dimanche 7 novembre 2010

Débriefing et philosophie

43°14'40.87"N 5°21'48.94"E
Pointe Rouge

Au petit matin...
J’ai longuement hésité avant que de décider à publier ce qui suit… Je l’ai écris, ça c’est une chose, mais cela en est une autre que de balancer sur la table sa propre incompétence.

Mais bon, j’avais dis que je le ferais, alors je le fais. Je parle de faire un petit bilan de ma mésaventure du dimanche 31, lorsque je me suis retrouvé en fâcheuse posture au large du cap Camarat.

Bon, commençons par le négatif.

Le bateau et moi n’étions absolument pas prêt, ça c’est clair.
Juste avant de partir, j’ai rajouté une bouée à fer à cheval et trois feux à main, ce qui fait que j’étais quasiment au clair avec la réglementation concernant l’armement côtier. Mais il me manquait quand même une boule de mouillage et un cône de marche au moteur pour être tout à fait en règle. Ainsi que, et là c’est beaucoup plus grave, des extincteurs en ordre de marche. Les miens sont périmés depuis avril 2009...

Pour ce qui est de la réglementation hauturière, il me manque :
-Un radeau de survie aux normes. Le mien est périmé depuis 2001...
-Trois fusées parachute, et deux fumigènes.
-Un livre des feux.

Mais la réglementation ne fait pas tout, et nombre de précautions doivent être prises même si elle ne sont pas gravées dans le marbre de la loi.

Du point de vue du matériel.

-Mon échelle de bain n’était pas à poste.
-Je n’ai pas de ligne de vie le long du passe-pont et dans le cockpit pour m’assurer convenablement.
-J’ignorais encore où se trouvaient la plupart des choses. Et même lorsque je le savais, je ne les avais pas regroupée de façon à trouver tout l’équipement sécu au même endroit.
-Je n’ai pas de voile de tempête…
-Ma barre de secours est au fond d’un coffre, inaccessible.
-Je n’ai pas de bidon étanche avec du matériel supplémentaire, vêtements secs, nourriture, eau, etc, pour compléter le radeau de sauvetage.

Dans le fond de mon seau...
Voilà, je crois que j’ai fait le tour de ce qui ne va pas et que je vais devoir remettre en ordre avant que de penser à repartir.

Ensuite au niveau personnel.

-Je ne connais pas encore mon bateau sous le bout des doigts.
-J’ai pris trop de liberté avec la météo en ne prenant en considération que les prévisions les plus optimistes. Et les plus pessimistes se sont produites.
-J’avais un horaire à respecter. Mais je reviendrais plus tard sur cet aspect des choses.
-Et plus spécifiquement par rapport à cet épisode : Je me suis planté dans ma manœuvre de prise de ris, en étarquant la bosse avant la drisse. Même si ce n’est pas cela qui a déchiré la voile, elle était d’après le voilier déjà fragilisée au niveau d’une des lattes, cela aurait très certainement conduit au même résultat.

Le côté positif maintenant :

Il n’y en a pas beaucoup j’en ai peur. La seule chose qui me vienne à l’esprit, c’est qu’en tant qu’individu j’ai plutôt bien réagit à la situation. Je n’ai pas paniqué, et j’ai su me débrouillé pour limité les dégâts. De même, j’ai plutôt été bon dans ma navigation.
Voilà, c’est tout.

Pour terminer, j’aimerais revenir sur les qualités et les défauts de mon bateau. Enfin, celles que j’ai deviné pendant ces trois jours, et compte tenu du fait que nous marchions au moteur.
Il est solide, ça je le savait. Mais de par sa forme et ses dimensions c’est un bateau exigeant. Il est plus a l’aise dans des allures de près, et va se révéler délicat à barrer par vent arrière. Et c’est quelque chose que je vais devoir prendre en compte lors de mes prochaines navigations.

Voilà, ceci étant mis sur le papier, il va me falloir agir en conséquence et remédier à tout ça. Et mon escale prolongée à Marseille va me permettre de le faire.

Au boulot !

Ma Grand-voile retrouvée
Ah oui, j’avais dit que je reviendrais sur cette histoire d’horaires à respecter…
J’ai compris une chose avec cette aventure, une chose qui déborde un peu des considérations purement marines et s’étend sur le terrain de la philosophie.

La vie du terrien se déroule à un rythme qui lui est propre. Une journée, c’est une journée, avec dedans deux demi-journées de travail (ou pas), du transport, en commun ou pas… Bref, la vie de l’homme ou de la femme moderne, intégré socialement, est basée sur une unité de mesure qui est grosso modo l’heure. Voire même la demi-heure, quand ce n’est pas la minute… Mais bon, prenons l’heure comme base de réflexion.

La vie en itinérance sur un bateau se déroule à un autre rythme que celui de la vie dite « normale ». Elle se déroule à la vitesse des anticyclones et des dépressions, à la vitesse de croisière du bateau… C’est-à-dire guère plus que quelques milles à l’heure. L’unité de mesure temporelle du manouche des mers c’est la journée.

Ca veut dire que mon temps à moi se déroule vingt-quatre fois moins vite que le votre… Ce qui veut dire qu’alors que vous regardez un film à vitesse normale, je le regarde pour ma part image par image…

D’où forcément un décalage lorsque ces vies se croisent. Parfois, rarement, les bobines des films arrivent à coïncider et deux mondes peuvent alors se croiser. Mais sinon, alors que vous vaquez à vos occupations quotidiennes, moi j’avance au ralenti.

