43°25'24.12"N 6°45'52.28"E
Saint-Raphaël
Ah mais quelle journée mes aïeux ! Quelle journée !
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Le soleil comme ami |
Comme vous l’avez lu, j’avais pas mal de route à faire ce mardi… La plus longue étape de mon programme si je ne m’abuse. 40 milles de Hyères à Saint-Raphaël.
Alors j’ai décidé de partir tôt, et manque de bol la capitainerie n’ouvrait pas ses portes avant huit heures… J’ai donc dû poireauter. Note pour plus tard : Lorsqu’on prévoit de partir tôt, payer sa place la veille.
J’ai donc mis les bouts à 08H20. La baie de Hyères brillait comme un miroir avec juste un rayon de lumière qui transperçait les nuages. C’était vachement joli !
Par contre, dès que je portais mes yeux vers l’Est, ma destination, une espèce de nuée sombre obscurcissait tout. On aurait dis que je me dirigeais vers le Mordor…
Mais bon, pour l’instant tout allait bien et je traçais tranquillement au moteur pour me sortir de ce lac. Quelques minutes plus tard, je jette un coup d’œil à ma copine Madame Girouette et je vois alors son drapeau aller dans un sens différent de celui de la marche… Chouette ! Du vent ! Et du travers en plus ! (c’est bien comme allure le travers).
Aussi sec, je hisse la garde-robe et je coupe mon moteur. Superbe. Comme le vent vient juste de se lever, la mer est aussi lisse que la peau d’un bébé. Bref, je fends les flots avec classe et célérité. Le GPS indique que je fais du 5,5-6 nœuds…
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Monsieur Pilote au travail |
Tout à coup, alors que je me disais combien ces conditions étaient merveilleuses, je sens comme une main gigantesque se saisir du bateau.
Je ne me rappelle plus ce que je faisais à ce moment là, mais je me souviens très bien de cette sensation d’être emporté par une force invisible. Je m’accroche comme je peux et en même temps j’entends deux bruits très différents.
Le premier c’est le bruit du sillage. Enorme ! Une sorte de rugissement. Le second, plus discret c’est un bruit qui fait bip-bip-bip-bip-BIP-BIP-BIP !
Et là je réalise, une bourrasque d’une force incroyable vient de faire lofer ma monture, et le rugissement c’est le bruit que génère le safran en tentant de résister. Et le bip-bip c’est tout simplement le pilote automatique qui me hurle de faire cesser cette torture. D’ailleurs lorsque je le regarde enfin, il est complètement coincé à contre, débrayé. Je réagis enfin et me saisi alors de la barre avec la main droite, et de la gauche j’empoigne l’écoute de GV et je la choque en grand. Aussitôt le bateau retrouve une assiette normale.
Ouf ! On a eu chaud ! Mais d’où il sort ce vent ? Je n’ai absolument rien vu venir… Du F7 à vue de nez…
Un frisson me secoue tout entier. Heu… T’aurais peut-être dû prendre un ris ou deux ma grand, tu ne crois pas ? Et puis le Génois déroulé en grand, ça fait beaucoup quand même…
Je repense à Aslan et à sa question à la con… D’ailleurs c’est bien simple, je crois que dorénavant à chaque fois que cette mer méditerranéenne me fera un coup de pute je penserais à lui !
J’enroule alors le Génois de moitié, et je règle le chariot de la GV pour la déventer un maximum sur le haut, histoire de faire dégueuler le trop plein de puissance. Il aurait fallu que je prenne un ris pour bien faire, mais franchement avec ce qu’il vient de se passer, je ne suis pas trop chaud pour aller me balader sur le pont… Et je reprends donc ma route.
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Le fort de Brégançon |
Les trois heures qui suivirent furent du pur plaisir. Enfin, si on veut. Pendant trois heure j’ai marché au minimum à 7 nœuds (avec des pointes à 8,5 !), ce qui m’a quand même obligé à rester sur le qui-vive en permanence. De temps en temps, lorsque je sentais que le pilote avait du mal à suivre les sautes de vent, je prenais la barre et faisais gagner un peu de cap et de vitesse supplémentaire. Plutôt fatiguant comme séquence, mais oh-combien plaisante.
