20°18.042S
40°17.316W
Vitória
Originellement,
le départ était prévu pour vendredi matin. Ce vendredi matin.
Enfin, celui qui vient de passer je veux dire. La fenêtre semblait
suffisante pour rallier Santo André à quelques 300 milles au Nord
de Vitória. Un front froid en provenance du sud devait balayer la
région, sans pour autant apporter la pluie, ce qui est plutôt rare
en cette saison.
J'étais
motivé, et nous avions prévu de faire la route avec le Raptor, le
cata australien.
Jeudi
matin, les choses se sont accélérées en même temps qu'elles ont
commencé à partir en couille. J'étais comme à mon habitude dès
six heures du matin assis sur la terrasse déserte du restaurant du
Iate Clube, lorsqu’après avoir téléchargé les dernières
prévisions météo via Zygrib, il
m'est apparu que cette fichue fenêtre se refermait rapidement. Dès
le dimanche le vent virait au nord, en plein dans le pif... Ce qui
présageait une arrivée en tirant des bords, voire au moteur.
Une
seule solution pour ne pas louper cette fenêtre : Partir dès
aujourd'hui. Au plus tard en fin d'après midi.
Vers
08H00, alors que je rejoignais mon bord pour commencer à préparer
La Boiteuse, j'avise un voilier, un Delta 41 brésilien, qui s'avance
vers l'entrée de la marina. Je ralenti mon annexe et je me dirige
vers lui pour proposer mon aide. En effet, à Vitória la prise de
quai peut s'avérer Rock&Roll et les employés du Iate Clube ne
sont pas toujours disponibles. Alors que je m'approchais, j'entends
avec un fort accent brésilien : Comment ça va mon ami !
Roberto !!!!
Ben merde alors ! Qu'est-ce que tu fous là ? En portugnol
ça donne à peu-près ça : ¡Roberto!
¡Puta madre! ¿Que
voce faze aqui?
Bref,
c'était Roberto. Probablement la personne que je
connais le mieux et que j'apprécie le plus dans ce pays. Nous nous
sommes croisé je ne sais plus combien de fois depuis deux ans qu'on
se connaît. Depuis mon premier passage à Rio Grande do Sul, à 1000
milles d'ici en fait... Bref, c'était Roberto et j'étais vachement
content de le voir.
Lorsque
je lui ai fait part de mon intention de partir avant la nuit, il me
l'a déconseillé me disant que la météo annonçait un avis de vent
fort et de grosse mer. Le problème avec Roberto, c'est que c'est un
roublard. Il me connaît bien, et il sait qu'il est assez facile de
me faire changer d'avis. Surtout si ça nous permet de passer du
temps ensemble...
Mais
j'ai tenu bon. J'ai exploré les bulletins de la Diretoria de Hidrografia e Navigação, et après
en avoir discuté avec Alex, le capitaine du Raptor,
nous avons décidé de partir malgré
tout. Vent de force 4/5, vagues de trois mètres dans les fesses...
Un peu musclé mais gérable.
16H40 :
Mercedes démarre au quart de tour. Tout est fin prêt, je n'ai plus
qu'à allumer l'ordinateur et... C'est quoi ce bordel ? Pourquoi
la souri GPS ne fonctionne t-elle pas ? J'éteins, je rallume,
je réinitialise la connexion et... Toujours rien ! Merde !
Finalement,
au bout de vingt minutes de tâtonnement je me rends compte
qu'Opencpn à probablement dû beuguer, puisque le port COM de ma
souri GPS n'est pas reconnu. Je lui dis où chercher, et hop ça
marche ! Cette fois on peut y aller.
17H00 :
Je me décroche de la bouée et nous voilà partis. La nuit commence
à tomber, et le ciel se fait menaçant au sud. Je salue au passage
Bill sur le pont du Raptor et j'enquille le canal de sortie.
17H40 :
Un fine pluie commence à tomber... Et merde. Ils z'avaient pourtant
dit qu'il ne pleuvrait pas. Je hisse la GV avec deux ris.
Je
ne voudrais pas jouer les Cassandre, mais il y a un truc qui
m'inquiète un peu. C'est mon arbre d'hélice. Je trouve qu'il vibre
un peu. Un peu beaucoup même.
Bon,
je reconnais que ce n'est pas nouveau... Mais là j'ai l'impression
que c'est de pire en pire. Dans l'absolu, ce n'est pas si grave (je
crois) car je devrais éteindre Mercedes d'ici une vingtaine de
minutes et ne plus en avoir besoin avant plusieurs jours. Mais quand
même...
17H50 :
Bon allez, je fais demi-tour. Appelez ça de l'instinct, ou de la
mauvaise volonté comme vous voulez, mais je ne la sens pas cette
navigation. Si jamais le problème devait s'aggraver je ne suis pas
sûr de savoir où réparer. Alors qu'ici, et même si je n'apprécie
que moyennement cette escale, je sais y trouver un mécanicien
compétent.
18H00 :
Putain... Jamais j'arriverais à partir de cet endroit !
