13°00.283N 61°14.520W
Admiralty Bay, Béquia
Dimanche 14 février 2016
07H05 : La Boiteuse démarre au
quart de tour. A chaque fois que cela arrive, cela n'a de cesse de
m'étonner. D'autant plus qu'à cette heure-là, les batteries sont
plutôt faiblardes. Mais bon, ne boudons pas notre chance.
Je mets le guindeau en fonction pour
remonter le mouillage, mais comme le vent ne souffle pas trop fort,
je décide de le faire à la main. A l'ancienne. Trente mètres de
chaîne plus tard, La Boiteuse dérape, on est parti.
07H40 : Le moteur est arrêté,
mais nous sommes empétolé sous le couvert du Mont St Louis qui
borde la partie nord de la baie. C'est ma faute, je suis passé un
peu trop près du rivage... Mais bon, c'est pas grave puisque nous
sommes parti relativement tôt et que nous n'avons qu'une quarantaine
de milles à faire jusqu'à Béquia.
Je laisse Tyrell Bay derrière moi sans
véritables regrets, si ce n'est les quelques copains que je m'y suis
fait. Quoique... Là encore ce n'est pas si grave. Il y a de grandes
chance que l'on se recroise de nouveau.
Ah ça y est, le vent revient. J'ai un
ris dans la Grand-Voile et le foc déroulé presque entièrement.
07H53 : Boum, boum, boum !!!
Bordel, c'est quoi ce bruit ? Ah oui... J'ai oublié de remettre
l'ancre à poste sur le davier, et elle tape contre l'étrave !
Ne rigolez pas ! Cela arrive à tout le monde et bien plus
souvent qu'on ne veut bien l'admette, croyez-moi. Et celui qui vous
dit le contraire est un menteur !
Pour l'heure, j'ai l'île de Union en
ligne de mire.
08H32 : Devant moi un banc de
poisson volant prend son envol. Ça me fait penser qu'il serait
peut-être à propos de mettre une ligne à la traîne... Aussitôt
fait sous le regard plus qu'intéressé de Touline. (Hélas, à part
des Sargasses, nous ferons choux blanc)
09H20 : Ça y est, nous laissons
Union par le travers et devant moi se dévoile peu à peu les autres
îles en enfilade. Tout d'abord Mayreau, puis Canouan. Béquia n'est
pas encore visible car encore à plus de 25 milles.
A propos, je me dois de vous préciser
un truc. On prononce Maillereau, et Békoué. Attention, si vous ne
le faites pas, vous êtes aussitôt classé dans la catégorie gros
ringard.
11H15 : Canouan se dévoile par le
travers et Béquia est en vue. On marche bien à 50° du vent, 5-6
Nœuds... Logiquement on devrait arriver vers 15H00...
Faudrait que je me rase, non ? |
14H00 : Alors que je regarde la
West Cay, la pointe sud-est de Béquia, approcher, j'ai « Les
mots bleus », la version d'Alain Bashung, dans la tête. Un
passage de la chanson me replonge instantanément dans ma jeunesse.
Je me vois arriver tard le soir en gare des Arcs. J'ai 21 ans, je
suis en permission pour 48 heures, et je viens de traverser la France
entière pour retrouver le sourire de mon amour qui m'attend sur le
quai... Wahou, qu'est-ce que j'étais heureux en ce temps-là !
Le problème, c'est que je ne le savais même pas... En tout cas, je
peux vous dire, mais vous le savez déjà je pense, il y a des
souvenirs plus précieux que tout et qui ne s'effacent jamais. Et
c'est très bien comme ça.
Euh.... |
14H10 : Je double la West Kay, en
fait deux gros cailloux sur lesquels c'est échoué un petit cargo,
et tout de suite je dois lofer au près serré. Ultra serré le près.
Je vais tenter de joindre le fond de la baie en deux bords, mais
c'est pas gagné. Au fond d'Almiralty Bay, je vois Port Elizabeth, et
une ribambelle de voiliers au mouillage.
14H30 : Je reconnais la silhouette
familière du Ponant qui est mouillé en plein milieu de la baie. Je
le connais bien celui-là, du temps où il faisait régulièrement
escale à Nice...
Le Ponant |
14H40 : Bon, ça suffit. Je ne
vais pas pouvoir aller plus avant à la voile. J'allume Mercedes et j’abats mes voiles.
14H50 : Il me reste encore un demi
mille à faire et je vois soudain deux hors-bords foncer sur moi pour
me proposer une bouée. Je décline la proposition du premier d'un
simple geste, mais le second se montre plus insistant. Il me propose
une bouée pour 50 dollars EC la nuit. Non merci. 30 EC$ ? No
Thank you ! 20EC$ !!! NO thank you !!!!
Le type repart dépité, non sans me
jeter un regard noir au passage. Pfff... J'te jure. Je déteste être
harcelé comme ça. D'autant plus qu'une fois que vous êtes accroché
à la bouée, les Dollars EC (East Carribean) ont tôt fait de se
transformer en Dollars US. Eh ducon, tu m'as pris pour un touriste ou
quoi ?
