dimanche 14 novembre 2010

Du vent dans les voiles

43° 8'1.14"N 5°45'18.64"E
Bandol

Et c'est parti !
Douze jours après m’y être arrêté lors de mon trajet aller, me voici de retour à Bandol.
A la même place qui plus est.
Il est six heure. Tard comme horaire pour se lever… Inhabituel plutôt, compte tenu de mes habitudes. Mais c’est un peu normal après la journée d’hier.

Comment vous décrire cette journée ? Magnifique, splendide, super-tip-top-géniale ?
Le mieux est peut-être que je vous en fasse le récit, comme ça vous vous ferez vous-même une idée.

Je suis parti de la Pointe Rouge un peu à la bourre. Enfin, un peu plus tard que je ne l’avais prévu… C’est de ma faute, car préparer un bateau pour la navigation, c’est du boulot. Lorsqu’on est à quai, et a fortiori depuis un bout de temps, on a tendance à s’étaler… On sort des tas de trucs des équipets, des coffres, et comme on sait que l’on va s’en resservir, et bien on ne les range pas.
C’est vrai que le bateau est un symbole de liberté, qu’on peut larguer les amarres quand on veut… Oui, c’est vrai, mais pas sur un claquement de doigt. Bref, j’ai perdu du temps à tout mettre en place.
En plus j’ai trainé un peu avec les plongeurs qui s’apprêtaient pour la journée. On a pris un dernier café, discuté des projets de chacun… On s’est dit qu’on se reverrais sans doute en février ou en mars lorsque je prendrais définitivement la Route.

Con-temps !
Il était 09H15 lorsque j’ai largué les amarres. Un petit arrêt à la pompe pour rajouter du gasoil et me voilà parti.
Dans la baie le vent est… Faible. Très faible même. Mais je m’en fout, j’ai trop hâte de naviguer enfin à la voile, alors je sors tout ce que j’ai. La GV haute, le Génois déployé en grand, je cherche le moindre souffle d’air.
Le vent est variable comme on dit. Et variable dans le langage météorologique ça veut dire qu’il n’arrête pas de changer à la fois en intensité et en direction.
J’ai du mal à trouver une allure. Le Génois se gonfle de temps en temps et s’affaisse lamentablement dans les secondes qui suivent. Et moi je me traine à moins de deux nœuds…

Vers onze heure, j’en ai marre. Je suis toujours en face de Marseille, et je n’ai pas envie d’y passer la journée. Je remballe le Génois et je mets le moteur en route, me disant que, peut-être, si je m’écarte un peu plus de la côte… Une demi-heure se passe, je refais un essai sous voile… Le vent à tourné au Sud-est comme c’était prévu, mais reste désespérément insuffisant pour faire avancer le bateau à plus de deux nœuds.

Re-moteur, et cap sur le danger isolé de la Cassidaigne. Dans ma tête je me dis qu’une fois là-bas il ne me restera plus que 9 milles à parcourir, et que si je dois les faire à deux milles à l’heure, et bien je pourrais rallier Bandol sous voile et avant le coucher du soleil.
Bonne pioche. A la Cassidaigne j’ai droit à un petit zeph léger-léger mais suffisant pour faire avancer ma monture à 3,5 nœuds au près.

Enfin !

Tranquille !
Enfin, je n’ai plus le bruit incessant du moteur dans les oreilles. Enfin, je peux profiter pleinement des capacités de mon bateau… Enfin, je profite vraiment. Je suis bien, la gîte est légère, l’étrave fend les vagues avec une aisance qui confine à la magie. Je suis exactement là où je voulais être, à un moment choisi par moi… Je suis à ma place.

Pour fêter ce moment je m’offre un sandwiche au pâté de campagne. Pendant que je mange, je croise nombre de voiliers qui font route dans le sens inverse et qui eux marchent au moteur. De les voir ainsi me rempli d’une espèce de fierté. Une fierté qui a bien meilleur goût que le pâté de supermarché croyez-moi !

