lundi 26 novembre 2012

Gringo Cachimbo


23°06.817S 44°15.480W
Matariz, Ilha Grande

Praia...
C'est la fin de la matinée ici dans la baie de Matariz. Le temps est la pluie, vent du Sud oblige, et j'écoute de la musique pendant qu'un ragoût Pommes-de-terre-Saucisses mijote sur la cuisinière.
Tout allait bien, tranquillement, une légère pointe d'ennui flottait dans l'air, lorsque je me suis dit qu'il était peut-être temps que je vous parle un peu mieux de ce lieu où je me trouve. Mais par delà la simple description, je voulais surtout tenter de vous expliquer pourquoi j'aime autant cet endroit.

Cela va faire trois semaines maintenant que j'ai débarqué dans cette île, et que la Boiteuse se dandine sur son ancre à quelques brasses du rivage. Pour quelqu'un qui, il y a peu, critiquait les mouillages, vous allez vous dire que j'ai : soit complètement changé d'avis sur le sujet ; soit que je suis en train de souffrir le martyre. Je répondrais, les deux mon Capitaine. Mais bon, ce n'est pas là le sujet d'aujourd'hui.
Ce que je voulais vous dire c'est que depuis tout ce temps, et à l'instar de mon bateau, je crois que je fais maintenant partie du paysage.
Lorsque, deux fois par jour je descends à terre avec ma petite annexe rouge, je peux être sûr que je vais devoir me fendre d'au moins une demie-douzaine de « Hopa! », et d'autant de pouces levés pour répondre aux saluts qui me sont adressés. Pour la plupart d'entre eux, je suis le Gringo Cachimbo, le gringo à la pipe. Celui qui vit là depuis trois semaines et ne fait pas de vague. Mais attention, je ne vous parle pas de saluts informels du genre signe de tête et bonjour vaguement murmuré que vous adressez à votre voisine du dessus quand vous la croisez dans l'escalier. Je vous parle de vrais et francs bonjours, avec sourires, yeux dans les yeux et parfois même quelques mots histoire de prendre de mes nouvelles ou de commenter le temps qu'il fait.

En route vers le continent
Cela n'a peut-être l'air de rien ce que je vous dis là, mais je peux vous affirmer que d'être salué ainsi, pour la seule raison que c'est la première fois qu'on vous croise de la journée, est pour moi quelque chose de rare et de précieux. Car voyez-vous, depuis bientôt deux ans, j'avais plutôt pris l'habitude d'être considéré comme un dollar sur pattes, et que les saluts dont je faisais l'objet étaient très (trop) souvent conditionnés par ça.
À Matariz, personne n'a rien à me vendre et tout le monde me dit bonjour parce qu'ils ont envie de me dire bonjour. (Enfin, quand je dis que personne n'a rien à me vendre, c'est faux. Avant hier le poivrot du coin est venu me demander, en s'excusant presque de sa démarche, si j'étais intéressé d'assaisonner mon tabac à pipe avec une production locale... Si vous voyez ce que je veux dire. J'ai répondu : non merci, mais c'est gentil de me le proposer ! Depuis, on est des superpotes.)

Remarquez, même si les gens d'ici avaient quelque chose à me vendre, je ne crois pourtant pas que l'appât du lucre conditionnerait leur gentillesse, comme c'est trop souvent le cas ailleurs. Car je crois pouvoir dire que les Brésiliens en règle générale, et plus particulièrement ici à Matariz, sont gentils. Entendons-nous bien, je vous parle d'une vraie gentillesse, d'une vraie serviabilité, d'un désir sincère d'aider autrui...
Je ne compte plus les fois où, lorsque je demande mon chemin à un commerçant, celui-ci sort de son échoppe pour m'accompagner jusqu'à ma destination ! Ou, pour le moins, suffisamment longtemps pour qu'il soit certain que j'arrive à bon port !
De même, depuis que je suis au Brésil jamais personne n'a tenté de m'arnaquer de quelques manières que ce soit. Et ça, après le Maroc et le Cap Vert, je peux vous dire que c'est quelque chose d'éminemment appréciable .
D'accord, vous allez me dire que je ne suis pas allé partout, et notamment dans les grands centres touristiques comme Rio ou Salvador do Bahia, et que je ne peux me permettre de généraliser. Certes, mais je doute toutefois que, à part quelques rares exceptions, les choses soient différentes. Je crois que c'est finalement une caractéristique du peuple brésilien : la gentillesse.

