lundi 11 juin 2012

Un pur moment

16°53.203N 24°59.470W
Mindelo, ile de São Vicente, Cap Vert

Vous savez, ou du moins vous vous doutez, que ma vie sans être réellement parfaite n’en n’est pas moins  pleine de bons moments. D’ailleurs c’est bien pour ça que j’ai choisi cette vie parce que sinon je ne vois pas trop ce que je ferais... Mais bon, là n’est pas le sujet.
Je cumule les bons moments disais-je, mieux je les cultive. Je les traque, je les débusque et j’en savoure chaque seconde comme s’ils étaient de l’ambroisie.
Cela peut être au cours d’une bonne discussion au milieu d’un ponton ou à la terrasse d’un café. Ce peut être en mer quand mon corps ne fait qu’un avec la Boiteuse. Ou encore quand je prends mon café du matin saturé de lait concentré sucré... Ou même un simple rayon de soleil sur mon visage ! Bref, je jouis de la vie autant que je peux. C’est comme ça que j’ai choisi de vivre, et ceux qui trouvent ça indécent, immérité ou que sais-je, n’ont qu’à aller se faire voir.

Je cultive le bonheur au quotidien disais-je, mais parfois il arrive que ces moments frisent le sublime, l’apothéose orgasmique, le pied intégral. Parfois c’est tellement fort que je sens littéralement l’endorphine m’emplir les veines et parcourir mon corps comme une vague. Du plaisir à l’état brut. Et je ne parle pas de cul, entendons-nous bien.

Pourquoi je vous parle de ça ? Et bien tout simplement parce que je viens de vivre un de ces moments pas plus tard que ce matin pendant que j’étais au supermarché.
Ben oui, au supermarché. Il n’y a pas d’endroits prédéterminés pour être heureux, ça peut très bien vous arriver au supermarché... La preuve, ça m’est arrivé ce matin.

Donc, j’étais au supermarché et ne voilà t’y pas que le bidule de ma tong droite cède. Vous savez, le machin qui passe entre les doigts de pieds... Le truc en plastique ! Bref, il casse.
Pendant quelques secondes je suis resté comme un con à regarder ma tong, comme si le fait d’examiner ce bout de plastique maintenant parfaitement inutile, pouvait par je ne sais qu’elle opération magique, le ressouder. J’étais là, ma canne sur le bras, mon panier dans une main et ma tong dans l’autre, au milieu des gens qui faisaient leurs courses... Ce fut un petit moment de solitude je dois le reconnaitre.
Quelques secondes passent, et je décide alors de retirer mon autre tong et de marcher pieds nus dans le supermarché. Au début, je croyais bêtement que tout le monde me regardait alors je me tenais bien droit et je rentrais le ventre... Mais au bout d’un moment j’ai réalisé que c’était très agréable de sentir la fraicheur du carrelage...
Comment vous dire... vous avez tous marché pieds nus dans votre salon, votre salle de bain, votre cuisine. Peut-être même vous aventurez-vous sur votre terrasse ou votre bord de piscine... (J’ai peut-être des lecteurs pétés de thunes ?) Mais l’avez-vous déjà fait dans un supermarché ? Franchement, c’est le pied ! Et que dire lorsque je me suis mis à arpenter le trottoir et à traverser la rue ? C’était fantastique.

Il faut que je vous dise qu’il y a de cela un peu plus d’un an, lorsque j’ai commencé ma nouvelle vie et que je marchais pieds nus sur les pontons en bois de la marina de Saint Laurent du Var, j’avais l’air d’un apprenti marcheur sur le feu. Vous voyez le genre ? A chaque pas, c’était aïe, ouille, aïe, ouille !
Et puis mes pieds se sont faits à la liberté. Je me suis fait le cuir comme on dit. Au point que maintenant il m’arrive souvent de quitter le bateau et de devoir faire demi-tour pour aller chercher mes claquettes parce que je les ai oubliées. Mieux, de sentir les lattes de bois sous ma plante nue s’apparente à un plaisir.

