mercredi 1 juin 2016

Péripéties pontonnières

14°27.965N 60°51.925W
Marina du Marin, Martinique


Pffff.... D'habitude, les mots n'ont aucun mal à venir se jeter sur le clavier. Mais là, allez savoir pourquoi, ils ont du mal. Pressé entre le désir de vous tenir au courant des derniers épisodes palpitants qui émaillent ma vie de pontonnier (oui, ça existe comme mot), et le désert intellectuel auquel ressemble actuellement mon cerveau, cela va faire quatre jours que je planche sur un texte qui n'avance pas.

Donc, ce matin j'ai tout effacé et je recommence. Épisodes palpitants disais-je. Mouais, en fait surtout un. Les abonnés de ma page Facebook le savent déjà, mais ma Touline a disparue pendant une semaine, me laissant morfondu. Bon ok, elle est coutumière du fait mais quand même... Sept jours bordel de merde ! Et vous savez où elle était c'te conne ? Enfermée dans un bateau !!!!

Elle était là-dedans...
Cette chatte est décidément increvable. Elle a survécu uniquement en buvant de l'eau de pluie qui s'infiltrait par un hublot abîmé ! Aujourd'hui encore je n'en reviens toujours pas. Rassurez-vous, elle va bien maintenant. Quoique amaigrie et toujours un peu faiblarde, elle reprend du poil de la bête en se bâfrant de croquettes et de câlins. Bon, je ne vais pas m'étendre sur les affres par lesquels je suis passé ces derniers jours... C'était l'enfer. Oscillant entre la résignation et le sentiment d'abandon, j'ai traversé une sale période. Des fois je me dis que j'ai fait une connerie le jour ou je l'ai arraché à sa condition de chatte des rues pour la propulser équipière principale à bords de La Boiteuse... Si c'est pour souffrir comme ça dès qu'elle s'absente un peu longtemps, qu'est-ce que ça va être le jour ou elle disparaîtra pour de bon ?
Tien maintenant que j'y pense, je me pose la même question en ce qui concerne ma situation amoureuse... Est-ce que ça vaut vraiment la peine que je m'investisse dans une nouvelle relation si c'est pour souffrir le martyre une fois qu'elle s'achève ? La vie est décidément bien compliquée...

Enfin réunis
Sinon, à part ça, je viens de me rendre compte que nous étions le 1er juin, ce qui veut dire que dans dix-huit jours il va me falloir quitter la sécurité de mon ponton et commencer à penser sérieusement à la prochaine étape. Putain, ces trois mois sont passés à une de ces vitesses ! C'est incroyable. Il va me falloir me sortir un peu les doigts du cul si vous voulez bien me passez l'expression. J'ai déjà pas mal d'items qui ont été rayés de ma liste, mais il en reste encore quelques-uns, et pas des moindres. Comme faire la vidange du moteur par exemple, ou acheter des petites bouteilles de gaz... Ensuite j'irais au mouillage (beurk !), et j'attendrai le retour de Françoise et Bernard de La Bella Flora (Je gardienne leur bateau pendant qu'ils sont en métropole). Après, un petit nettoyage de la coque, et zou ! Direction l'île de Curaçao !


t'as une sale tête ma pauvrette...
Mais j'aurais l'occasion d'y revenir, rassure-vous. Le rythme de mes publication va enfin s’accélérer !

Allez, j'abrège car j'ai du boulot. Il faut que j'aille me connecter à internet pour assurer une autre mission que j'ai entrepris depuis deux semaines : Assurer le routage d'un copain (Franck de Tailana) pour la transat retour. Chaque matin je reçois sa position, et je lui envoie en retour les prévisions météo et mes conseils quand à la stratégie à adopter. Et vous savez quoi ? J'adore ça !

Prête pour de nouvelles aventures en Colombie ?


dimanche 15 mai 2016

Pourquoi je n'irai pas au Venezuela

A la fin de mon dernier article, en bon auteur soucieux de maintenir son lecteur en haleine, je vous annonçais mon désir de me rendre au Venezuela pour la saison cyclonique. Bien sûr, les commentaires, ici et ailleurs, n'ont pas tardé... Tous aussi dissuasifs. Aussi j'imagine qu'à la vue de ce titre, la plupart d'entre vous vont pousser un ouf de soulagement.

