34°26.602S 58°31.795W
Buenos Aires, Argentine
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Dernières couleurs automnales avant longtemps |
O5H15 du matin, je
me suis encore levé trop tôt ce matin. La faute à une prostate de
plus en plus présente et à une chatte envahissante. Griotte sur le
clafoutis, l'internet est en rade depuis hier au soir, et
l'électricité coupe par intermittence... Il fait nuit noire, il
caille, c'est le moment idéal pour écrire quelques mots en
profitant des deux heures de batterie qu'il me reste.
Mon séjour en
Argentine touche à sa fin. Dans quelques jours, samedi ou dimanche,
je vais reprendre ma route de navigateur solitaire vers des contrées
plus chaudes. La Boiteuse est prête, autant qu'elle puisse l'être.
J'ai enfin réussi à faire remplir mes deux bouteilles des gaz, et
il ne me reste plus qu'à acheter quelques provisions de bouche et à
faire mes formalités de sortie du territoire. Ensuite, ce sera Adios
Argentina !
Ma première étape
sera le port de La Paloma en Uruguay. Un port que je connais bien
pour y avoir passé quelques semaines en janvier (et qui reste un de
mes meilleurs souvenirs uruguayen). De là, j'attendrais la
dépression qui sera à même de m'emmener le plus loin possible vers
le Nord. En effet, dans ce coin-là les vents dominants sont orientés
au Nord-Est presque toute l'année, et pour pouvoir remonter la côté
Brésilienne il me faut donc profiter des perturbations venues du
Sud. Ce qui entre parenthèse veut dire un temps de merde, avec pluie
et vents froids... Mais bon, je n'ai pas le choix.
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Poncif du jour : Le fric pourri tout |
Mon séjour en
Argentine se termine donc, et pour être tout à fait franc je pense
en garder un souvenir en demi-teinte. Une espèce de sentiment mitigé
fait à la fois de déception et de grand bonheur. Comment puis-je
vous décrire cette impression... Bon, déjà pour commencer je
devrais restreindre la portée géographique de mon jugement. Je ne
connais de l'Argentine que la marina de Barlovento, San Fernando,
Tigre, et je ne suis allé qu'une seule fois à Buenos Aires pour me
promettre ensuite de ne plus y remettre les pieds. Je ne peux donc
avoir une impression générale sur le pays tout entier. Ceci étant
précisé, je n'ai globalement pas aimé cette escale. Voilà, c'est
dit.
C'est trop grand,
il y a trop de monde et la vie est extrêmement chère pour qui
n'accepte pas, ou ne peut pas, jouer avec le marché noir des
devises.
Cela dit, je me
dois, à moi-même ainsi qu'à vous, de vous préciser qu'à un
moment j'ai été obligé de changer mes euros au marché noir... Je
n'ai pas eu le choix, puisque la marina a refusé que je les règle
par carte bancaire alors qu'il était convenu dès le départ qu'il
en serait ainsi. J'ai donc dû produire en peu de temps une somme
rondelette en liquide... Bref, je l'ai fait et j'ai «économisé»
pas mal de fric. Mais cela me reste en travers de la gorge et je n'en
suis pas fier. J'en ai même plutôt honte pour tout vous dire.
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Solitaire et seul de nouveau |
Qui plus est, j'ai
dépensé pas mal de pognon pour remettre La Boiteuse en état, des
dépenses justifiées certes, mais qui avoisinent quand même les
7000 Euros. Mais malgré un coût globalement inférieur à celui que
j'aurais pu rencontrer en Europe, je reste avec le sentiment de
m'être fait prendre pour un con par tout le monde (le prix de la
Grand-voile excepté, je tiens à le préciser).
De plus, je n'ai
pas réussi à accrocher avec cette culture qui pourtant me parlait
de loin. Le tango, les Mères de la Place de Mai, une vrai politique
de gauche à l'échelle d'un grand pays... Tout ça m'est passé
complètement à côté, masqué par l’incommensurable élitisme de
mon environnement. Je ne m'y suis pas senti à ma place, et ce
sentiment l'a emporté sur tout le reste. Sans parler de mon fiasco
amoureux qui teinte cette période de mélancolie et de regrets...
Mais bon, je ne
veux pas étaler ma rancune plus avant et devenir désagréable. Je
vais donc arrêter de me plaindre. Mais toujours est-il que
l'Argentine restera globalement un mauvais souvenir, et qu'il me
tarde de quitter ces eaux boueuses et froides. Ce qui sera le cas à
la fin de cette semaine comme je vous le disais plus haut.
Que vous dire
d'autre ? Je vais tout de même regretter deux ou trois choses
de ce pays. Mes amis
Hughes et
Caroline,
Laurent avec qui j'ai eu des
échanges particulièrement stimulants, la viande pas chère et de
qualité.... et puis c'est tout. Pour le reste, il me tarde de tester
La Boiteuse parée de ses nouveaux atours. Une quille propre et
repeinte de neuf, une grand-voile semi-lattée, une nouvelle
disposition des ris... Tout ça laisse présager un comportement de
mon bateau bien différent, et j'ai hâte de voir ce qu'il a dans le
ventre.
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Une soirée de Tango... |
Je reprends donc
la route, pour la plus grande joie de certain de mes lecteurs j'en
suis sûr. Je pars pour trois mois de navigation plus ou moins
intensive et je ne m'arrêterais de nouveau qu'une fois les eaux
chaudes et transparentes des Caraïbes atteintes... Ma vie commencera
peut-être alors à ressembler à une croisière.