12°53.377S
38°41.045W
Itaparica,
Bahia
Samedi
27 décembre 2014
07H10 :
Et bien ça y est, nous y sommes ! Après deux mois d'escale à
Itaparica, La Boiteuse est enfin prête à reprendre la route. Je
n'ai plus qu'à débrancher l'électricité, récupérer Touline qui
vadrouille je ne sais où, payer la marina, et on y va !
Vous
savez quoi ? Et bien je suis chaud de chez chaud ! Je suis
content de mettre enfin les voiles après tout ce temps passé ici.
Non-pas que je regrette mon séjour à Itaparica, pas du tout même,
mais je suis content, après deux départs reportés, d'avoir enfin
une fenêtre météo acceptable pour me permettre de faire ces
dernier 500 milles problématiques.
La
première fois que j'ai dû repousser mon départ, je vous l'ai
raconté dans Glouglous et perplexitude. Mais il y en a eu une
seconde pas plus tard qu'hier ! Figurez-vous que la veille du
jour prévu, le jeudi donc, alors que je commençais à m'endormir
pour ma sieste, l'esprit plus ou moins occupé par mes préparatifs,
j'entends qu'on tape sur la coque du bateau. Dans ces cas là, tout
dépend de mon degré d'endormissement, mais la plupart du temps je
commence à faire la sourde oreille. J'espère au fond de moi qu'il
ne s'agit que d'un rêve, et en même temps une autre partie de mon
cerveau commence à maudire l'importun.
Un
deuxième toc-toc se fait entendre, accompagné cette fois-ci d'un
cordial « Ohé de la Boiteuse ! ». Là, il n'y a
plus de doute, l'importun me parle dans la langue de Molière et en
ce moment il n'y en a pas bézef dans le coin, donc faut que je me
lève, ne serait-ce que pour l'envoyer bouler.
Je
sors dans le cockpit, la tête dans le cul et les yeux en trou de
pine, et je tombe sur le grand sourire d'un type que je ne connais
ni d'Eve ni d'Adam. Je ne suis pas encore vraiment réveillé, mais
je comprends quand même qu'il s'appelle Pascal, qu'il est en bateau,
qu'il vient d'arriver et qu'il était pressé de me rencontrer parce
qu'il est un fidèle lecteur depuis deux ans. Ah ben merde alors...
Du coup, et bien je me suis réveillé complètement, et j'ai passé
l'après midi sur son Lagoon 380, Fidelio, en sa compagnie et celle
de ses équipiers.
Donc,
afin de profiter de cette nouvelle et agréable compagnie, j'ai
décidé de surseoir à mon départ pour vingt-quatre heures. Parce
que si c'est toujours plaisant de sociabiliser, des fenêtres météo
comme celle-ci ne courent pas les rues... Et donc nous voilà
aujourd'hui sur les starting-blocks.
08H35 :
Mercedes démarre au quart de tour. Harry, un voisin allemand, me
largue les amarres de proue pendant que je laisse couler la pendille.
La marina est bondée, et je craignais un peu de me prendre la quille
dans toutes ces pendilles et ces chaînes d'ancre, mais tout se passe
bien. Je fais un petit tour parmi les bateaux au mouillage pour
saluer Fidelio, et Oceanis. Tout le monde est sur le
pont, appareil photo ou téléphone à la main. Le départ de La
Boiteuse est immortalisé !
Au revoir La Boiteuse ! |
09H25 :
Nous avons contourné la pointe de l'île sans encombre et nous voilà
vent debout, au moteur. La GV avec deux riz et un peu de foc pour
gagné un peu en vitesse. Le courant de la marée descendante nous
pousse vers la sortie. Tout va bien.
Franchement,
je suis content de savoir que ma prochaine escale sera Jacaré. Deux
ans et demi après mon arrivée sur ce continent, je vais revoir ma
première impression brésilienne... Je pense que nous devrions
arriver le premier janvier au matin.
11H15 :
Me voilà au milieu des cargos à tirer des bords au moteur...
Incroyable. Plus de face comme vent c'est pas possible (un F3 bien
tassé). Heureusement, ça veut dire que je vais être pratiquement
au travers une fois que je serais sorti des cette baie. Mais pour
l'instant c'est assez technique comme nave. En plus, des grains de
pluie s’abattent sur La Boiteuse par intermittence...
A droite ou à gauche ? |
12H45 :
Nous nous sommes faufilé entre la cardinale nord qui marque le Banco
de Santo Atônio et la pointe du même nom. Plus que cinq ou six
milles avant de pouvoir abattre et de couper le moteur. Pour
l'instant c'est un peu Rock & Roll, car le banc de sable nous
fabrique une houle haute et courte que La Boiteuse se prend en pleine
poire. Le bateau tangue violemment.
13H15 :
Merde. Après avoir baissé en régime, Mercedes vient de s'éteindre.
13H30 :
Bon ben les enfants, j'ai bien réfléchis. Le mieux est encore de
rentrer. Mon premier élan a été de continuer sur ma lancée. Je me
doutais que la panne était probablement due à de la merde dans le
circuit de gasoil, ou quelque chose comme ça. Et je me disais que
d'ici cinq jours que j'arrive à Jacaré, j'aurais largement le temps
de régler le problème...
Et
puis je me suis demandé, et si c'est pas ça ? Et si c'est plus
grave et que tu ne peux pas réparer ? Le prochain abri est à
400 milles, alors que tu n'es qu'à vingt milles de ton point de
départ...