Je m'en bat l’œil de tes soucis mon Papa...
Pour mettre les choses au clair, si je renonce à me rendre au Venezuela, ce n'est ni à cause des « pirates », ni de la violence qui règne dans ce pays. D'ailleurs vous aurez certainement noté les guillemets que je mets à « pirates ». Je ne crois pas qu'il y ait de piraterie au Venezuela. Certes, il y a des agressions de voileux au Venezuela (peut-être un poil plus qu'ailleurs mais cela n'est même pas sûr), mais il s'agit plus d'agressions occasionnelles perpétuées par des pêcheurs au bout du rouleau qu'un réel système organisé. Ce qui est sûr par contre c'est que chacune de ces agressions, sur terre comme sur mer, est montée en épingle aussi bien sur les réseaux sociaux que radio-ponton. Et que si l'on creuse un peu on s'aperçoit assez vite que les gens impliqués ont leur part de responsabilité... Sans parler que pour les raisons que j'évoque plus bas, la plupart des étrangers en ce moment au Venezuela sont un peu comme des cibles ambulantes car forcément blindés de thunes. Mais bon, je ne veux pas déclencher une polémique sur ce sujet, la suite de cette article suffira amplement !
Non, sérieusement, vous n'avez pas idée des fausses rumeurs et des descriptions délirantes qui pullulent aussi bien sur les pontons que sur le web. C'est hallucinant ! Et lorsque vous interrogez des témoins directs, ou des protagonistes, c'est à dire des gens qui vivent actuellement au Venezuela, dans leur bateau ou non, vous avez un tout autre son de cloche. Certes le Venezuela est un pays violent, mais pas plus que le Brésil, ou que la Guyane Française.

Bref, si je ne vais pas au Venezuela c'est une pour raison toute autre, qui a à voir avec mon satané sens de l'éthique. Vous savez, cette idée fixe chez moi qui consiste à croire qu'il y a des choses bien, et d'autres pas bien en ce monde. Que ces choses sont universelles, et que si je veux pouvoir me regarder dans la glace le matin, il me faut les respecter. J'appelle ça le sens de l'éthique, le sens moral ou de la déontologie, mais on pourrait également appeler ça le sens politique.

De quoi s'agit-il ? Et bien c'est encore une histoire de marché noir... Souvenez-vous, lors de mon passage en Argentine je me suis heurté à un système de trafic de devises qui, bien qu'il ait pignon sur rue n'en était pas moins aussi illégal qu'immoral. Et j'insiste sur le côté immoral. A l'époque, et après avoir longuement cogité sur ma place en ce monde et sur le rôle que j'estime devoir y jouer, j'avais refusé de me prêter à ce jeu quitte à ce que mon séjour à Buenos Aires me revienne plus cher. C'était en 2013, et depuis, pas un instant je n'ai eu à regretté ma décision.
Alors, lorsque j'ai appris qu'au Venezuela il régnait le même marché noir, mais en dix fois plus important, le même cas de conscience c'est présenté à moi. Avec une différence notable toutefois... En Argentine, la différence entre le taux de change officiel et l'illégal était plus ou moins de un pour deux. Genre, un dollar valait cinq pesos à la banque et dix au marché noir. Au Venezuela, on est dans un rapport de un à cent ! C'est à dire qu'aujourd'hui avec un dollar à la banque vous avez 9,94 Bolivares, et dans la rue vous en avez 1096 !
Concrètement, si je ne respecte pas mes règles, et accessoirement la loi vénézuélienne, je vais dépenser en six mois là-bas ce que je dépense en un mois en Martinique. Et si je décide de m'en tenir à mes principes, ce séjour me coûtera trois fois plus cher que si je restais ici.

Du coup mon côté cupide (car j'en ai un, comme tout le monde) s'est exprimé un peu plus longuement cette fois... Mais après plusieurs jours de cogitation, il a quand même finit par fermer sa gueule.

Pour moi, le constat est simple, et désolé si cela vexe certains de mes lecteurs : Certes, il est important pour moi de privilégier les pays où le coût de la vie est moindre afin de faire durer mon voyage le plus longtemps possible. J'en ai conscience. Mais il est hors de question que je « profite » plus que nécessaire de ma position d'européen privilégié. Qu'importe la vie de pacha que j'aurais pu m'offrir pendant les six mois que je comptais passer là-bas, je ne profiterais pas de la misère d'un peuple pour mon seul plaisir et l'enrichissement de quelques-uns. En clair, je préfère ne pas y aller plutôt que devoir m'y conduire comme un salaud à mes yeux. Oui je sais, c'est un peu abrupt comme sentence, et légèrement provocateur... Car tout ceux qui se rendent au Venezuela ne se posent tout simplement pas les mêmes question que moi. Mais c'est ce que je pense au plus profond de moi-même.