Au fur et à mesure que s’avance l’après-midi le vent se renforce peu à peu et mon canote accélère. 3,5 Nœuds… 4... 4,5... 5,5...
YES ! Je vais aussi vite qu’au moteur ! Le bruit et la pollution en moins.
Du coup Bandol se rapproche à vitesse grand V. Je vire de bord pour aborder l’approche avec un angle satisfaisant… C’est marrant, le Tom Kyle (pas encore la Boiteuse, hein ! Mais c’est pour bientôt !) est plus à l’aise lorsqu’il est bâbord amure. C’est-à-dire lorsque le vent le frappe par la gauche… Je me dis que c’est normal puisque le réservoir à gasoil est à tribord et je viens de faire le plein. Il gîte donc mieux et sa coque offre moins de résistance à l’eau. Il est plus à l’aise et va plus vite ! SIX NŒUDS ! SIX NŒUDS VIRGULE UN !



C’est le pied. Le pied intégral.

Un petit coup de compas de relèvement… Ok, on revire de bord. Yes ! Pile poil dans la ligne de foi et toujours au près serré. Trop fort le Gwen !
Je passe l’îlot de Bendor et déboule littéralement dans la baie de Bandol à pleine balle au milieu des nombreux plaisanciers qui rentrent au bercail. Je rattrape un 40 pieds également sous voile mais apparemment mal réglé, le double à pleine vitesse, lui fait un petit coucou au passage. J’enroule mon Génois dans la foulée et vire devant lui pour me mettre face au vent et affaler ma GV. Je sais que c’est puéril, mais j’ai envie de faire de l’épate.
La manœuvre est superbe. Impeccable.

Photo !
Mise en place des pare-battages, des deux pointes arrières, et me voilà un quart d’heure plus tard dument amarré au ponton visiteur.
Là encore, et ce n’est pas pour me la péter, la manœuvre a été… Splendide !

Bon d’accord, je me la pète un peu… Mais franchement il y a de quoi. Je sais reconnaitre lorsque je fais des connerie, aussi je pense avoir le droit de me rengorger lorsque je fais les choses bien. Non ?

Passage à la Capitainerie. Vous restez combien de temps ? Heu… je ne sais pas. Une nuit c’est sûr, peut-être deux. Ca dépendra de la météo.

Et c’est comme ça que je me suis retrouvé à bon port, bien au chaud, après une journée que je qualifierais de magnifique.

Repos...
Maginifique certes mais aussi épuisante puisque sitôt mon diner avalé il m’est venu un méchant coup de barre qui m’a conduit directe dans ma niche. Un peu de lecture pour amorcer la pompe à sommeil, et à 21H00 extinction des feux ! Et c’est à six heures du mat que je les ai rouvert.

J’ai rouvert les yeux, et j’ai alors entrepris d’essayer de répondre à la question du Capitaine. Qu’est-ce que je fais ? Je pars ou je reste un peu ?
Dehors j’entends les drisses qui frappent aux mâts. Le bateau bouge sur sa pendille… Pas bon ça. Je m’avale deux bons moques de café pour m’éclaircir les idées, et je commence à rédiger ce texte.
Huit heures du mat, je prends la direction de la Capitainerie pour m’enquérir des prévisions de la journée. Pas bon. Enfin, quand je dis pas bon, j’entends pas agréable. Du Sud-est force 5 fraîchissant dans l’après-midi… En plein dans l’axe de ma route.
En plus j’ai le cap Sicié à passer… et Sicié par vent d’Est, c’est pas de la tarte. Demain il y aura moins de vent mais de la houle, alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse…
Je m’accorde une cigarette pour me donner le temps de réfléchir et de prendre une décision…

Bon allez ! On est pas aux pièces, c’est décidé je passe le dimanche à Bandol.

Sur le chemin du retour je repère un peu les lieux avec mon vélo. Je déniche le bar qui dispose d’un accès internet et que m’a indiqué le Capitaine du port. Une petite supérette pour racheter les trucs que j’ai oublié… Ok, c’est tout bon.
Je n’ai plus qu’à mettre un point final à cet épisode, préparer quelques photos pour illustrer tout ça. Une liste des courses aussi. Et puis on va aller squatter ce bar et vous envoyer tout ça.

