14°28.089N 60°52.510W
Le Marin, Martinique
Le samedi 5 mars 2016 - On se casse
06H20 : Et bien voilà. Mon séjour
à Béquia s'achève et je m’apprête à reprendre la mer en
direction du Marin, en Martinique. De Béquia (Békoué !), je
garderais un souvenir mitigé, ce qui à mes yeux est plutôt une
bonne appréciation. Le mouillage est assez sympa, et des fonds
pleins de vie sont directement accessibles depuis le bateau pourvu
que l'on mouille comme je l'ai fait au ras de Margaret Beach.
L'approvisionnement (la bouffe quoi), est un peu plus conséquent et
j'ajouterais que l'accueil des gens est un peu moins frais qu'à
Carriacou.
Enfin, pouvoir siroter son café après
la sieste en matant quelques paires de seins nus sur la plage, est un
luxe non-négligeable. Sans blague, je crois que je n'avais plus vu
de tétons à l'air depuis la France ! Je ne sais pas pour vous,
mais je suis persuadé que le topless est un signe évident de
liberté intellectuelle et morale. Voire même, de maturité
civilisationnelle !
Bonjour Mesdemoiselles ! |
Alors, question navigation, voilà ce
qui nous attend : 90 milles et des poussières en passant sous
le vent des îles de St Vincent et Ste Lucie. Arrivée prévue demain
matin. Je table sur une petite moyenne, tout en comptant sur la
légèreté de La Boiteuse. Je m'explique ; tout le monde dit
qu'en passant sous le vent des îles, et plus particulièrement de
celle de St Vincent, c'est moteur obligatoire. Mouais... La plupart
des copains qui m'ont dit ça ont des bateaux bien plus grands et
bien plus lourds que ma Boiteuse, et considèrent qu'à trois nœuds
ils sont à l'arrêt. Pas votre serviteur ! Donc, je pense qu'on
va pouvoir se débrouiller... Ou pas. L'avenir nous le dira.
Normalement, on devrait avoir des vents
entre 10 et 15 nœuds, par le travers. Puis ce sera du bon-plein, et
on finira au près serré. Bref, ça va commencer cool pour finir
chiant.
07H00 : Décollage sans incident.
La Boiteuse se faufile entre les bateaux encore endormis. Personne
n'est levé pour lui dire au revoir, et j'ai l'impression de partir
comme un voleur... Entendez bien, je ne suis pas orgueilleux au point
de souhaiter un comité à chaque départ ou arrivée, mais quand
même. C'est agréable d'agiter la main en partant... Ça vous donne
l'illusion que vous allez manquer à quelqu'un.
07H30 : On passe Northwest Point,
St Vincent est déjà visible à 8 milles. J'arrête le moteur et je
hisse la GV.
07H45 : Travers, 4,5 nœuds avec
un ris dans la GV et le foc à moitié. La houle me cueille à froid
et j'ai un début de nausée... Vite un Stugeron® !
Et merde, j'aperçois un grain à
l'est... Je crois qu'on va commencer cette nave en se faisant rincer.
08H30 : Avec un peu de bol le
grain va nous passer devant... Mais c'est pas gagné parce qu'il est
très large.
09H00 : Bon ça y est, on est
sorti du canal de Béquia et a priori on a évité l'orage. Le vent
est en train de tomber, mais la mer est encore un peu agitée...
Blurp ! Mais bon, on avance à 3,5 nœuds et dans la bonne
direction, et c'est ça qui compte.
09H45 : Finalement, il pleuviote.
Touline qui dormait dans le fond du cockpit émet un miaulement
réprobateur et me rejoint à l'abri sous la capote. Je sais ma
vieille... tu préférerais aller batifoler à terre plutôt que de
te faire mouiller et bringuebalée dans tous les sens, et je te
comprends. Mais dans pas longtemps on va aller se poser dans une
marina, je te le promets !
St Vincent dans les nuages |
11H00 : On est à deux milles au
large de Wallilabou, lieu de tournage du célébrissime Pirate des
Caraïbes. Il reste quelques décors en carton-pâte pour amuser le
touriste... Cela dit, avec tous ces nuages et ses rayons de soleils
qui percent, St Vincent est vraiment très belle.
11H50 : Bon, là j'en ai marre.
Depuis une heure on est scotché de chez scotché. J'allume Mercedes.
12H15 : Moteur à bas régime, on
avance à quatre nœuds. J'ai profité de la stabilité du bateau
pour me faire cuire une côté de porc avec un restant de pâtes.
Franchement, je suis déçu... Je pensais vraiment que La Boiteuse
pouvait tirer son épingle du jeu dans cette pétole. Mais bon, le
régulateur n'assurait plus une cacahuète, ce qui veut dire qu'on
« avançait » à moins d'un nœud. Donc... Parfois il ne
sert à rien d'être têtu, hein ?
Allez, une petite sieste ça te dit
Gwendal ?
13H25 : Arrêt moteur. On a une
petite brise, grand largue. Cool !