Quel sera le prochain ?
Donc, à cause de mon foutu sens moral, me revoilà dans l'incertitude. Que faire à partir du mois de juin ? La solution la plus simple serait « d'hiberner » à Grenade... Cela me permettrait, à la belle saison, de pouvoir revenir en terre française un peu plus facilement, et pouvoir me remettre à « chercher » une solution à mon avenir. Mais franchement cette perspective m'enchante guère. J'en ai soupé des îles anglaises, et de ces habitants si peu souriants.

Cartagena la belle
La seconde solution, plus aventureuse, serait de poursuivre vers l'ouest vers une destination qui me tente sacrément depuis un bout de temps : La Colombie. J'avais laissé tombé cette destination, tellement j'étais préoccupé par mon avenir à long terme... En fait, je pensais sérieusement que ma route allait s'arrêter ici pour tout vous dire. Du moins pour un temps. Et que je la reprendrais une fois ma sécurité financière assurée pour au moins deux ou trois ans. Je ressentais une certaine lassitude aussi... En même temps qu'un léger désespoir. Bref, j'avais exclu la Colombie de mes projets, pensant qu'une fois là-bas il me serait impossible de revenir si jamais je devais manquer d'argent. Et puis le hasard a, comme souvent, bien fait les choses. J'ai reçu un message Facebook d'une relation qui me rappelait combien la vie pouvait être sympa en Colombie, et puis que finalement revenir était difficile certes, mais pas impossible (merci Geneviève !). Et puis tout compte fait, j'ai encore les moyens de le faire... alors pourquoi pas ? Ce sera toujours mieux que de marner ici de toute façon.

Paulina Vega, Miss Univers 2014
Donc voilà. Ma décision n'est pas encore définitive, mais elle en prend sérieusement le chemin. Je me prends à rêver de nouveau. Je fais des listes. Je me projette. Du coup l'endorphine recommence à couler dans mes veines, et c'est tant mieux. Et puis, si jamais je devais renoncer définitivement à voyager, six mois en Colombie ce ne serait pas si mal comme baroud d'honneur, non ?

Pour finir, je me dis que ce n'est finalement pas si mal de zapper le Venezuela et de filer directement en Colombie. Car comme je l'ai dit plus haut ce pays m'attire comme un aimant depuis des années maintenant. Vous le savez, je me méfie des impressions, du feeling comme on dit, car elles comportent une part d’irrationnel. Mais en ce qui concerne la Colombie, je ne saurais dire pourquoi, mais quelque part je « sais » que c'est là-bas que ma vie pourra sans doute trouver un sens... Bon, en même temps je me dis aussi que je suis en train de mettre une putain de pression sur les épaules, je ne vous raconte pas !

jeudi 21 avril 2016

Ma glandouille

14°27.965N 60°51.925W
Marina du Marin, Martinique

Salut à vous amis lecteurs ! Après un mois sans nouvelles, je suis sûr que vous vous dites que ça-y-est, maintenant que je suis au ponton je n'ai plus une minute à moi pour prendre le temps de coucher quelques mots sur le clavier, ou de prendre quelques photos, et de vous tenir au courant de mes tribulations. Ou alors que je suis en train de déprimer comme ce n'est pas permis. Ou bien que je me suis enfin plongé à corps perdu dans l'écriture et que je suis sur le point de vous pondre le roman du siècle.
Bon, on va dire que c'est un peu un mélange de tout ça. Sauf pour le roman du siècle qui reste pour l'instant au point mort.