Mais se balader les pieds nus sur un ponton n’a rien à voir avec le fait de parcourir les rues d’une ville... Waouh... J’étais sur mon petit nuage et je marchais tranquillement en me foutant du regard des autres. J’ai traversé la rue et je suis entré chez le chinois le plus proche pour me racheter une paire de tongs. 1,70 € plus tard (ben oui, c’est de la pompe économique) j’ai fourré mes nouvelles tongs dans mon sac avec les vieilles, et j’ai continué ma route pour rentrer au bateau... Pieds nus.

Sur le chemin du retour alors que je passais sous un splendide flamboyant en fleur, je sentais les gravillons sous mes pieds. Je sentais le goudron, la terre, l’herbe du terre-plein du bord de mer... Je sentais le bonheur remonter le long de mes jambes jusque dans mes poumons et les serrer très fort. J’étais heureux.

Voilà, je voulais vous faire partager ce moment qui, j’en ai conscience, relève pourtant de l’intime. Il se peut très bien que vous ne compreniez pas un traitre mot de ce que je vous raconte, ou du moins que vous ayez vous-même d’autres sources de bonheur... Plus orthodoxes. Mais s’il y avait une chose que j’aimerais que vous reteniez de tout ça, c’est que le bonheur n’est pas un moment rare. Il peut vous tomber dessus à tout moment en fait. Il faut juste apprendre à le détecter et à profiter de lui au maximum. S’arrêter pendant un instant de penser et se dire « Tien, en voilà un. Je le savoure pour ce qu’il est. »
Et vous verrez qu’à la longue, un rayon de soleil sur votre visage, l’odeur de la pluie, marcher pieds nus... Toutes ces choses a priori banales peuvent devenir de purs moments.

18 commentaires:

Eric et Sandrine a dit…

Bonsoir Gwendal
Je te comprend, j'ai vécue la même situation lorsque je vivais aux Marquises. Quel pied (c'est le cas de le dire), cette sensation de retour aux sources. Ces dernier temps je ne vie que pour retrouver les sensations que tu nous décrit régulièrement. Continue de profiter au jour le jour, minute par minute, car c'est comme ça que la vie et la plus belle.

cazo a dit…

Cher ami, vous êtes déjà fort éloigné des contingences du français moyen dont vous quittâtes le contexte il y a déjà plus d'une année soleil-mer-cocotier.

Sachez, cher épicurien, que la balade pied nu en supermarché est RIGOUREUSEMENT interdite en sakhollande !! Je ne blague pas !! Et cela pour des histoires d'assurance, de plainte potentielle, que pourrait engager le client envers le supermarket pour une bête blessure du peton occasionnée en ces lieux par un tesson, un coin de rayon, la chute d'une boîte conserve de cassoulet... La chose peut vous paraître grotesque, elle n'en est pas moins tutafé authentique !!!

Quant à votre aveu d'être un jouisseur patenté... vous pensiez réellement qu'il s'agissait d'un scoop ???...

:-) !

Marie a dit…

Comme je te comprends! Je me rappelle encore de ce soir d été il y a quelques années, où, en pure parisienne que je suis, je déambulais sur le parvis en bois de la bibliothèque F. Miterrand. Un de mes talons s étant coincé entre 2 lattes de ce beau plancher, j ai décidé de quitter mes chaussures, sous l oeil ahuri de celui qui m'accompagnait. Et là, LE bonheur. C était une fraiche soirée de juin, mais sous mes pieds je sentais la douce chaleur accumulée pendant la journée dans ce plancher si doux. Evoquer ce souvenir me donne presque envie d'y faire un tour d'ici peu... enfin, quand il fera enfin beau et chaud à Paris!
By the way, tu as opté pour des TTT, celles avec des semelles en vieux pneus, ou pour des plus 'standards'? :-)