13H55 : Et merdeuuuuuuuu !!!!!
Plus de vent.
14H10 : Allez, re-allumage du
moteur.
14H35 : Ah tien ! T'es là
toi ? Ça frisotte sur le devant, et j'aperçois même quelques
moustaches. Cette fois-ci j'espère que c'est la bonne. Arrêt
moteur.
15H35 : Ça fait une heure qu'on
avance au près serré dans le canal de St Vincent. Ça secoue pas
mal, avec des pointes à six nœuds, six nœuds cinq. Ste Lucie droit
devant.
16H05 : Cap sur les fameux deux
pitons de Ste Lucie. J'arrive à les distinguer malgré la brume.
18H00 : C'est la fin de la
journée, et le soleil est en train de se coucher sur bâbord.
Franchement, la météo c'est un peu plantée sur ce coup-là. En
faisant un près le plus serré possible j'en suis toujours de 15°
par rapport au cap que je devrais faire... Et vers minuit il va
falloir que je lofe encore de 25° pour taper le sud de la
Martinique, ce qui a priori sera impossible à faire. Pfff...
J'espère qu'en approchant de Ste Lucie les choses vont changer et
que j'aurais quelques bonnes surprises. Parce que sinon, ça va être
compliqué.
Le dimanche 6 mars 2016 - Bienvenu
en France !
Coucou ! |
06H00 : La nuit a été somme
toute assez calme. Dans le sens où j'ai dormi par cycles de 45
minutes, comme souvent en mer, et que personne n'est venu me faire
chier. Pas de pêcheurs, pas d'autres voiliers, pas de cargo. Un
désert bienvenu.
Le long de Ste Lucie le vent s'est bien
calmé sans toutefois pétoler comme à St Vincent. Ce qui fait qu'on
a avancé à un train de sénateur, mais avancé tout de même. Vers
02H30, les grains ont commencé à se succéder les uns après les
autres, m'obligeant à m'abriter de la pluie sous la capote. Là on
est encore à 25 milles du Marin, un peu trop à l'ouest, et on
avance au près serré à 2,5 nœuds avec semble t-il un courant
contraire. 25 milles, 2,5 nœuds : Le calcul est évident.
Patrick qui était sensé m'accueillir avec le café du matin en sera
pour m'offrir un déjeuner tardif.
Heureusement le vent est en train
d'adonner, et on file droit sur le Sud de la Martinique.
06H45 : J'ai relâcher mon ris sur
la GV afin de gagner en vitesse et en cap. On a gagné un nœud, mais
pour le cap ça me semble mal barré... Là, on va droit sur Fort de
France.
Je sens qu'il va falloir finir au
moteur, ou alors tirer des bords jusqu'à la fin de la journée.
08H00 : Putain c'est la misère...
Je fais du 10°, alors que je devrais faire du 63° ! Si je ne
trouve pas une solution, je vais carrément rater l'île ! Que
faire ? Bon, pour l'instant je continue comme ça, au moins
jusqu'à midi, et ensuite on verra.
La Pointe et le Rocher du Diamant |
09H15 : J'ai gagné 10°
supplémentaires et le courant contraire semble enfin nous lâcher
les basques. Normalement, dans deux heures il faudra que je vire de
bord... et lorsque cela arrivera on devrait être un peu au Nord du
célébrissime Rocher du Diamant, que j'aperçois déjà. Et oui, on
va atterrir vachement haut !
Putain de vent à la con ! Quand
je pense à l'abruti anonyme qui commentait récemment en disant
qu'il était « difficile de trouver aussi simple comme bassin
de navigation » ! Mon cul oui ! Les Antilles c'est de
la merde !
10H30 : On voit bien Fort de
France à présent. Je suis tenté de changer mes plans... Et de
filer directement à la marina d’Étang Z'abricots. Ça fait neuf
mois maintenant que je n'ai pas été dans une marina, et franchement
cela me manque. Et je ne vous parle pas de Touline !
Mais non, on m'attend au Marin, et j'y
ai des choses à faire. Changer mes winches, et faire réparer mon
moteur HB, entre autre. Et faire ça à Z'abricots, ce n'est pas
possible.
11H00 : Allez, allumage moteur. On
est en face des Anses d'Arlet et il reste 16 milles à faire. Plein
Est, avec le vent et la mer dans le nez. Là les enfants, on va se
faire chier.
Tu sais que tu me gonfles toi ? |
13H00 : J'ai dû tirer des bords
pour passer cette saloperie de Rocher du Diamant. Il reste 12 milles
à faire. Le pont est trempé d'embruns, et j'ai le visage brûlé
par le soleil et le sel à force de regarder vers l'avant.
14H00 : On en voit le bout !
Plus que sept milles ! La côte est jolie, avec quelques
lotissements et des champs cultivés. L'île me semble bien plus,
comment dire, développée (aménagée ?) que ces voisines.