C'est ma rue !
Depuis un mois je me laisse un peu vivre il faut le dire. J'émaille ici ou là ma glandouille de quelques activités productives mais qui sont plutôt des fulgurances dues à quelques coups de bol aussi inattendus que bienvenus. En quelques mots clairs, j'ai enfin changé l’embase de mon hors-bord qui me faisait des misères depuis presque deux ans. Oui je sais, il était temps. Ensuite j'ai fait l’acquisition d'une paire de winches de la mort qui tue. Là encore il s'agit d'un coup de bol inouï puisque je suis tombé sur deux Lewmar 46 ST que j'ai pu acquérir pour une bouchée de pain (Merci Calypso et Adrien !). Bon d'accord, je vais en avoir plus cher à les installer que le prix qu'ils m'ont coûté, mais l'un d'en l'autre je m'en sors très bien. Quoi d'autre ? Ah oui ! Mon dinghy a son nom dessus conformément à la réglementation en vigueur !

Du coup, pour l'incognito c'est raté...
Sinon ? Et bien sinon... rien. J'ai adopté une routine qui sied à l’attentisme qui est le mien depuis mon arrivée en Martinique. Sans pour autant croire en la Divine Providence, lorsque je me trouve face à un problème, pas un gros problème qui demande de réagir dans l'urgence, mais plutôt un truc existentiel, j'ai tendance à faire l'ours. J'entre en hibernation et j'attends que ça passe. Et avec un peu de bol, la solution de mes problèmes m’apparaîtra en rêve ! Ou bien, et ça c'est plus sûr, au hasard d'une discussion avec un visage ami, je démêle la pelote de laine que j'ai à la place du cerveau, et ma route devient alors plus claire. Jusqu'à présent, ça a toujours fonctionné, alors ne désespérons pas.
Cela dit, il faut quand même que je vous avoue avoir eu, et avoir encore, quelques moments compliqués. Des souvenirs qui remontent à la surface au moment où je m'y attend le moins. Des bouffées d'angoisses qui me saisissent les poumons à des moments incongrus. Des envies furieuses de dormir. De pleurer aussi... Oui, je connais les symptômes, alors il n'est pas nécessaire de me dire que je suis en train de déprimer ! Je le sais ! Merde à la fin ! (Ah oui, j'oubliais les poussées de colère, j'en ai aussi).
Mais bon... Généralement cela ne dure qu'un instant et se répare avec un bon repas bien lourd et une sieste toute aussi lourde.

Je sais, il est mal posé... Mais c'est pour la Photo !
Je me dis que c'est le printemps qui veut ça. Cette année, la période mars/avril, le combo maléfique des anniversaires (Zoë/moi/le voyage)... j'ai eu un peu plus de mal à l'encaisser que d'habitude. Et puis je me suis rendu compte que « trouver un emploi » s’avérera sans doute bien plus compliqué que je ne le pensais. Au départ, j'avoue que je me figurais qu'avec ce que j'ai vécu ces dernières années, mon expérience, tout ça, je disposais de compétences multiples facilement « monnayables » ou du moins intéressantes. Ben voyons ! Doux rêveur que j'étais ! C'était sans prendre en compte le fait que le Marin grouille littéralement de gens qui ont eu la même idée que moi ! Et ces gens sont eux aussi polyglottes, connaissent les bateaux, ont parcouru le monde pendant des années... et ont moins de trente ans. Les filles ont les jambes fines et des tatouages et les mecs portent la barbe. (Sérieux, le look hypster ça commence à me sortir par les yeux mais d'une force !)
Bref, la concurrence est là. Ces jeunes savent tout faire et contrairement à moi ils sont prêts à le faire dans des conditions qui à moi me semblent inacceptables. Cela-dit, après dix ans sans travailler, je me demande si la notion même de travail ne me paraît pas inacceptable... Du coup, forcément, les dés sont un peu pipés en ce qui me concerne.

Quand je pense qu'il y en a qui sont au mouillage...
Bon voilà, vous savez tout. Ou presque. Il ne s'agirait pas que je vous plombe votre weekend avec les errances psychologiques d'un quinqua sous les tropiques, hein ? La plupart d'entre vous ne viennent pas pour ça, je le sais, et d'ailleurs je culpabilise un peu de ne pas vous envoyer plus de rayons de soleil. Mais bon, que voulez-vous, c'est comme ça. Ah oui, une dernière chose : Pour ce qui est de la saison cyclonique, sachez que ma destination se précise de plus en plus, et ce sera sans doute... Attention, roulement de tambour... Le Venezuela !
Et ne commencez pas à hurler que je suis malade de vouloir me rendre dans ce pays de sauvage, je sais ce que je fais. Et puis nous aurons le temps d'en reparler puisque ce ne sera qu'à partir de juin.