... avec des pansements !
Prenez par exemple l’épisode de la semaine dernière. J’avais un rendez-vous à Marseille et j’ai dû m’y rendre à ma vitesse. Et cela m’a pris trois jours.
Si j’étais resté dans votre monde, cela m’aurait pris trois heures…
On est toujours dans un rapport de un à vingt-quatre.

Et c’est en voulant à tous prix faire coïncider les deux bobines que je me suis mis en danger…
Alors est-ce que cela veut dire que les deux mondes sont irrémédiablement incompatibles ? Non pas forcément. Cela induit juste que si l’on tient absolument à les faire se croiser, il faut tenir compte de ces deux vitesses et préparer le truc bien en amont…

Bon, je vais en rester là avec mes considérations philosophiques à deux balles pour aujourd'hui. Peut-être que je me plante complètement avec cette approche, et dans ce cas je compte sur vous pour me démentir. A moin que j’ai en partie raison… auquel cas la discussion est ouverte pour étayer tou ça.

Bon dimanche à tous !

13 commentaires:

cacahuette83 a dit…

Et bien, en voilà des questions! Je crois qu'à partir du moment où tu as une vie "différente", que ce soit sur l'eau ou ailleurs, à partir du moment où tu n'as pas d'attache (enfants par exemple, ou partenaire), tu es "à part"... Et de là, tu as une vie dite "marginale" et je pense que tu es en plein dedans et que c'est super pour toi car je pense que c'est ce que tu ressentais.... J'ai déjà vécu cette vie marginale, elle m'a plue un temps, mais je suis revenue dans "les rails"!


Gros bisous à toi et passe une bonne fin de dimanche

Gwendal Denis a dit…

@Cacahuette : Je ne pense pas que ce soit une question de marginalité, mais plutôt une question de vitesse de déplacement… Einstein l’a prouvé, le temps, l’énergie et la vitesse sont liés.
Imaginons que demain nous n’ayons plus de voiture… Et que ce rendre dans le département d’à côté demande des heures, voire des jours de voyage. Notre conception temporelle en serait alors certainement affectée.
Avant les gens mesuraient leurs déplacement non-pas en unité de mesure de distance, mais en journée de cheval… Dans le désert c’est encore une unité valable, mais avec des chameaux.
Je n’ai pas encore le fin-mot de cette histoire, mais je suis persuadé que ça a un rapport avec la vitesse.

Anonyme a dit…

Salut Gwen,
ça fait plaisir de te retrouver sur la mer Méditerranée...tu sais très bien en tant que Breton qu'il faut quelques temps pour s'amariner et s'habituer à un bateau.
Simplement, en navigation solitaire, tu n'as pas droit à l'erreur et là, on ne voit pas clairement ce qui t'ai arrivé (un vieux coup de mistral ?)...bon vent à La Boiteuse et à son capitaine, en attendant !
Pierre

Gwendal Denis a dit…

@Pierre : La Vache ! Content de te lire le Pierre !
Alors si tu veux savoir ce qui m’est arrivé, dans le détail, il faut te reporter à l’article intitulé « De Cogolin à Marseille ». Tu trouveras ça dans la marge de gauche avec les archives.
En résumé, j’ai subi un coup de tabac et j’ai pété ma GV. Mais bon, sinon ça va !

lucifer! a dit…

en fait,tu expérimentes la fameuse 4ème dimension . L'espace-temps .
Nous vivons speed et la planète se rapetisse .tu fais l'expérience d'une autre harmonie temps espace !
génial ?

Gwendal Denis a dit…

@Lucifer : Génial ? Je ne sais pas… Pas encore. Pour l’instant c’est surtout déstabilisant parce que j’ai encore un pied dans le monde des terriens. Mais lorsque je serais totalement passé de l’autre côté du miroir, je suis certain de voir des tas de choses que je ne pouvais voir avant. Déjà je les devine.

Philippe a dit…

c'est bien ce que tu fais, j'aime te lire;

aslan a dit…

Sinon tu t'achètes un jetski pour compenser :D

Monique a dit…

J'apprécie ton retour sur ce que tu as fait.

Réfléchir avant, agir, puis analyser simplement ce qu'on a fait.
C'est comme ça qu'on avance...sur terre comme sur mer et chacun dans le rythme dicté par la situation.

J'ignore si tu touches à la 4ème dimension, mais déjà, tu trouves la tienne et ça, c'est chouette !

cazo a dit…

Tiens le cap, t'es en plein sur la bonne route ;-) !!

Suffit pas de flasher pour faire un bout de chemin ensemble... si la grisaille du quotidien n'arrive pas à ternir le plaisir de vivre chaque jour, les tempêtes à détruire la relation, alors le couple se renforce et permet d'aller plus loin, toujours et encore plus loin... Tiens, ça me rappelle Corto Maltese ;-) !!

Quand débute une aventure, un voyage ? T'es en plein dedans, profite, déguste, prends le temps, amarine toi... te mets pas des dates buttoirs dans la tête, tu viens de faire l'expérience de la relativité du temps, ton temps n'est plus celui des terriens...

Ton temps, c'est le temps qu'il faudra, en tenant compte des éléments, des heures des marées et pas des derniers bus ou autre métros, etc. De toute façon, tu sais tout ça, depuis longtemps...

Gwendal Denis a dit…

@Philippe : Bon ça-y-est, j’suis rouge…

@Aslan : Hérétique !

@Monique : Mouais… Mais c’est pas évident. Il faut laisser un peu de pudeur de côté, plus de la fierté…

@Cazo : La relativité… C’est exactement ça. Tout est déjà relatif, et maintenant tout l’est encore plus.

Philutin a dit…

heu...Monique tu peux nous en dire plus sur..." Toucher la quatrième dimension"...?

Monique a dit…

Oui, Phil, mais pas en public...