Salvador |
Car
même si a priori je pense que je saurais me débrouiller sans
moteur, c'est quand même mieux quand y'en a un. Non ? Je veux
dire par là que ok, Mercedes me lâche, alors je fais avec les
moyens du bord (Comme à Pinheira). Mais là c'est un peu différent,
car je pars pour cinq jours. Et en cinq jours il peut s'en passer des
trucs ! Si les voiles me lâchent elles aussi, alors je fais
comment sans moteur et sans voile ? Bref, continuer, aurait été
se mettre sciemment dans le caca.
14H30 :
Le vent est en train de baisser, alors que La Boiteuse pénètre de
nouveau dans la Bahia de Todos os Santos. Au vent arrière,
les voiles en ciseau, foc tangonné... Nonobstant le souci qui est le
mien, je dirais que cette navigation devient plaisante ! La
Boiteuse file à 4,5 Nœuds sans rouler ni tanguer. C'est un vrai
plaisir.
Mariposa ! |
15H00 :
Le vent est complètement tombé maintenant... Moins de 2,5 nœuds
avec le cul qui tape. Ça veut dire que c'est le courant qui nous
pousse. Le soleil se couche dans trois heures, et à cette vitesse je
doute d'arriver avant la nuit. J'espère seulement être assez
manœuvrant. Trop de vent, c'est la galère, pas assez c'est la
garantie d'aller s'échouer quelque part. Ou pire, de percuter un
autre bateau (rappelez-vous, on ne connaît pas les assurances à
bord de La Boiteuse).
17H00 :
Ah ? Aurais-je un peu de bol aujourd'hui ? On dirait bien
que le vent se lève de nouveau. J'aperçois le clocher de l'église.
On y est presque !
Bon,
j'avoue que j'évite de réfléchir à ce que je vais bien pouvoir
faire une fois arrivé. Mouiller à l'arrache avec le vent dans le
nez et le courant dans le dos ? Appeler un bateau pour qu'on me
remorque ? Je vais préparer mon ancre, mettre tous les pare
battages en place et une ou deux amarres, mais ensuite ce sera
totale-impro.
Course contre la montre |
17H15 :
Allez, plus qu'un bord à tirer pour passer entre ce danger isolé et
cette cardinale de merde, et je déboule au milieu des voiliers au
mouillage. Avec les fêtes, c'est blindé de chez blindé...
18H00 :
Oh le bol ! J'aperçois Pascal avec son annexe et son moteur de
10Cv qui se dirige vers moi à fond les manettes !
La
suite vous la devinez. Pascal a amarré son annexe sur le flan de La
Boiteuse et m'a toué (c'est comme ça qu'on dit) jusqu'à la marina,
où il m'a déposé comme une fleur à couple du Regolarita de
Harry... Un coup d’œil sur l'horizon, le soleil vient de
disparaître et la pénombre s'installe. Je suis arrivé juste à
temps et tout est bien qui finit bien !
Bon,
maintenant il va falloir que je m’attelle à nettoyer et à purger
le circuit de carburant... Mais ce sera pour demain, ou après
demain. Pour l'heure je suis naze. J'ai des courbatures partout et ma
cheville me fait souffrir. Dure la reprise, moi je vous le dis !
A bon port ! |
Tu me réveilles quand on est arrivé, ok ? |
10 commentaires:
Pas de chance! Quoi que? Passer le réveillon en solitaire en mer avait le mérite de l'originalité et un petit goût d'aventure, mais reconnait que ce n'était pas l'idéal pour "socialiser".
Bien sûr, c'est complétement débile d'attendre 23h59'59" pour gueuler "bonne année!", mais finalement on se laisse prendre chaque année et on trouve toujours deux/trois personnes sympa avec qui trinquer avant d'aller se coucher.
Allez, bon réveillon et meilleurs voeux pour 2015 comme on dit.
On ne baissera pas la veille pour guetter l'arrivée de tes nouveaux articles.
Jérôme.
Et ben en voilà un qui a eu du pot quand même dans son petit malheur ! Allez, happy nouilles yeah !
A toute chose malheur est bon, dirait ma moman.
Bonne fin d'année en société ;)
Abrazos
feliz ano nuevo....
Michel Rans
Au vent dans le voiles, au moteur qui déraille, aux nautiques à laisser couler, au capitaine seul maître à bord, aux destinations lointaines, aux rendez-vous à venir, aux voyage(ur)s impénitents, aux jours prochains...
@Jérôme ; Ben tu sais, j'aurais encore préféré être en mer... Putain qu'ils sont bruyants les Brésiliens !
@La Lésion : C'est ma marque de fabrique ça. Juste la dose d'emmerdes nécessaires pour corser la vie sans la mettre en danger.
@Aglaé : Ta maman a raison !
@Michel : Voce tambem !
@Hedilya : Je cherche quelque chose à dire d'aussi poétique que toi, mais je n'y arrive pas. Si ce n'est : Idem.
Bonne et heureuse année 2015 Denis.nous te suivons par ce blog. fais toi encore réver cela nous donnera aussi du plaisir. Yves et Régine a Saint Martin.
@Exocet : Bonne année à vous aussi !
C'est un beau départ plein d'entrain (j'ose le "pour une fois" ? ;), légèrement retardé mais pour la bonne cause et ça fait plaisir à lire. Pour avoir tenté la panne de moteur + les 3 voiles qui se déchire, je te confirme que tu as grandement bien fait de retourner au bercail ! Et c'est toujours agréable à lire cette entraide spontanée à toute épreuve dans ce monde marin. J'espère que tu as passé un réveillon sympa avec Fidelos et les autres bateaux-copains.
Pensées de Savoie, hâte de lire le premier billet 2015 !
@Astrid : Les deux réveillons ont été devant un plat de pâtes en tête à tête avec Touline... Comme depuis quatre ans.
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