A bientôt les gens, et promis, je vais essayer de trouver les mots pour vous raconter des trucs avant le mois prochain.

lundi 21 mars 2016

Au ponton !

14°27.965N 60°51.925W
Marina du Marin, Martinique


Aujourd'hui dimanche, cela fait exactement quinze jours que je suis arrivé en Martinique. Et après ces deux semaines passées au mouillage en face du cimetière, je viens enfin d'amarrer La Boiteuse sur un des nombreux pontons de la marina du Marin.
Oh putain... Je ne saurais vous décrire le plaisir que j'ai eu à dormir cette nuit dans mon bateau ! Sans avoir à me soucier de la tenue de mon ancre, sans m'inquiéter de la charge de mes batteries, sans vérifier l'évitement de mes voisins, sans faire gaffe à ce que fait Touline, sans avoir ce nœud dans l'estomac à chaque rafale de vent... Bref, c'était le pied.

Enfin au ponton !
Bon, comme il faut bien que je râle un peu, sinon je ne serais pas tout à fait moi-même, il y a quand même deux ou trois petites choses qui me chagrinent. D'abord, je n'ai pas le wifi à bord. Et puis La Boiteuse est tout au bout du ponton n°8 (place 856), et ça fait quand même une trotte pour rallier la terre ferme. Hier j'ai fait trois fois l'aller-retour, et aujourd'hui je peux à peine marcher. Le bon côté du truc, c'est que Touline n'ira jamais se promener au milieu des voitures...
Et puis l'eau de la douche est froide ! (Ma dernière douche chaude remonte au Surinam !) Et ne me sortez pas que sous les tropiques on se fout d'avoir de l'eau chaude pour se doucher. C'est des conneries de plaisanciers en vacance ça ! Une douche chaude sera TOUJOURS meilleur qu'une douche froide, même sous les tropiques.

Trankil !
Mais tous ces petits inconvénients ne sont rien par rapport au plaisir cité plus haut. Rien de rien, peau d'balle, queutchi. En plus, je suis plutôt bien placé. Un peu à l'écart, sans être isolé. Le cul au vent, ce qui rafraîchi bien le bateau. Pas de moustiques... Que demander de plus ?
Touline s'éclate à découvrir son nouveau territoire. Elle fourre son nez partout, explorant sans vergogne les bateaux voisins, ce qui n'est pas forcément du goût de tout le monde... (Ce serait bien con qu'après toutes ces marinas fréquentées de par le monde, ce soit ici, en France, que ma coéquipière soit le moins acceptée, non ?) Elle essaye même de faire ami-ami avec un berger allemand qui réside à deux bateaux de là. Sans succès pour l’instant, je le crains. Alors bien sûr, je m'attends d'un jour à l'autre à ce que le décompte des bains forcés recommence... Pour l'instant nous en sommes à 48, mais je gage que la friponne passera les 50 avant la fin du trimestre !

Bon, je commence par quoi ?
Sinon, que vous dire ? Le Marin c'est un peu la Mecque du marin-voyageur. Quelque soit le port de France d'où un bateau est parti, un jour ou l'autre il est passé, ou il passera par ici. Ou alors il est resté. Depuis mon arrivée, c'est dingue le nombre de têtes connues que je croise. Des têtes parfois oubliées (pardon !), rencontrées il y a trois ou quatre ans, au Cap Vert, Las Palmas ou à Agadir. Je croise également pas mal de lecteurs (je vous croise donc !). Des gens qui se présentent à moi et qui me disent tout le bien qu'ils pensent de ces centaines d'articles dont je vous abreuve depuis bientôt six ans. Je devrais avoir l'habitude maintenant, mais je vous avoue que c'est toujours aussi surréaliste et déstabilisant.

Je suis là !

Concernant le fait de me retrouver « au pays », j'avoue avoir encore un peu de mal à trouver mes repères. Je suis encore surpris d'entendre le français en bruit de fond, et je galère toujours avec la monnaie (ils ont changé les billets depuis mon départ, non ?). Et puis qu'est-ce que la vie est chère ! Foutre-cul, c'est dingue... Après une première semaine où je me suis plutôt lâché sur la bouffe (saucisse de Morteau, carbonara, etc), j'ai vite été obligé de reprendre un régime alimentaire plus en accord avec mes finances. Le même régime alimentaire qui était le mien lorsque je touchais le RSA... Quelle misère ! Vous en voulez du déclassement ?!? Ailleurs, partout ailleurs, mon statu d'européen me situait dans la frange haute de la société. Ici, je suis redevenu ce que j'étais avant mon départ : un pauvre. Et même si j'avais un peu anticipé cet état de fait, franchement, ça fait chier.