Monique a dit…

Je comprends ça, Gwen..j'ai marché pieds nus pendant un mois entier en Corse, ayant pété mes nus - pieds le lendemain de mon arrivée. Comme j'ai toujours adoré ça, j'ai évité d'en racheter et j'ai tanné mes plantes sur le sable, le bitume, les rochers..à tel point que je ne pouvais plus me rechausser en rentrant...
Et je continue en toute occasion,parce que je ne me prive jamais de ces petits plaisirs sensuels.
Pourtant au Maroc j'ai eu droit à deux heures de commissariat parce que je marchais pieds nus dans la rue...
Si j'en crois Cazo ..le Maroc serait-il un supermarché géant ??

Gwendal Denis a dit…

@Eric et Sandrine : Je ne compte pas faire autrement dans les années qui viennent... Un retour en arrière n'est même plus envisageable maintenant.

@Cazo : Grotesque, comme tu dis. L’hédonisme hélas n'est pas en odeur de sainteté dans votre monde.

@Marie : A 1,70 euros ce ne sont hélas que de pâles copies d'Ipanema fabriquées en Chine !

@Monique : Tu as raison, c'est de l'ordre de la sensualité que de marcher pieds nus... (Tu sais bien qu'il ne faut jamais écouter Cazo !)

Thrse a dit…

Ben je comprends tout à fait! Je connais ces petits moments de bonheurs intenses! J'en ai déjà vécu certains, et je dois dire que ta description est au top! Je n'aurais pas su décrire si bien! Bravo!

Je suis très heureuse que tu vive ces intants!

Gros bisous mon cher Gwen! A très bientôt!

Benoit a dit…

Oui je suis tout a fait d'accord avec toi perso je mets des chaussures uniquement quand je n'ai pas le choix j'ai la chance d’exercer un métier ou l'ont est très souvent pieds nu quel bonheur

cazo a dit…

De quooâ ??... Ai-je dit un seul instant que je ne partageais point ce plaisir de déambuler au naturel ?? Tsss...

Lou' a dit…

Gwendal ! Il y a des moments où notre esprit est dans de bonnes dispositions : apte à apprécier les petites choses de la vie toutes bêtes comme marcher pieds nus, se régaler de la caresse du soleil, touver belles les couleurs d'un flamboyant etc etc... Il semble que tu sois dans cette dynamique ! Alors profite ! C'est une richesse de savoir se regorger de ces purs instants. Et je suis certaine qu'elle n'est pas donnée à tout le monde. Est-ce que ça a à voir avec une capacité d'émerveillement d'enfant ? Peut être ! Et j'y crois fort, qu'il ne faut pas perdre cette capacité là.... Continue à nous régaler et nous faire sourire ! Parce que j'aurais quand même voulu voir ta trogne quand ton bidule a pété :) Bises à toi et caresses à ton félin ! (et fais quand même attention à ne pas te faire mal à la voûte plantaire :)

Gwendal Denis a dit…

@Thérèse : Merci Thérèse ! Bises aux enfants !

@Benoit : La dernière fois que j'ai remis des chaussures fermées, c'était en décembre lorsque je suis venu vendre la maison en France... Quel cauchemar !

@Cazo : Mais si, mais si, tu l'as dit...

@Lou' : Merci. Je revendique mon statu d'enfant émerveillé, c'est vrai. Même si dans mon cas il s'agit plus de l'aboutissement d'une réflexion plutôt qu'un arrêt de la croissance ! :)

lucifer ! a dit…

Autrement dit, le paradis c'est comme le changement :
c'est maintenant! il suffit d'y être attentif.
En ce qui me concerne, pas besoin d'exhiber mes mignons orteils pour être au 7ème ciel .
Une bonne paire de godasses qui assure puissamment les pieds ,et vous donne envie de marcher jusqu'au bout du monde , c'est pas mal non plus !
couac !

