent, moi je n’ai pas de problème avec ça…
Tien c’est marrant personne ne s’est étonné du prix du piment… Vous trouvez ça normal 1300 €/Kg ? Et beh…

@Cazo : Non hélas, je pense que je vais m’abstenir… Mais par curiosité et pour te faire plaisir, j’irais tout de même regarder le prix d’entré ! De plus, j’ai déjà visité l’année dernière celui de Barcelone, qui avait déjà un tunnel avec des requins…
Je crois savoir que leur fierté c’ets surtout d’avoir des bélugas vivants.