Nouvelle tête
Alors vous allez me dire, si la vie est si chère pourquoi me suis-je mis sur le dos 320 Euros de marina par mois ? Et bien parce que je suis sûr que le fait de ne plus avoir à me soucier du bateau m'aidera à me concentrer sur des choses plus importantes. Comme mon avenir par exemple, ou ce fichu bouquin qui dort depuis quatre ans dans un tiroir de ma tête... En tous cas je l'espère !
Et puis, qui sait, le hasard d'une rencontre au détour d'un ponton changera peut-être ma vie ? En tous cas, si cela doit arriver, il n'y a pas de meilleur endroit qu'ici !

C'est là qu'est ma place !

C'est quoi ce chien là-bas ?

jeudi 10 mars 2016

De Béquia au Marin

14°28.089N 60°52.510W
Le Marin, Martinique

Le samedi 5 mars 2016 - On se casse

06H20 : Et bien voilà. Mon séjour à Béquia s'achève et je m’apprête à reprendre la mer en direction du Marin, en Martinique. De Béquia (Békoué !), je garderais un souvenir mitigé, ce qui à mes yeux est plutôt une bonne appréciation. Le mouillage est assez sympa, et des fonds pleins de vie sont directement accessibles depuis le bateau pourvu que l'on mouille comme je l'ai fait au ras de Margaret Beach. L'approvisionnement (la bouffe quoi), est un peu plus conséquent et j'ajouterais que l'accueil des gens est un peu moins frais qu'à Carriacou.

Enfin, pouvoir siroter son café après la sieste en matant quelques paires de seins nus sur la plage, est un luxe non-négligeable. Sans blague, je crois que je n'avais plus vu de tétons à l'air depuis la France ! Je ne sais pas pour vous, mais je suis persuadé que le topless est un signe évident de liberté intellectuelle et morale. Voire même, de maturité civilisationnelle !

Bonjour Mesdemoiselles !
Alors, question navigation, voilà ce qui nous attend : 90 milles et des poussières en passant sous le vent des îles de St Vincent et Ste Lucie. Arrivée prévue demain matin. Je table sur une petite moyenne, tout en comptant sur la légèreté de La Boiteuse. Je m'explique ; tout le monde dit qu'en passant sous le vent des îles, et plus particulièrement de celle de St Vincent, c'est moteur obligatoire. Mouais... La plupart des copains qui m'ont dit ça ont des bateaux bien plus grands et bien plus lourds que ma Boiteuse, et considèrent qu'à trois nœuds ils sont à l'arrêt. Pas votre serviteur ! Donc, je pense qu'on va pouvoir se débrouiller... Ou pas. L'avenir nous le dira.

Normalement, on devrait avoir des vents entre 10 et 15 nœuds, par le travers. Puis ce sera du bon-plein, et on finira au près serré. Bref, ça va commencer cool pour finir chiant.


07H00 : Décollage sans incident. La Boiteuse se faufile entre les bateaux encore endormis. Personne n'est levé pour lui dire au revoir, et j'ai l'impression de partir comme un voleur... Entendez bien, je ne suis pas orgueilleux au point de souhaiter un comité à chaque départ ou arrivée, mais quand même. C'est agréable d'agiter la main en partant... Ça vous donne l'illusion que vous allez manquer à quelqu'un.

07H30 : On passe Northwest Point, St Vincent est déjà visible à 8 milles. J'arrête le moteur et je hisse la GV.

07H45 : Travers, 4,5 nœuds avec un ris dans la GV et le foc à moitié. La houle me cueille à froid et j'ai un début de nausée... Vite un Stugeron® !

Et merde, j'aperçois un grain à l'est... Je crois qu'on va commencer cette nave en se faisant rincer.


08H30 : Avec un peu de bol le grain va nous passer devant... Mais c'est pas gagné parce qu'il est très large.

09H00 : Bon ça y est, on est sorti du canal de Béquia et a priori on a évité l'orage. Le vent est en train de tomber, mais la mer est encore un peu agitée... Blurp ! Mais bon, on avance à 3,5 nœuds et dans la bonne direction, et c'est ça qui compte.