Aude a dit…

Salut !
Ton article m'a beaucoup plu ! Ayant passé un an en Nouvelle Zélande, j'ai eu l'occasion d'admirer les gens marcher pieds nus, dans les rues ou dans les super marchés (certains aussi en chaussettes ou pantoufles ;-) ) Le pays de la liberté piétale !

En Australie, il y a quelques années, j'ai du quitter mes tongs (le plastique m'entaillait les orteils) et j'ai finis la journée pieds nus, arpentant les rues et le centre commercial... Je me sentais un peu ridicule, mais une fois qu'on réalise que tout le monde s'en fout...

Le souvenir le plus grisant date d'une soirée à Lyon, où il pleuvait des trombes d'eau, une de mes tongs a "lâché" et j'ai finis en courant pieds nus dans les flaques d'eau. Grisant car des pieds nus à Lyon ça reste rare ... (donc précieux) ^_^

Un bel article qui m'a bcp parlé en tout cas !

Aude de www.unpeuplusloin.fr

Captaingils a dit…

Et oui mon beau marin Sâdhu c'est doux
Le grain du bois sous le pied
Le goût du train de la liberté
Supermarché faut pas exagérer grand fou

Ah Mindelo, toujours à la marina ?

Donc tu sursois, que dégonfle ce monstre là
Avec le vent comme moteur vivant
A vivre seul, le pied vagabondant
Pied nu sous soi, la con-science à plat

Ah Cabo Verde et mon bel Atao sous l 'eau !

Alors pas trop salé le goût de la liberté
Mains de bricolage, apprentissage
Et Mercedes était du voyage
Et moi de mourir de rire – à pardonner

Ah, un peu cher 220 € la simple soudure

Fonderie mon cul oui, gare à l'électrolyse
Car si l'on sait que l'eau de mer catalyse
Métaux ou âmes, mélangées, s'y brisent
Et, comme il disait, le temps s'immobilise

Ah, Marquise disparue, promise, désirée

Comme si, comme ça, y como va
Un Portugais aux portes de l'Atlantique
Un fortuné aux pieds dégustatiques
Vingt jours de mer, et marinero tu seras

Ah, bien plus que moi, bien plus que moi …

Ceci dit sans jalousie et pour l’esthétique
Moi je reviens juste, encore, d'Haïti
Où désormais, en attendant le fric
J'essaie d'imposer l'école gratuite pour les petits

Aux pieds nus …

rotko a dit…

bonjour, c'est parfois à l'aide de ces petites sensations qu'on ressent la liberté. Moi aussi, il m'est arrive de marcher tout le temps pieds nus, et de conduire la voiture à même la plante des pieds. c'est jouissif. on suit vos aventures http://tinyurl.com/cblf7ko

Gwendal Denis a dit…

@Lucifer : Chacun prend son pied comme il le veut !

@Aude : Merci Aude ! Je crois qu'en fait c'est le décalage qui m'a grisé le plus... L'impression de franchir un pas de plus vers ma liberté.

@Captaingils : Mazette ! Je ne sais quoi dire... Entre l'honneur que tu me fais à chaque fois que tu viens me lire et la poésie de tes mots... J'en reste coi. Si un mot peut-être : Merci.

@Rotko : Merci à toi ! Et bonjour à tous les gens du forum Grain de sel !

Unknown a dit…

Comment dire qu'un rien peut apporter autant de bonheur ?

C'est tellement vrai quand la tong te lâche.. tu la regarde longuement... comme si peut-être.... :)

Toujours un plaisir de te lire mon cher !

Bon Vent !

Shaka

Antoine a dit…

Salut Gwendal ! Je découvre ton blog et c'est un plaisir de te lire. J'étais plié au moment où ta tong a laché... merci pour ce moment :)

Au plaisir !
Un français qui se balade en Asie en routard.

Gwendal Denis a dit…

Merci et bienvenu Antoine !