Bientôt des repères de sinistre mémoire se présentent sur bâbord. Le fort de Brégançon, le cap Lardier, le cap Taillat, le cap Camarat… Je regarde cette côte, ces caps, et je me remémore dans quelles conditions je les ai déjà croisé. C’était le 31 octobre et je me faisais brasser comme dans une lessiveuse.
Cependant, là les conditions sont quand même différentes. Il y a probablement autant de vent, mais comme celui-ci vient de la terre, il n’a pas le temps de générer de houle. Je trace comme jamais je n’ai tracé.
Du coup, moi qui pensais avoir du mal à boucler mon étape avant la nuit, et qui m’étais préparé à un atterrissage de nuit, je commence à entrevoir la possibilité d’arriver bien plus tôt que prévu. D’ailleurs, Saint Raphaël est là, juste dans mon étrave. Je la vois maintenant. Plus qu’une dizaine de milles à parcourir au près serré…
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Ça gîte ! |
Très serré même le près. Avec une gîte de 35°, plus question de demander à Monsieur Pilote de barrer à ma place. De temps en temps, une rafale essaye de coucher le bateau, et je dois m’arque bouter pour résister. Je commence à avoir mal aux jambes et au bras… J’ai l’impression d’être en régate. Il ne se passe pas une minute sans que je n’ai besoin de border ou de choquer une écoute, d’enrouler ou de dérouler un bout de Génois… Bref, je suis pas mal occupé.
Et c’est là que le téléphone sonne.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore bien ma vie, il faut savoir qu’il est plutôt rare que quelqu’un m’appelle. Et donc, si le téléphone sonne, c’est que c’est important. Mais bon, là j’avais les mains un peu occupées et j’ai dus attendre de mettre le bateau sur une allure moins casse-gueule avant que d’aller voir ce qu’on me voulait.
C’était ma très chère Monique qui s’inquiétait pour moi !
En fait, dans la vallée du Rhône il faisait un Mistral à décorner les bœufs, et elle se faisait donc du souci. Sauf que là où j’étais il y avait du vent certes, mais pas autant qu’en Camargue où ils annonçaient du force 9 ! Ca fait du 75 à 88 Km/h quand même.
J’ai donc rappeler dans la foulée pour la rassurer.
Ca fait bizarre d’avoir une amie au bout du fil alors qu’on est en mer (c’était une première pour moi, et pour elle aussi j’imagine). J’ai essayé d’être le plus rassurant possible, mais je me doute qu’elle a quand même du entendre le bruit que faisait le vent et la pluie qui tombait drue à ce moment là.
T’inquiète Momo ! Je suis presque arrivé ! Saint Raphaël est juste en face de moi ! Je t’embrasse !
Et alors que je venais de raccrocher, une minute à peine après, et que j’entamais la traversée du golf de Saint-Tropez, voilà que tout à coup le vent disparait. Plus rien. La pétole. Incroyable !
Oh non, tu vas pas me faire ce coup-là hein ? Me suis-je dis. J’y étais presque…
J’ai attendu, attendu, attendu… Mais peine perdue, Madame Girouette restait désespérément inerte. Un peu déçu, j’ai rangé la voilure et allumé le moteur.
Et une heure et demi plus tard, je m’amarrais au vieux port de Saint-Raphaël.
Au final j’aurais mis huit heures pour faire 40 milles. Soit une moyenne de 5 nœuds. Autant vous dire que je suis plutôt content de moi.
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Saint-Raphaël |
Une fois à quai, je me suis enquis d’un point wifi, mais le seul que j’ai pu trouver ça a été le Mac Do… Et en plus ça ramait… Deux heures pour télécharger la vidéo que vous avez pu voir !
En attendant, et bien j’y ai mangé (oui je sais, j’irais en enfer pour ça), et puis lorsque je suis rentré vers 20H30, je me suis écroulé sur ma couchette. Vaincu le Gwen. Mort.
Bon, là il est actuellement cinq heures du matin… Je vais aller prendre une douche (j’en ai besoin !) et je vais me préparer à partir pour ma dernière étape.
33 milles à parcourir pour rallier mon port d’attache, Villefranche sur Mer.
La météo prévoit du vent de secteur Nord, de force 2 à 4. Autant dire que ça va être du gâteau en comparaison des deux dernières journées.
En plus, on va terminer cette balade de 122 milles nautiques comme elle avait commencée, sous le soleil. Et avec un peu de bol, ce soir je dors dans mon lit !