09H45 : Finalement, il pleuviote. Touline qui dormait dans le fond du cockpit émet un miaulement réprobateur et me rejoint à l'abri sous la capote. Je sais ma vieille... tu préférerais aller batifoler à terre plutôt que de te faire mouiller et bringuebalée dans tous les sens, et je te comprends. Mais dans pas longtemps on va aller se poser dans une marina, je te le promets !

St Vincent dans les nuages
11H00 : On est à deux milles au large de Wallilabou, lieu de tournage du célébrissime Pirate des Caraïbes. Il reste quelques décors en carton-pâte pour amuser le touriste... Cela dit, avec tous ces nuages et ses rayons de soleils qui percent, St Vincent est vraiment très belle.


11H50 : Bon, là j'en ai marre. Depuis une heure on est scotché de chez scotché. J'allume Mercedes.

12H15 : Moteur à bas régime, on avance à quatre nœuds. J'ai profité de la stabilité du bateau pour me faire cuire une côté de porc avec un restant de pâtes. Franchement, je suis déçu... Je pensais vraiment que La Boiteuse pouvait tirer son épingle du jeu dans cette pétole. Mais bon, le régulateur n'assurait plus une cacahuète, ce qui veut dire qu'on « avançait » à moins d'un nœud. Donc... Parfois il ne sert à rien d'être têtu, hein ?

Allez, une petite sieste ça te dit Gwendal ?


13H25 : Arrêt moteur. On a une petite brise, grand largue. Cool !

13H55 : Et merdeuuuuuuuu !!!!! Plus de vent.


14H10 : Allez, re-allumage du moteur.


14H35 : Ah tien ! T'es là toi ? Ça frisotte sur le devant, et j'aperçois même quelques moustaches. Cette fois-ci j'espère que c'est la bonne. Arrêt moteur.

15H35 : Ça fait une heure qu'on avance au près serré dans le canal de St Vincent. Ça secoue pas mal, avec des pointes à six nœuds, six nœuds cinq. Ste Lucie droit devant.


16H05 : Cap sur les fameux deux pitons de Ste Lucie. J'arrive à les distinguer malgré la brume.


18H00 : C'est la fin de la journée, et le soleil est en train de se coucher sur bâbord. Franchement, la météo c'est un peu plantée sur ce coup-là. En faisant un près le plus serré possible j'en suis toujours de 15° par rapport au cap que je devrais faire... Et vers minuit il va falloir que je lofe encore de 25° pour taper le sud de la Martinique, ce qui a priori sera impossible à faire. Pfff... J'espère qu'en approchant de Ste Lucie les choses vont changer et que j'aurais quelques bonnes surprises. Parce que sinon, ça va être compliqué.


Le dimanche 6 mars 2016 - Bienvenu en France !

Coucou !
06H00 : La nuit a été somme toute assez calme. Dans le sens où j'ai dormi par cycles de 45 minutes, comme souvent en mer, et que personne n'est venu me faire chier. Pas de pêcheurs, pas d'autres voiliers, pas de cargo. Un désert bienvenu.

Le long de Ste Lucie le vent s'est bien calmé sans toutefois pétoler comme à St Vincent. Ce qui fait qu'on a avancé à un train de sénateur, mais avancé tout de même. Vers 02H30, les grains ont commencé à se succéder les uns après les autres, m'obligeant à m'abriter de la pluie sous la capote. Là on est encore à 25 milles du Marin, un peu trop à l'ouest, et on avance au près serré à 2,5 nœuds avec semble t-il un courant contraire. 25 milles, 2,5 nœuds : Le calcul est évident. Patrick qui était sensé m'accueillir avec le café du matin en sera pour m'offrir un déjeuner tardif.

Heureusement le vent est en train d'adonner, et on file droit sur le Sud de la Martinique.


06H45 : J'ai relâcher mon ris sur la GV afin de gagner en vitesse et en cap. On a gagné un nœud, mais pour le cap ça me semble mal barré... Là, on va droit sur Fort de France.

Je sens qu'il va falloir finir au moteur, ou alors tirer des bords jusqu'à la fin de la journée.

08H00 : Putain c'est la misère... Je fais du 10°, alors que je devrais faire du 63° ! Si je ne trouve pas une solution, je vais carrément rater l'île ! Que faire ? Bon, pour l'instant je continue comme ça, au moins jusqu'à midi, et ensuite on verra.