14H25 : Vous savez, ça me fait
drôle de me dire que j'arrive en France... Alors oui, j'étais en
Guyane il y a huit mois, mais c'est pas pareil. C'est peut-être dû
aux enjeux qui sont différents... Car plein de choses concernant mon
avenir à long terme vont se jouer, ici dans ce lieu et dans les mois
qui viennent... Et ça m'angoisse un peu.
Mais bon. D'abord mes winches, mon
hors-bord, et ensuite je m'occuperais de mon avenir. Et en attendant
je vais me faire un petit café, ça va me faire du bien.
15H10 : Bouée verte d'entrée du
chenal droit devant ! Here we are!
On arrive ! |
15H22 : Wahou... Alors que je
passe la bouée, j'aperçois le mouillage de Ste Anne. Il y a là au
moins une centaine de voiliers. Mais quelques encablures plus loin la
baie du Marin se découvre, et là c'est une véritable forêt de
mâts ! Nom de Zeus, c'est impressionnant ! J'ai
l'impression qu'il y en a des milliers !
Dans le chenal, ça se croise, ça se
double. Je commence à croiser des skippers, le regard braqué sur
l'horizon et qui ne répondent pas à mon salut. Ou alors avec
réticence, une fois que j'ai longuement insisté. C'est pas grave,
je sais que j'arrive dans un endroit où le voyageur se voit
supplanté par le plaisancier... il va falloir que j'en prenne mon
parti.
16H00 : J'aperçois Capsun,
et Patrick dans son annexe. Je fais un petit tour d'honneur et
Plouf ! Je balance l'ancre à quelques mètres de la cardinale
Ouest. Alors que la chaîne se déroule dans le davier, j'entends les
cloches de l'église du Matin qui sonnent. Il est quatre heures
pile... Bienvenu en France !
Arrivé ! |
Épilogue :
Quelques jours après mon arrivée, je suis toujours au mouillage en
face de l'église (et de son cimetière !), mais plus pour
longtemps. Je dois dire que, et là je vais encore en choquer
quelques uns, j'ai été séduit par l’ambiance qui règne dans
cette gigantesque marina. C'est un lieu de vie incroyable,
grouillant, dont je découvre peu à peu les rouages, et qui m'a
séduit d’emblée. A tel point que j'ai décidé de m'incruster
dans le coin, en faisant une demande pour une place à quai pour le
trimestre à venir. La réponse devrait me parvenir dans la
semaine...
On ne va pas dans une marina ? Tu te fout de moi ou quoi ?!? |
Club Med |
Juste en face du cimetière... |
5 commentaires:
Merci pour le rendez-vous dans ton escale mais nous sommes encore aux Canaries.
Nous devons livrer du matos pour VSF au Sénégal, faire la transat et larguer une balise Ifremer entre Natal et Récife pour arriver à Jacaré.
Je pense que dans 3 mois tu auras changé d'endroit et qu'il sera un peu tard pour nous de te rejoindre compte tenu de l'approche de la saison des cyclones.
Nous avons aussi projet de passer le canal de Panama sans date précise
Le monde est tout petit et je suivrai ton blog attentivement, j'ai mis 3 jours à le lire, tu es un champion de la narration nautique et sur l'ensemble de nos préoccupations quotidiennes.
Il faut profiter de la vie, elle est courte
A très bientôt
Francis
j'avais oublié Touline, nous qui souhaitions un chat à bord, cela ne s'est pas fait à cause des nombreux préparatifs du départ et nous avons espoir qu'une touffe viendra demander asile un jour à proximité d'Alises II
Francis
Bien venu au Marin en Martinique et en France.
Content de te savoir bien arrivé avec une sensation a priori bonne sur le lieu.
Nous sommes donc presque voisin, Exocet préfère le mouillage de Sainte Anne pour la qualité de l'eau notamment, mais passons bien des fois au Marin, nous aurons plaisir a t'offrir un verre a l'annexe, qui est notre endroit préféré.
Bonjour Gwendal,
Tes élucubrations me plaisent de plus en plus, merci l'ami, moi aussi j'ai fait pas mal de mouillage, j'ai même équipé spécialement mon bateau pour cela, éolienne, grosses batteries, deux frigos, grande annexe, bonne échelle pour y descendre, et tout et tout, et j'en ai fait du mouillage, et puis du jour au lendemain fini, j'en ai eu assez, surtout un dimanche soir, il pleuvait, je suis retourné à mon bateau, il y avait de l'eau au fond de l'annexe, le lendemain j'ai pris une place au ponton et tant pis pour la caisse du bord.
Je te souhaite que tes projets de travail se réalisent, il en faut du travail, mai pas trop ! ! !
Bon séjour en Martinique.
Hasta luego y suerte Guerdy
@Alizés II : Je me doute qu'on se retrouvera sur la Route !
@Exocet : Ok ! Je suis pour ma part souvent au KOkoarum. Mais je crois que je pourrais faire quelques mètres à pied pour venir vous rejoindre :)
@Guerdy : Je ne suis pas seul donc, et ça me rassure :)
Enregistrer un commentaire