12°53.377S
38°41.045W
Itaparica,
Bahia
32° à l'ombre... |
S'il
est un sujet que je répugne à aborder, c'est bien celui de
l'argent. L'argent qui corrompt tout, qui sali tout, mais qui en même
temps, horrible paradoxe, me permet jusqu'à présent de parcourir le
monde sans trop me soucier de l'aspect improductif de mon voyage.
En
bon Français et pur rejeton des idéaux de la Révolution, j'ai
toujours considéré que de parler d'argent avait quelque chose de
profondément indécent. Je ne marchande jamais car je trouve ça
vulgaire, et lorsque au détour d'une escale un malpoli me pose de
but en blanc la question sur mes moyens de subsistance je ne peux
m'empêcher d'être agacé. Est-ce que je me permet de demander
comment untel a pu se payer son bateau ? Non. Est-ce que je
m'inquiète de savoir quel métier un autre exerce ou exerçait ?
Jamais. Est-ce que cela a une importance par rapport à la
conversation que nous sommes en train d'avoir et à la façon dont je
vais appréhender la relation avec l'autre ? En aucun cas.
Et
si je ne pose pas ces questions qui pour moi sont indiscrètes, ce
n'est pas parce que je m'en fout, ni même par pudeur, mais parce que
je considère que cela n'a que très peu d'importance sur le fait que
nous soyons là, deux personnes en train d'échanger leur expérience
de vie.
Cela
dit, si je réagis ainsi c'est essentiellement pour des raisons
culturelles et morales. J'en ai conscience. Depuis que je voyage, je
suis confronté aux différences culturelles et c'est tant mieux.
C'est le sel du voyage et probablement sont principal intérêt. Par
contre, et c'est là que les choses se compliquent, je me suis rendu
compte que la morale a tendance à fluctuer elle aussi (Même
si ce n'est pas avec la même amplitude heureusement). Or, la morale
ce n'est ni plus ni moins que le filtre avec lequel vous faites la
différence entre le bien et le mal. Alors, autant il peut être
facile de s'adapter à d'autres cultures, autant lorsqu'il s'agit
d'une chose aussi fondamentalement personnelle que la notion de bien
et de mal, cela devient beaucoup plus difficile. Voire même
carrément impossible dans les cas les plus extrêmes.
Par
exemple pour moi, faire étalage de son pognon, s'enquérir des
moyens des gens pour les situer sur une échelle sociale prédéfinie,
corrompre des gens parce qu'il se trouve qu'on en a le pouvoir,
pigeonner un touriste étranger qui ne parle pas la langue, j'en
passe et des meilleurs, tout ça c'est mal. Alors que dans certains
pays, certains milieux, ces pratiques peuvent être couramment
acceptées comme étant la norme... Voire même, dans les milieux les
plus pourris, ce qui est mal c'est de ne justement pas se livrer à
ces vilenies !
Police Environnementale... Une bonne idée. |
Mais
bon, là n'est pas le sujet du jour. Enfin si, peut-être un peu.
Disons que si je viens d'écrire toutes ces lignes c'est un peu pour
vous expliquer que mon rapport à l'argent est plutôt conflictuel et
qu'en parler n'est pas quelque chose de facile. Mais je vais quand
même essayer !
Alors
pourquoi est-ce que je vous parle d'argent si je n'aime pas ça ?
Et bien parce que depuis quelques mois déjà je me préoccupe de
voir mon compte en banque baisser. Oh rassurez-vous, je ne suis pas
encore à la rue ! N'allez pas vous précipiter sur mon compte
Paypal pour vous fendre d'une obole parce que vous craignez que votre
serviteur n'ait plus de quoi se payer son kilo de langouste !
(La semaine dernière je m'en suis offert pour la première fois de
ma vie : 10 € le kilo ici à Salvador) Mais le grand garçon
que je suis, sans pour autant en être à remettre en question ce
voyage, ni même mon mode de vie, est bien obligé de constater que
s'il ne fait rien dans les prochain mois il risque de se retrouver
sans argent en plein milieu du Pacifique. Zone qui en plus d'être
chère n'est pas vraiment propice aux occasions de faire du pognon.