La Pointe et le Rocher du Diamant
09H15 : J'ai gagné 10° supplémentaires et le courant contraire semble enfin nous lâcher les basques. Normalement, dans deux heures il faudra que je vire de bord... et lorsque cela arrivera on devrait être un peu au Nord du célébrissime Rocher du Diamant, que j'aperçois déjà. Et oui, on va atterrir vachement haut !

Putain de vent à la con ! Quand je pense à l'abruti anonyme qui commentait récemment en disant qu'il était « difficile de trouver aussi simple comme bassin de navigation » ! Mon cul oui ! Les Antilles c'est de la merde !

10H30 : On voit bien Fort de France à présent. Je suis tenté de changer mes plans... Et de filer directement à la marina d’Étang Z'abricots. Ça fait neuf mois maintenant que je n'ai pas été dans une marina, et franchement cela me manque. Et je ne vous parle pas de Touline !

Mais non, on m'attend au Marin, et j'y ai des choses à faire. Changer mes winches, et faire réparer mon moteur HB, entre autre. Et faire ça à Z'abricots, ce n'est pas possible.

11H00 : Allez, allumage moteur. On est en face des Anses d'Arlet et il reste 16 milles à faire. Plein Est, avec le vent et la mer dans le nez. Là les enfants, on va se faire chier.


Tu sais que tu me gonfles toi ?
13H00 : J'ai dû tirer des bords pour passer cette saloperie de Rocher du Diamant. Il reste 12 milles à faire. Le pont est trempé d'embruns, et j'ai le visage brûlé par le soleil et le sel à force de regarder vers l'avant.

14H00 : On en voit le bout ! Plus que sept milles ! La côte est jolie, avec quelques lotissements et des champs cultivés. L'île me semble bien plus, comment dire, développée (aménagée ?) que ces voisines.

14H25 : Vous savez, ça me fait drôle de me dire que j'arrive en France... Alors oui, j'étais en Guyane il y a huit mois, mais c'est pas pareil. C'est peut-être dû aux enjeux qui sont différents... Car plein de choses concernant mon avenir à long terme vont se jouer, ici dans ce lieu et dans les mois qui viennent... Et ça m'angoisse un peu.

Mais bon. D'abord mes winches, mon hors-bord, et ensuite je m'occuperais de mon avenir. Et en attendant je vais me faire un petit café, ça va me faire du bien.

15H10 : Bouée verte d'entrée du chenal droit devant ! Here we are!

On arrive !
15H22 : Wahou... Alors que je passe la bouée, j'aperçois le mouillage de Ste Anne. Il y a là au moins une centaine de voiliers. Mais quelques encablures plus loin la baie du Marin se découvre, et là c'est une véritable forêt de mâts ! Nom de Zeus, c'est impressionnant ! J'ai l'impression qu'il y en a des milliers !

Dans le chenal, ça se croise, ça se double. Je commence à croiser des skippers, le regard braqué sur l'horizon et qui ne répondent pas à mon salut. Ou alors avec réticence, une fois que j'ai longuement insisté. C'est pas grave, je sais que j'arrive dans un endroit où le voyageur se voit supplanté par le plaisancier... il va falloir que j'en prenne mon parti.

16H00 : J'aperçois Capsun, et Patrick dans son annexe. Je fais un petit tour d'honneur et Plouf ! Je balance l'ancre à quelques mètres de la cardinale Ouest. Alors que la chaîne se déroule dans le davier, j'entends les cloches de l'église du Matin qui sonnent. Il est quatre heures pile... Bienvenu en France !


Arrivé !
Épilogue : Quelques jours après mon arrivée, je suis toujours au mouillage en face de l'église (et de son cimetière !), mais plus pour longtemps. Je dois dire que, et là je vais encore en choquer quelques uns, j'ai été séduit par l’ambiance qui règne dans cette gigantesque marina. C'est un lieu de vie incroyable, grouillant, dont je découvre peu à peu les rouages, et qui m'a séduit d’emblée. A tel point que j'ai décidé de m'incruster dans le coin, en faisant une demande pour une place à quai pour le trimestre à venir. La réponse devrait me parvenir dans la semaine... 

On ne va pas dans une marina ? Tu te fout de moi ou quoi ?!?
Club Med
Juste en face du cimetière...