16°53.203N
24°59.470W
Mindelo,
ile de São Vicente
Bon
allez, il est temps. Les fonds sont sur le point de regorger de vivres pour au
moins trois semaines, avec stock de bananes, de papayes et de mangues. Les
réservoirs d’eau et de gasoil sont pleins. La coque est nettoyée, les winchs
graissés et les voiles révisées. On peut y aller, et on va y aller. Le départ
est programmé pour ce jeudi 28 juin, demain donc, aux alentours de midi.
Je
sais, je n’ai pas été trop disert ces derniers jours et vous êtes peut-être un
peu surpris de ce départ soudain. C’est exprès.
En
fait, je ne voulais pas vous infliger, ainsi qu’à moi-même, un faux départ si
par ailleurs mes projets venaient à être modifiés. De plus, je commence à me
connaitre, le fait de fanfaronner à l’avance sur mon départ n’aurait fait
qu’ajouter à ma pression.
Car
pression il y a je vous prie de le croire. J’ai beau avoir essayé de ne pas
trop y penser, mais il suffit d’énoncer à haute voix ce que je m’apprête à
accomplir pour que soudain mon souffle et mon cœur s’accélèrent. Je vais faire
la traversée de l’Atlantique en solitaire.
Dit
comme ça, j’ai conscience que ça a une certaine classe... Ça le fait, comme on
dit, et ça le fera encore plus lorsque je conjuguerai cette phrase au passé
composé. Mais j’ai conscience aussi que l’aura qui entoure cette phrase est
quand même un peut surfait. Je vais peut-être décevoir certains d’entre vous,
mais une transat, c’est quand même assez simple. Je vous parle d’une transat
classique hein ? Genre Cap Vert-Caraïbes en plein mois de janvier, avec
des alizés puissants et bien établis.
Et
bien dans ces conditions vous n’avez pas grand-chose à faire. Vous hissez vos
voiles au départ et vous n’y touchez plus, vous vous glissez sur les rails...
Et hop, quinze jours plus tard vous êtes sous les cocotiers à boire des
ti-ponchs.
En
ce qui concerne la Boiteuse, et sans vouloir en rajouter non plus, ça va être
une toute autre limonade... Car je vais avoir le fameux Pot au Noir à
traverser. C'est-à-dire une zone ou les vents sont instables,
multidirectionnels, voire même inexistants. Bref, d’un point de vue strictement
navigatoire (oui, j’invente des mots si je veux), je vais avoir à chercher le
vent et essayer de tirer le meilleur parti des qualités de ma Boiteuse.
Remarquez,
l’avantage de la chose c’est que je ne risque pas de m’emmerder. Mais en même
temps je ne vais pas aller très vite non-plus... Bref, il va me falloir allier
à la fois technique et patience.
J’ai
décidé de rallier le Brésil par la marina de Jacaré, près de la ville de
Cabedelo (Position : 07°02.71264S 34°51.3761W). Juste au nord de la grande
ville de João Pessoa. D’après mes lectures et le bouche à oreille, c’est là un
point de chute idéal, à la fois pour aborder le Brésil, mais aussi pour y
séjourner... M’enfin, on verra bien sur place, mais je ne vous cache pas que
j’ai hâte de découvrir cet endroit. Et le fait d’y retrouver mes copains
Stéphane, Séverine, Hugues, Caroline, et les deux puces Lily et Betty, n’y est
pas étranger non plus.
Voilà
chers lecteurs, je vais vous laisser pendant quelques semaines et on se
retrouve de l’autre côté ! Sérieusement, vous imaginez un peu ? Un
autre continent, un autre pays... Une autre vie peut-être ? J’ai
l’intuition que ça va être bien.
Et
puis si c’est pas bien, on ira voir ailleurs !
PS :
Ne commencez pas à me demander combien de temps cette traversée va prendre, je
vous enverrai bouler. Disons que vous pourrez commencer à vous faire du souci
si vous n’avez pas de nouvelles d’ici un mois ! Pas avant !