L'Atrevida, un terrain de jeu de 80 pieds pour Touline ! |
Et
c'est là que se pose la grande question. Qu'est-ce qu'un type comme
moi peut bien faire pour engranger du pognon ?
Au
début, je vous confesse que je caressais l'espoir de vivre de mes
écrits. Mais avec le temps, je suis bien obligé de constater qu'à
part déblatérer sur ce blog de temps en temps, je n'ai pour
l'instant pas les épaules pour devenir un « vrai »
écrivain. Ni le goût pour l'effort qu'implique cet exercice, ce qui
explique pourquoi mon roman est au point mort depuis deux ans. Quant
à monétiser ce blog comme il m'a été suggéré de le faire encore
récemment, c'est tout à fait hors de question rapport à ce que
j'ai écrit plus haut, ainsi qu'au fait que je méprise profondément
les gens qui font de l'argent avec du rêve. Le rêve, si tant est
que ma vie en est un, cela se partage. Ce n'est pas une marchandise.
Je sais que j'ai pas mal de défaut, mais je ne suis pas un escroc.
Hors
donc, puisque a priori je ne vais pas pouvoir être payé à rien
foutre, il va bien falloir que je me salisse un peu les mains. Et
c'est là que ça se complique... Car en dehors du fait que j'ai un
peu (beaucoup) perdu l'habitude de travailler, se pose la question
angoissante : Quoi faire ? Et ce n'est pas comme si je
devais choisir entre une multitude de possibilités, car à
quarante-sept ans, et étant donné mon parcours professionnel, mes
choix sont très limités...
Je
vous fais grâce des interminables réflexions qui m'ont amené à
une telle conclusion, mais en clair je ne vois que deux possibilités
d'emploi en ce qui me concerne. Soit je renoue avec mes anciens
amours et dans ce cas je peux donner des cours à une jeunesse en
voyage comme je l'avais fait à Agadir il y a deux ans. Soit j'arrive
à me faire embaucher dans une marina comme employé (voire même
gérant pourquoi pas) multilingue et pas trop dépassé par les
choses de la mer.
Navichatrice Solitaire |
Et
c'est là que les choses se compliquent encore plus ! Car si
l'on réfléchis en terme de bassin d'emploi (T'as vu Dominique je
sais encore utiliser les termes ad-hoc !), la première
possibilité (donner des cours) devrait logiquement m'emmener vers
une zone où l'on parle français et où les bateaux de voyages sont
nombreux : La Martinique par exemple. Alors que pour la seconde
possibilité je pense que je rencontrerais plus d'opportunités vers
l'Amérique Centrale...
Donc,
une fois arrivé à Trinidad et après avoir réalisé les travaux
nécessaires à La Boiteuse, il va me falloir prendre une décision.
Soit je me dirige vers l'arc Antillais (sachant que je dois tenir
compte de la période cyclonique), sois je file comme prévu depuis
un an, vers le Venezuela, la Colombie et Panama.
Voilà
donc où j'en suis de mes réflexions. Et ça mouline depuis des
semaines dans mon cerveau, croyez-moi.
Alors
bien sûr, si je vous ai raconté tout ça c'est à la fois pour le
mettre noir sur blanc afin de m'éclaircir les idées, mais également
pour vous mettre à contribution ! Allez-y, balancez-moi vos
idées, vos suggestions et vos conseils ! Vu l'état de
confusion dans lequel je me trouve, je suis preneur de tout et
n'importe quoi.
Sinon
à part ça tout va bien. Touline et moi nous profitons du confort
que nous procure la marina d'Itaparica. Elle en jouant la star des
pontons, et moi... Ben moi je peux enfin regarder un film sur un
grand écran, et je peux utiliser toute l'électricité que je veux
sans me préoccuper de l'état de mes batteries. Pour l'instant, je
peux encore me le permettre, mais je sais que dans un certain temps
je ne le pourrais peut-être plus... Alors j'en profite !
On me voit bien là ? |