Et puis on va faire un peu de tourisme aussi ! Il n’y a pas de raison…

Demain, si Neptune le veut bien, on prendra la direction de Hyères. La ville des palmiers !

20 commentaires:

Gildan a dit…

21h00, une soupe et au lit ! Donc tu n'as pas su que Fillon avait démissionné ! Quel bonheur d'être d'ailleurs !
:^)

shandoah a dit…

Bonjour,

Je viens de retrouver un dossier très complet qui aide à préparer le voyage. Il faut aller sur le site
www.thoe.be
J'ai commandé le dossier technique en CD et il y a plein d'infos pratiques.

Monique a dit…

Quand je vois comme tu te régales rien qu'entre Marseille et Bandol, je n'ose imaginer ce que ça va être dès que tu auras passé la Corse !

biz et bravo pour le récit, photos et vidéo ...on y est !!!!

cacahuette83 a dit…

Superbe ta vidéo! Et puis dis-donc, ça y est, tu es marin! Tu as vu le tannage de ta peau! Waouh! Un vrai loup de mer!

Merci pour tes reportages vraiment superbes qui nous font voyager avec toi!

Gros bisous et bonne soirée!

Captainhaka a dit…

On sentirait presque l'odeur de la mer !!!!!!!
Merci pour les vidéos.

Gwendal Denis a dit…

@Gildan : Je l’ai entendu sur France Inter ce matin. Il précipite les choses le Nain. Il a hâte de passer à autre chose et de se lancer dans la reconquête de l’opinion public… Maintenant qu’il sait que les syndicats n’ont pas de couilles, c’est du pain bénit pour lui.

@Shandoah : Chouette, encore un lien utile ! Merci !

@Monique : Ouais c’était le pied… Surtout vers la fin : Du vent, du soleil, et tout qui se passe bien ! J’en profite avant que cela ne se gâte. Car ça se gâte toujours, et c’est pour ça qu’on apprécie autant.

@Cacahuette : Ce matin j’ai acheté de la crème pour mon visage et mes mains. Le hâle c’est bien beau, mais ça assèche la peau !

@Captainhaka : Du bel et bon sel bien iodé !

aslan a dit…

Je me disais, Gwen, que c'était bizarre cette insistance que tu avais à souligner ton changement de rythme.

De si loin que je le connaisse, me disais-je, Gwen est un capitaine. Bizarre qu'il sente un changement aussi abrupte dans son existence: même si le saut est énorme, et il l'est, j'en conviens, le gars est un bougre de roc, d'arbre ou de tout ce que vous voudrez qu'on ne bouge qu'à la pelleteuse. Ainsi je m'étonnais quand une évidence m'a frappé.

Ca y'est Gwen, tu l'as fait! Tu t'es libéré de ta télé :D

aslan a dit…

Connerie à part, tu marches à la vitesse d'un homme à pied, grosso modo. Deux fois plus vite si la route est droite et le vent est bon et deux fois plus encore si tu ne cabotes pas une journée. J'ai bon?

Ca met Nice/Calvi à deux nuits de mer, non? Je dis ça pour me faire une idée parce que la côte Ligure ça sonne pas dégueu. J'essaye de me faire à l'échelle. Ca donne quoi la Méditerranée en hiver d'après la tradition marine? Comme t'es passé en mode de locomotion déca-millénaire doit y avoir de la matière sur le sujet.

Gwendal Denis a dit…

@Aslan : Libéré de la télé ? Euh… Oui on dirait bien. Mais pas d’internet par contre. Et là, quelque chose me dit que ce sera un peu plus difficile de couper le cordon.
Sinon, Pour répondre à ta question sérieuse, il est admis que pour faire Nice-Calvi il faut en gros 36 heures. Soit deux jours et une nuit en mer.
Tout dépend de l’état de la mer bien sûr, et de la saison. En hiver, la méditerranée est pareille qu’en été, mais en pire. C’est-à-dire que le caractère imprévisible est accentué, les changements de vents (direction et force) sont plus brutaux et de plus grandes amplitudes… Du fait de la « petitesse » du bassin et de la force des vents, la houle est courte, souvent croisée (deux perturbations au même moment qui font des ronds dans l’eau et dont les ondes se croisent).
Le bon côté de la chose, c’est que l’eau est à 15°C en moyenne l’hiver (17°C en ce moment), et que l’on peut avoir de très belles journées bien chaudes et ensoleillées.