18H30 :
Je repasse devant le Raptor. Alex est sur le pont et me demande ce
qu'il se passe. Je réponds : Something wrong with my
engine !
18H45 :
Je retrouve ma bouée. Alex est venu me filer la main avec son
dinghy. Il grimpe à bord et se penche aussitôt sur mon problème.
C'est qu'il est doué en mécanique le Alex, et pas avare de sa
gentillesse. Au bout de quelques secondes il trouve ce qui cloche :
Un bout de tuyau mal placé qui amplifiait les vibrations et faisait
ce bruit qui m'inquiétait tant.
Je
suis soulagé... Mais pour autant, il est hors de question que je
reparte.
Je
ne sais pas comment vous expliquer ça... Pour moi, partir en mer est
un processus lent à construire. J'ai besoin de me motiver pendant au
moins vingt-quatre heures et que les choses montent en puissance
petit à petit. Mais si par malheur quelque chose venait à gripper
ce délicat processus, ça me coupe les jambes. Là, pour tout vous
dire j'ai comme un gros coup de barre et une absolue non-envie de
quoi que ce soit. Si ce n'est de me coucher et de dormir.
Et
c'est ce que j'ai fait.
Fabio au boulot |
Le
lendemain matin, je croise Fabio, mon mécanicien préféré. Je lui
explique ce qu'il s'est passé et je lui demande de venir jeter un
coup d’œil. C'est que même si ce bout de tuyau semblait être la
source de ce bruit intempestif, il n'empêche que mon arbre d'hélice
vibre quand même plus qu'avant... Alors autant régler ce problème
tant que j'en ai la possibilité et les moyens.
En
début d'après midi, Fabio grimpe à bord et s’attelle à la
chose. Là en encore il ne lui fallut pas plus de quelques secondes
pour poser son diagnostique : L'arbre et le tourteau ne sont
plus alignés.
D'ailleurs
c'est vrai que le tourteau est dans un triste état... Tout rouillé,
avec des bouts de caoutchouc qui pendouillent. Il fait peine à voir.
Je
lui demande si c'est dû à un manque d'entretien de ma part
(toujours cette fichue manie de me croire responsable de tout), mais
il m'affirme que non. Le moteur est vieux et la pièce est vieille...
Seul le temps est responsable de mon infortune.
Mais
il n'empêche que j'ai bien fait de le faire venir, car tôt ou tard
le tourteau aurait cédé et là je me serais retrouvé dans la merde
avec un moteur qui tourne comme une horloge (là, j'ai été
vachement fier de moi) mais qui n'arrive pas à faire tourner
l'hélice. Donc un moteur qui ne sert à rien.
Tourteau tout pourri |
Il
lui fallut une heure et demi pour démonter le bordel. Il n'a jamais
vu un modèle semblable... Et est-ce une vue de l'esprit de ma part,
mais j'ai l'impression que ça le rend heureux ! On dirait un
gamin qui découvre un jouet au pied du sapin !
Bref,
il est reparti avec la pièce et m'a demandé de repasser le voir
lundi matin. Là on verra si il peut me proposer une pièce
équivalente, ou bien s'il faudra carrément en fabriquer une... Je
sens que ça va douiller cette histoire.
Voilà
les amis. Je ne sais pas encore pour combien de temps je vais en
avoir avant d'être prêt à repartir... Mais comme dit l'autre :
Quand ça veut pas, ça veut pas !
9 commentaires:
C'était pas le jour et finalement , ton instinct de marin a bien fonctionné !!
C'est Roberto qui doit être content…
Et la Touline ???
Vas tu devenir brésilien!
Tu sais qu'il ne faut jamais partir un vendredi?
Courage tu es entre bonnes mains avec ton mécano et profites de la compagnie de Roberto.................
on se verra a Vitoria vu comme cést partit :D mais t'as entièrement raison, suis tjr ton instinc!
@Bouille Marius : Je ne sais pas si c'est de l'instinct... Plutôt la conséquence d'une expérience qui s'étoffe.
@Chantal : Je veux qu'il est content ! Touline n'a pas apprécié le départ à la nuit tombée... Je gage qu'elle a été contente qu'on annule !
@Le Mousse : Je suis parti le jeudi soir d'abord !
@Sandrine : J'espère bien que non !!!
Moi j'en connais à qui il arrivait un souci avec le tourteau juste en quittant le mouillage. Dans un cas comme ça, on dit "il vaut mieux que ça t'arrive ici que devant l'entrée d'un port, avec des rafales latérales et un courant de cheval". Et si en plus, ça te permet de passer un peu de temps avec Roberto... au final, ça se goupille, comme on dit par chez nous en Galice ? "de puta madre", exactement.
@Gubragh : Ca fait longtemps que j'ai appris à laisser couler les impondérables. Même si je me réserve néanmoins le droit de râler !
@Christophe : Tu as bien fait. Le YCRG est un lieu assez sympa, et pas trop cher. Quoique excentré.
Tu y seras en sécurité.
This is a great blog
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