15H00 : Je me faufile entre les
voiliers à la recherche d'une place... Pas facile. Soudain j'entends
siffler, c'est Marc sur Good Life qui me signale une place de
libre à côté de lui. Chouette ! C'est sympa de voir des
visages connu en arrivant dans un nouvel endroit !
En passant devant la proue de Good
Life je me fais une petite frayeur car les fonds remontent
subitement et le sondeur m'indique que je n'ai plus que 20 cm d'eau
sous la quille... Oups ! Heureusement, je vire à temps et
retrouve peu à peu une hauteur d'eau raisonnable.
Je balance l'ancre et la chaîne et me
laisse dériver. Hélas, j'ai mal calculé mon coup, et je me
retrouve un peu trop près d'un sloop battant pavillon US. Bon tant
pis, on verra plus tard... Car pour l'instant j'ai une grosse poussée
de flemme qui me submerge. D'autant plus que Marc vient de m'inviter
pour prendre un café à son bord.
Admiralty Bay, Béquia |
Deux heures plus tard, je suis revenu à
mon bord et je m'applique à mettre l'annexe à l'eau. Sitôt le
moteur en place, je démarre et je rends visite aux américains pour
connaître leur sentiment quant à ma proximité... Ils ne sont pas
vraiment rassurés, et je les comprends car moi non plus. On est
vraiment très près l'un de l'autre. Je lève ma main et la brandi
devant moi. Une largeur de paume entre le soleil et l'horizon, ça
veut dire que j'ai encore une heure devant moi avant la nuit. Ok,
c'est jouable. On va refaire le mouillage.
Je remonte et mon ancre, fait un petit
tour, et revient me positionner à dix mètres derrières les
ricains. Plouf, on recommence. On est pas mal là... Sauf qu'à la
manière dont la chaîne tressaute, je me dis que l'ancre a de la
peine à crocher. J'ai juste quelques minutes devant moi pour aller
vérifier.
J'enfile mon maillot, masque et palme
et plouf, je vais vérifier.
La bonne surprise c'est que l'eau est
bien plus clair qu'à Carriacou. Ensuite, je constate que les fonds
ressemblent à un véritable terrain vague, plein de creux et de
bosses, parsemés de gros cailloux. La chaîne serpente entre ces
blocs, et l'ancre est à peine enfoncer... Zut ! Là, il est trop
tard pour que je recommence, mais avec un peu de bol (c'est pas
interdit) j'ai mis suffisamment de chaîne (trente mètres) pour que
la traction sur l'ancre s'effectue horizontalement. Donc logiquement
elle devrait s'enfoncer peu à peu. Enfin j'espère... On verra
demain ce qu'il en est.
Ah oui ! J'allais oublier !
Alors que j'en étais à laisser filer ma chaîne pour la deuxième
fois, un type s'approche de La Boiteuse avec son annexe, et me
demande comme ça : Comment va Touline ?
Je suis scié ! Je fronce les
sourcils, et penche un peu la tête... Non, ce visage ne me dit
rien... Et pour cause, je n'ai jamais rencontré cet homme de ma vie.
Par contre lui me connaît bien car sa femme est une lectrice assidue
de ce blog et une fan invétérée de Touline !
Et voilà comment on se fait de nouveaux potes ! Je sais que cela ne transpire pas vraiment quand on me lit, mais il y a des jours, j'adore ma vie !
Je ne sais pas vous, mais moi je la
sens bien cette île de Béquia...
7 commentaires:
Hola camarade,
d'habitude je n'aime pas les reprises. Les mots bleus de Bashung c'est l'exception qui confirme la règle ! Mieux, bcp mieux que Christophe. @+
Bonjour Gwendal,
Je te félicite pour le beau sillage que tu réalises, tes photos ainsi que tes récits sont super, Muchas gracias
J'admire aussi Touline qui t'endure la pauvre Hi-Hi
Gerdy
Bonsoir Gwendal,
Juste pour te souhaiter une bonne escale !
Quand Touline va-t-elle pouvoir se dégourdir les pattes
sur la terre ferme ?
David de Nantes
@La Lésion : Je confirme !
@Gerdy : De nada ! Content de te lire de nouveau.
@David : Merci ! La pauvre Touline ne mettra pas la patte à terre avant que nous n'arrivions en Martinique.
Salut Gwendal,
Juste un peu déçu car à chaque lignes lues je m'attends à un rebondissement épique qui désormais ne vient pas !
Ďeviendrais tu un plaisancier à la planification parfaite éradiquant tous les rebondissements ?
Reprends toi vite, n'allons nous pas nous ennuyer bientôt ?
De plus tu vas pas tarder à prendre le melon, la célébrité te menace !
Amicalement, le Pierro.
Les rencontre comme ça ça nous fait toujours bizarre la première seconde puis l'ego gonfle hihihi
Tu as l'air d'etre arrivé dans un chouette coin!
bisouilles
@Vélo Bato : Pour une fois que les choses se passent "normalement", ne boudons pas notre plaisir, veux-tu ?
@Sandrine : L'égo gonfle, c'est certain. Et là encore, je ne boude pas mon plaisir !
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