Miss B en bon voisinage
Mais revenons à Matariz. Au début, lorsque je descendais à terre je ne parlais en fait qu'à deux personnes, l'épicier et Diego, l'étudiant en tourisme qui me permet d'utiliser sa clef 3G. En chemin, je me contentais de signes de tête accompagnés d'un sourire, et de quelques Bom Dia ou Boa Tarde. Cette stratégie, car s'en est une, fut payante. En peu de temps, au gré de mes balades, les gens sont venus à moi.
Prenez Ditinho le vieux pêcheur par exemple... Au début, je laissais mon annexe sur la plage, mais le moteur de celle-ci avait la fâcheuse tendance à ne plus vouloir démarrer après quelque temps en position inclinée. Aussi, lassé de devoir ramer une fois sur trois, je décidais d'amarrer Miss B à l'ancien ponton en béton. Un jour, en revenant d'une session Internet, je trouve mon annexe amarrée à une vieille barque de pêche, celle de Ditinho.  J'étais perplexe, jusqu'à ce que celui-ci vienne à moi et m'explique dans son portugais quasi incompréhensible, que mon annexe frottait sur le ponton, et qu'elle risquait de s'y abîmer  Aussi, je pouvais utiliser sa bouée si je le voulais.
J'ai même une fois retrouvé Miss B, alors que Ditinho était parti à la pêche, amarrée à la bouée et pourvue d'une ancre de fortune fabriquée avec un méchant bout de corde et un vieil alternateur tout rouillé.

C'est ça que j'aime à Matariz, cette gentillesse, cette solidarité, cette entraide désintéressée... Et en même temps je me rends compte que ce qui me plaît le plus est d'ordre de l'estime de soi. Lorsque les gens me saluent, c'est moi qu'il saluent, pas mon portefeuille.
Voilà pourquoi j'aime cet endroit. En plus d'un paysage magnifique, d'une ambiance sereine, les habitants de ce village me font sentir que je suis moi. Moi, Gwendal, le Gringo Cachimbo

La Boiteuse
Un bon Coco bien frais !
Une des rue de Matariz
Ma pomme...

5 commentaires:

Unknown a dit…

Salut Gwen,
Je vois que tu as encore trouvé un endroit sympa où les gens semblent t'apprécier.
Ici en France et plus exactement à Hyères on a un temps un peu dégueulasse et grisouné, heureusement il fait très doux pour une fin de mois de novembre.
Je me suis trouvé au moins un point commun avec toi: j'ai acheté mon bateau aux Marines de Cogolin.
Mais un plus petit rafiot un 7 mètre Jeanneau tonic 23.
On se console comme on peut.
A bientôt, éclates toi bien pour moi.

Gwendal Denis a dit…

@Jean-Jacques : Oui, je vais regretter de partir d'ici... Mais bon, l'année prochaine je compte bien m'y arrêter de nouveau !
Et pourquoi pas traverser l'Atlantique avec ? J'ai bien croisé des jeunes sur un sangria...

Monique a dit…

Tu sais maintenant qu'il y a un endroit au monde où il est doux de vivre ! Veinard !! Bisous

Gwendal Denis a dit…

@Monique : Oui, celui-là je le note sur mes tablettes !

Terres de France a dit…

merci beaucoup pour ces belles photos, ca me rappel de tres bon souvenirs au Brésil !