Bref, la méditerranée en hiver c’est un très bon terrain de jeu pour qui veut apprendre la réactivité et l’improvisation.
Bon, j’y go. J’ai le cap Sicié à passer aujourd’hui.

philippe a dit…

avant on pouvait dire qu'elle était dangereuse entre novembre et avril inclus, à présent c'est toujours vrai et on peut rajouter à peu de choses près qu'elle peu l'être en été aussi... c'est le progrès

Philippe a dit…

comme je suis jaloux de toi je me suis dit que j'allais écrire le récit d'un marin qui navigue dans sa salle de bain avec pour titre aujourd'hui:

De la mousse à raser dans les poils

Monique a dit…

Messages du jour :

"8H45 :Départ Bandol"

"16H 51 : Hyères me voilà !"
bisous
( les bisous, c'est pour moi !)

Le voilà donc à Hyères, soit à mi- chemin entre Bandol et les Marines de Cogolin ,avec passage au large de Porquerolles,si je ne m'abuse !

Ici, juste un peu plus au nord, la météo pourrie de la journée m'avait laissé croire qu'il attendrait encore un peu pour prendre la mer...Wait and see...

cacahuette83 a dit…

Super! Merci beaucoup à toi Monique de nous tenir au courant! Je l'ai eu hier avant son départ, donc grâce à toi, je sais qu'il va bien!

Bisous à toi et gros bisous à Gwendal lorsque tu pourras me lire!

Gildan a dit…

Géniales ces infos Monique !
Mais on prend aussi les bisous du captain' !
:^)
On lui en donne même !
Et je confirme l'île de Porquerolles est au large de Hyères !!! C'est très beau là bas...par beau temps !

Monique a dit…

Tu vois , tout le monde t'accompagne ..et en plus on se mouille avec toi :Phil qui fait de l'écume dans son bain, moi qui clapote sous la pluie et tous, qui te font des bises humides...
Sacré veinard!

Philippe a dit…

et moi comme un con dans la baignoire qui rêve de l'Aberwra'ch, de la libenter et de la route qui mène au Fast net

lucifer! a dit…

plein de bisous pour toi Mob !
des p'tits, des gros, des doux , des secs,
colorés, légers ,odorant le printemps , le muguet, les narcisses , des envols, des rafales, des multicolores au creux des criques ,des éclatants aux pics du Tibet , des secrets ,des brulants (!) des bisous à la tarte tatin et d'autres au ratafia de Champagne ...
des bisous ...

cacahuette83 a dit…

Hello matelot! J'espère que tu as réussi à avancer avec ce temps plus que pourri!
Je t'embrasse et mes enfants te font tout pleins de câlins pour te réchauffer!


Bisous!

cacahuette83 a dit…

Hello matelot! J'espère que tu as réussi à avancer avec ce temps plus que pourri!
Je t'embrasse et mes enfants te font tout pleins de câlins pour te réchauffer!


Bisous!

Gwendal Denis a dit…

Houla ! Y’a du monde se soir…

@Philippe : Je crois qu’on peut les dire, elle est casse-gueule, piégeuse, fourbe, traitresse… Tout. Mais bon, en contrepartie elle est chaude et y fait soleil souvent (sauf en ce moment).
C’est pas beau la jalousie, l’envie c’est mieux. Et ça te donne envie d’écrire des histoires, tant mieux !

@Super-Momo : Je me demande bien ce que je ferais sans toi… Merci.
Sinon, et bien non, la météo ne m’a pas retenu. F5, F6, rafales à F7 aujourd’hui, a pas peur le Gwen ! Mais il gaffe quand même.

@Cacahuette : Des bisous ! Des bisous ! Des bisous ! Encore des bisous !

@Gildan : C’est beau aussi quand y fait moche ! Enfin… presque !

@Lucifer : Tarte Tatin ? Je prends !

@Cacahuette : V’là que tu bégayes maintenant ! Tout va bien rassure-toi.